L'Espagne participe à l'Octobre musical de Carthage avec un spectacle dédié à Cervantès et intitulé "Almas dichosas". C'est la prestigieuse formation "Capella de Ministers" qui présentera ses Danses, chansons et improvisations au temps de Don Quichotte. Aussi bien le titre du récital que le nom de la formation espagnole "Capella de ministers" sont fort intrigants. Car faudrait-il traduire "Almas dichosas" par âmes béates, bienheureuses ou enchantées? Faudrait-il plutôt se contenter d'un d'un simple et éloquent "Ames heureuses" pour restituer le sens du titre espagnol? Optons dès lors pour cette dernière option! Quant au nom de l'ensemble, il évoque bien des choses et nous renvoie à ces choeurs médiévaux qui, entre trouvères et troubadours, chantaient complaintes et aubades. Peut-être serait-il heureux de traduire par le Choeur des ménestrels qui évoque justement cette manière de rendre la musique au temps de Don Quichotte. Trois ménestrels des temps modernes En tout état de cause, les artistes espagnols seront sur la scène de l'Acropolium de Carthage le 13 octobre pour un récital qui promet monts et merveilles. Car cette "Capella de ministers" compte parmi les formations les plus réputées dans le domaine de la musique ancienne. N'obtenait-elle pas le "Classical music Award" en 2018? Cette distinction est le couronnement d'un long parcours commencé en 1987 lorsque Carles Magraner conçut le projet d'un ensemble qui se consacrerait à étudier, explorer et valoriser le patrimoine musical espagnol du Moyen-Age au dix-neuvième siècle. Il ne s'agit pas d'une mince affaire et il fallait avoir le souffle long pour se lancer dans pareille entreprise. Trente ans, cinquante enregistrements et 1500 récitals plus tard, l'ensemble a réalisé plusieurs de ses objectifs en contribuant à faire renaître des pans entiers de la tradition musicale espagnole. C'est l'héritage des siècles que cet ensemble embrasse par sa pratique dans une approche muséale qui conserve vivantes les expressions d'hier et d'antan. Car travailler sur une période historique qui comprend une dizaine de siècles revient à retrouver des oeuvres d'un grand nombre, parfois perdues, parfois enfouies dans les méandres des temps et souvent miraculeusement préservées. C'est cela le projet gigantesque de ce Choeur des ménestrels qui vient pour la première fois à la rencontre du public tunisien. Les mélomanes en auront pour leurs rêves et leur argent puisque le spectacle "Ames heureuses" se propose de nous embarquer pour un parcours musical dédié à Miguel de Cervantès et son siècle, celui du Don Quichotte dont il fut le père. Les pièces qui seront restituées sont nombreuses et variées. Entre musique de cour, danses, chansons et improvisations, le répertoire sera aussi vaste qu'éclectique. Quelques compositions de José Marin ou Henry du Bailly cohabiteront avec des oeuvres de Mateo Romero, Juan Aranès ou Gabriel Bataillé pour suggérer le passage des siècles et la persistance des styles. L'ombre lumineuse de Cervantès Dédié à la figure cardinale de Cervantès, le récital comprendra ainsi des pièces dont l'origine remonte au seizième siècle et d'autres plus proches de nous et issues du dix-huitième siècle. Pour les interpréter, la voix de la soprano Delia Agundez sera accompagné par plusieurs instruments du temps jadis à l'image de la vièle à archet dont Carles Magraner est le maître incontesté ou encore du téorbe dont Robert Cases joue en alternant avec la guitare. Ils seront ainsi un trio alliant la rigueur à la sensibilité sur la scène de l'Acropolium et, sans doute, que l'histoire jaillira intacte de leurs tonalités et vocalises. Le récital promet d'être magique. Une cathédrale de haute mémoire sur une colline qui a vu défiler les siècles et les civilisations et l'ombre lumineuse de Cervantès qui, rappelons-le, fut un temps captif à La Goulette du temps où Espagnols et Ottomans guerroyaient pour conquérir ou reprendre les villes côtières tunisiennes. Le souvenir de Cervantès flottera dans les limbes au cours de cette soirée de la mémoire. Quant aux artistes, ils donneront le meilleur d'eux-mêmes au cours d'un récital en deux parties précédées d'un prologue et suivies d'un épilogue. On ne pouvait rêver meilleure entrée en matière pour l'Octobre musical 2018 qui ouvrira la veille et trouvera ainsi s vitesse de croisière dès son deuxième récital. Un choix heureux pour des Ames heureuses! Un choix que nous devons aux efforts conjugués de l'ambassade d'Espagne, de l'Institut Cervantès et de l'Acropolium de Carthage.