Les scènes qui se sont déroulées hier au Bardo, à quelques mètres de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), nous renvoient tristement et rudement à celles qui se sont passées en fin de l'année 2012 et qui nous ont directement menés aux pires moments de l'Histoire moderne de notre pays, l'assassinat du martyr Chokri Belaïd. Plus de 5 mille personnes se sont rassemblées devant l'ARP pour dénoncer le rapport de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (COLIBE), présidée par Bochra Bel Hadj Hmida. Formée par le président de la République le 13 août 2017, la COLIBE a préparé un rapport proposant différentes formules qui nous permettront d'aboutir à une égalité totale entre les deux sexes, y compris l'égalité successorale, et de nouvelles lois protégeant et respectant les libertés individuelles dont, entre autres, les libertés sexuelles. Ce rapport, supposé aider la Tunisie à faire un nouvel élan en matière de citoyenneté et des droits de l'Homme, a vite tourné au vinaigre, récupéré par ceux qui cherchent à marquer des points politiques et lancé au cœur d'un débat stérile sans aucun fondement ou sens. Ceux mêmes qui ont tenté, en 2012 et 2013, de nous faire imposer la Charia comme principale législation du pays, reviennent aujourd'hui, plus forts que jamais, pour nous faire revenir à la case départ. Mais cette fois-ci, la situation est encore plus dangereuse parce que bien plus compliquée. Une complication que l'on doit au consensus qui a éparpillé toutes les cartes et bafoué tous les repères. Avant le consensus, on n'avait deux projets sociétaux bien distincts ; l'islam politique dont les objectifs étaient clairs, et les camps, démocrate et progressiste, qui cherchaient, tant bien que mal, à s'unir pour faire face à la menace imminente. Aujourd'hui, les deux camps se sont mélangés et personne ne sait plus où donner de la tête. Aujourd'hui, nous avons un président de la République qui ‘commande' un rapport qu'il veut révolutionnaire en matière de droits et d'égalité et puis disparaît totalement alors que les membres qu'il a lui-même désignés se font, publiquement et constamment, lyncher par des individus qui, dit-on, sont manipulés par de fins politiciens. La riposte du camp démocratique est en train de se mettre en marche avec une manifestation prévue pour lundi 13 août 2018 à 18h à l'avenue Habib Bourguiba où plusieurs composantes de la société civile, dont l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), seront présentes pour rappeler à tous ceux qui ont perdu la mémoire que la Tunisie est déjà passée par là et qu'elle ne s'est pas soumise, malgré toutes les frappes qu'on lui a tirés et que les libertés ne sont pas au choix ; les libertés s'arrachent et s'imposent et aucune bataille ne peut être de trop pour un acquis aussi noble que celui de la liberté et de l'égalité totales et absolues!