Prévue au Kef, à Sfax et à Redayef, l'exposition "Les Voix de la mémoire" est actuellement visible au club Tahar Haddad. Ce parcours dans la mémoire collective est aussi un hommage aux femmes victimes souvent silencieuses de la dictature défunte. "Une fois, elle avait préparé de la mloukhia pour son mari emprisonné. Arrivée à la prison, on lui demandera de la renverser immédiatement"... Une anecdote parmi des centaines d'autres qui ont ponctué le quotidien des femmes dont les proches étaient emprisonnés durant les années antérieures. Des histoires par dizaines, issues du vécu de ces femmes et témoignant des injustices et des humiliations subies. Le couffin des prisonniers comme prétexte C'est autour de ces parcours de vie que s'articule l'exposition "Les Voix de la mémoire". Elle présente en effet une expérience muséographique qui intègre la prise de parole de plusieurs Tunisiennes, les unes victimes et les autres militantes engagées dans la société civile. L'exposition est ainsi une tentative de rendu artistique d'une histoire immédiate parfois complexe. C'est le club Tahar Haddad qui accueille cette exposition depuis le 22 septembre. Ensuite, "Les Voix de la mémoire" iront au Kef (du 20 au 27 octobre), à Sfax (du 24 novembre au 2 décembre) puis à Redeyef (du 15 au 22 décembre). L'exposition prend pour prétexte le couffin en tant que symbole ambivalent. Le couffin représente d'une part le symbole du fardeau économique porté par ces femmes en lutte pour apporter de la nourriture à leurs proches en prison. Il symbolise de même l'amour et la résilience des familles face à la répression. Huit femmes pour un parcours interactif Cette exposition qui se veut un parcours interactif comprend trois volets distincts dédiés à la connaissance, l'émotion et la réflexion autour des droits humains. Ainsi, les visiteurs ont aussi la possibilité d'enregistrer leurs propres témoignages dans une salle de collecte. Pour la trame principale, ce sont les récits de huit femmes aux prises avec les souffrances liées au fameux couffin des prisonniers. Elles racontent leurs histoires et témoignent des affres qu'elles ont vécu. L'exposition n'est qu'un pan de cette restitution qui prendra aussi la forme d'un livre, d'un album de bandes dessinées et aussi d'une série de dix émissions radiophoniques. Au coeur de ce processus, la "koffa" (c'est à dire le panier en dialecte tunisien) est envisagée de diverses manières? Symbole de dignité pour les prisonniers, cet objet peut aussi cristalliser bien des violations de leurs droits. Comme en témoigne l'une des participantes: "Il faut trouver l'argent pour assurer un couffin correct, toute une nuit de préparation, un long chemin à parcourir, subir les engueulades des gardiens avant de pouvoir entrer, les regarder fouiller et mettre sens dessus-dessous la nourriture si amoureusement préparée, essuyer souvent des refus de tout ou partie de la nourriture et aussi pour les détenus être privés de couffin selon le bon vouloir du gardien". C'est de ce quotidien d'humiliation que l'exposition se sert de tremplin pour pousser le visiteur à la réflexion. Quand l'art restitue la mémoire La démarche d'accouchement de cet événement a pris un an entre ateliers, échanges, débats et conception. Au bout, en partenariat avec Museum Lab et un groupe d'artistes, l'exposition a vu le jour dans une scénographie de Marouen et Taieb Jellouli, des éclairages d'Ahmed Bennys, des créations sonores de Wissam Ziadi et des œuvres contemporaines de sept jeunes artistes. L'exposition qui a bénéficié du soutien du Centre international pour la Justice transitionnelle et de l'Université de Birmingham, est à découvrir pour un jour encore au club Tahar Haddad. A visiter donc ce samedi 29 septembre toutes affaires cessantes car ce travail de récupération de la mémoire collective via une démarche artistique vaut largement le déplacement.