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Des termes de référence et un déroulement peu convaincants
Publié dans Le Temps le 10 - 10 - 2018

Termes de référence : Avec un label aussi prestigieux que celui de Carthage, les journées d'art contemporain se sont tenues pour la première fois à la cité de la culture à Tunis. Ces journées sont promues par le ministère des affaires culturelles.
Cette première session est dirigée par Mme F. Chouba, enseignante d'art contemporain à l'université. Les termes de référence développés par Mme F. Chouba ont été découverts fortuitement par nous-mêmes il y a quelques mois. Leurs ‘‘quintessences'' furent publiées dans un journal de la place lors d'un entretien de Mme F. Chouba conduit par Salem Trabelsi le 29/04/2018. Mme F. Chouba se présente comme une spécialiste d'art contemporain.
Elle présente son projet des journées d'art contemporain de Carthage comme un ‘‘projet personnel'' dit-elle. Le ministre des affaires culturelles aurait aimé appeler ces journées « Journées de Carthage d'Arts Plastiques ». Cette dénomination semble être la plus adéquate au vu des résultats auxquels la manifestation a abouti aujourd'hui. Le projet de Mme F. Chouba est donc personnel. Cependant, l'état semble avoir été pleinement engagé, puisque il a garanti des engagements budgétaires de 500 000 DT ainsi que son infrastructure et tous ses moyens de communication. Presque tout le programme proposé par Mme F. Chouba fut réalisé formellement, sauf peut-être en ce qui concerne les séminaires et les débats qui devaient accompagner la manifestation... qui étaient prévus mais n'ont pas eu lieu. Plus fondamentalement, les journées ont connu durant leur déroulement un changement de cap et une orientation qui n'a pas été prévue par Mme F. Chouba. Le projet est parti des propres constats et convictions de Mme F. Chouba, qui disent que le temps est venu en Tunisie de dépasser « l'hégémonie de la peinture, de la sculpture et de tout ce qui s'accroche aux cimaises. ». Ce programme est évident. Il appartient à ceux qui ont opté esthétiquement pour des positions véhémentes et agressives par rapport à l'art moderne et à tout ce qui tourne autour de cet art dans ses dimensions picturales, sculpturales, de gravures, etc…
Les ‘‘outils'' qui vont permettre d'opérer ce dépassement sont les jeunes ayant fréquenté les treize (en fait quatorze) institutions d'enseignement supérieur d'arts et métiers (ISAM et Beaux-Arts). Selon Mme F. Chouba : « Ces étudiants pataugent à la sortie de leurs études… où ils ont été initiés à l'art contemporain ». (Sic !) Ces premiers éléments de l'entretien nous ont semblé quelque peu incohérents, surtout lorsque Mme F. Chouba parle de la nécessité de créer un marché de l'art contemporain pour intégrer ces étudiants dans le circuit socio-économique et culturel de notre pays.
La confusion est ainsi créée : S'agit-il de résoudre les problèmes sociaux des étudiants sortants des ISAMs ? Ou est ce qu'il s'agit de créer un marché de l'art pour satisfaire leurs besoins ? Ou bien s'agit-il encore de créer un art contemporain pour créer un marché de l'art ? J'avoue, personnellement, que ma lecture de ces termes de référence, tels qu'ils ont été présentés dans l'entretien en question, est dubitative. « L'art contemporain, parce que spontané et révolutionnaire, se prête au contexte social, à la demande explicite et implicite des jeunes, à leur bouillonnement et à leur penchant pour l'art contemporain. » dit Mme F. Chouba. Les jeunes devront-ils produire l'art contemporain et en même temps l'acheter ou le vendre ? Je ne voudrais pas m'attarder à relever ces confusions qui sont peut-être involontairement produites par des expressions maladroites ou mal choisies. Je ne voudrais pas non plus voir dans les justifications du projet des journées des justifications purement subjectives et personnelles. Les enjeux sont importants et leurs conséquences sont de taille. Ce qui rend la chose encore plus problématique, c'est que cette manifestation est présentée comme personnelle, alors qu'elle a engagé officiellement le ministère des affaires culturelles dans un programme artistique qui a abouti en fait à exclure certaines démarches artistiques - de plusieurs dizaines d'artistes - par le recours aux démarches contemporaines de l'art à l'exclusion de toute autre démarche artistique, surtout celle moderniste. Cela veut dire aussi que ceux qui voudraient participer à ces journées doivent se conformer aux choix stylistiques contemporanéistes. Cela nous amène à voir les libertés de création et d'expression se restreindre… à un moment où ces libertés sont devenues fondamentales dans notre pays.
Sans exagération aucune, je voudrais dire seulement que Mme F. Chouba ne peut décider personnellement du lancement officiel d'une démarche unilatérale, et qui en plus est assumée officiellement par l'état. A notre avis, notre constitution et notre état garantissent les libertés, toutes les libertés, surtout celles de produire et de s'exprimer dans toutes les formes d'art : Art traditionnel, art moderne, mais aussi dans ce qui est convenu aujourd'hui d'appeler l'art contemporain. L'art contemporain en Tunisie : L'art contemporain existe depuis déjà quelques temps dans notre pays. Il n'a pas attendu l'annonce des journées d'art contemporain de Carthage pour exister, puisqu'il a été, sous des formes pionnières, expérimenté au milieu des années 70s du siècle dernier. En fait c'est Ridha Ben Abdallah, le brillant enseignant et artiste, qui a le premier créé les éléments d'un art de style contemporain. Ceci fut lorsque, à la galerie Irtissem en 1976 et en collaboration avec des étudiants de l'ITAAUT de l'époque, il a entrepris la réalisation de la première l'installation en Tunisie d'une sculpture de type contemporain qui a été faite de boites de sardines, ceci après une fête initiatique où fut consommé - par une trentaine d'étudiants - le contenu de dizaines et de dizaines des boites de sardines. Ainsi évidées, ces boites ont constitué la structure de la sculpture. L'événement était unique, c'est ainsi que l'art contemporain fut fondé en Tunisie.
L'œuvre était considérée comme une sorte de critique et une dérision inaccoutumée de ce qui sera considéré comme attitudes de consommation et de gaspillage, exagérées dans notre pays. Par ailleurs, Ridha Ben Abdallah a promu les actions artistiques sous forme de ‘‘bodyart'', favorisant ainsi l'expression artistique contestataire et provocatrice. Les années 1980s et 1990s ont également vu l'apparition d'autres actions d'ordre contemporain. C'est ainsi que nous avons assisté à l'apparition de la figuration libre (considérée comme expression contemporaine de l'art) où nous avons vu Abderrazzak Sahli travailler ses graphismes développés sur des supports divers - en général des supports communs comme du papier d'emballage - parallèlement à ses incantations rythmées et menées guturalement, des tirades imitant la déclamation de poèmes sans fin. D'autres artistes comme Gouïder Triki avec ses êtres hybrides et Habib Bouabana avec ses chevaux ailés et ses taureaux de la fin de sa vie, s'exprimaient dans une figuration libre et débridée. Cette expression de la figuration libre s'est développée plus tard avec Halim Karabibene et Mohamed Ben Slama. Les racines de l'art contemporain existent bel et bien en Tunisie. Ces racines ont prêté à l'art contemporain des caractéristiques qui l'ont marqué jusqu'à nos jours. Les journées d'art contemporain de Carthage de 2018 ne sont donc qu'une conséquence logique de ces années de gloire qu'étaient les années 1970s.
Les artistes tunisiens formés à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris ont été les premiers sensibilisés à tout ce qui se produisait à Paris et ailleurs en Europe, avant et après mai 1968, et ceci au niveau de toutes les formes d'art. Mais il reste cependant que cette influence européenne n'a pas été unique. Les démarches artistiques mondialisées plus tard ont également eu quelques influences sur tout ce qui s'est passé dans l'art en Tunisie, sans pour autant que cet art soit en lui-même le produit direct d'une influence purement extérieure. En fait, l'art contemporain en Tunisie a pu constituer ses propres repères et caractéristiques. Il n'est pas simplement lié à l'art virtuel et éphémère, à la mode en Europe ou aux Etats-Unis.
L'art contemporain en Tunisie s'est forgé ses propres moyens et outils. L'une de ses caractéristiques est constituée par le non-abandon de la peinture et de la sculpture. Cet art contemporain dont nous parlons, pour la Tunisie, est une sorte de reconversion des moyens techniques et d'expression qui ont gardé un rapport indélébile avec le réel et le quotidien des luttes contre le terrorisme, de critique et de dérision artistique. Cet art a défini un autre rapport avec les conditions de la création, en liaison étroite entre l'imaginaire, la concrétude des choses et leur objectivité. L'art contemporain, comme le dit Giles Deleuze dans son ouvrage L'Image-Temps lorsqu'il parle de l'œuvre contemporaine, qu'il « … se déroule dans l'œuvre une sorte de rapport entre le réel et l'imaginaire, courant l'un derrière l'autre, se réfléchissant l'un dans l'autre, autour d'un point d'indiscernabilité ». Cela semble être le processus qui s'est passé dans l'adoption de l'art contemporain en Tunisie. Ce que nous voulons dire, c'est que le réel n'a jamais été nié par l'expression contemporaine de l'art en Tunisie, que cet art contemporain n'a jamais coupé le pont avec les autres expressions artistiques, que cet art est resté libre et qu'il n'a jamais attendu des directives de telle ou telle autorité pour produire des facsimilées d'œuvres faites ailleurs. Les institutions qui ont été sensibles à l'élaboration de nouvelles expressions contemporaines sont l'espace « Sadika » de Gammarth, le palais d'El Abdelliya du temps du printemps des arts de Mahmoud Chalbi et de l'«Art-fair».
Les événements iconoclastes provoqués par les salafistes en juin 2012 ont été une agression contre les expressions explicites d'art contemporain développées par Mohamed Ben Slama, Nadia Jlassi et Lamia Guemara, dont les œuvres exposées furent sauvagement lacérées et détruites. Le centre d'arts vivants du Belvédère a été très actif du temps de Sana Tamzini et de ses expositions avant-gardistes. La galerie « El Marsa », le « Violon Bleu », la galerie « Gorgi », l'espace « Bchira Art Center », plus tard la galerie « Roubtzoff » à la Marsa et la galerie de luxe « Misk and Anbar », ont déroulé pleins d'évènements d'ordre contemporain. Les festivals de « land art » de Tozeur et celui des trois collines ont vu se déployer des évènements artistiques contemporanéistes de grande envergure, et les actions entre Takrouna, Sidi Bou Saïd et Cheneni-Tataouine ont vu les arts contemporains se loger dans les troglodytes à Cheneni et sur les montagnes pelées de la région grâce aux actions de Sana Tamzini et de Selim Ben Cheikh, ce dernier a plus particulièrement fait illuminer et bouger toute une montagne. Cet évènement éphémère a laissé sa trace indélébile sur les spectateurs de cette performance. En outre, des artistes tunisiens ont été sollicités pour monter des expositions d'art contemporain dans des espaces français à Grenoble ou à Marseille (MuCEM).
A suivre (...)


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