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«Traces» multiples. «Traces» plurielles empreintes du temps qui passe
Publié dans Le Temps le 26 - 06 - 2015

Un évènement valorisant la Tunisie contemporaine (arts et cultures) se tient et continuera à se tenir à Marseille au Fort Saint-Jean. Il se déroule en deux épisodes ou (en deux fragments).
Les fragments (1), se déroulent entre le 13 mai et le 28 septembre 2015 au tour d'une première exposition d'art contemporain, accompagnés de différentes manifestations « sur les traces » des premières images de Abdelhak Ouertani de 1896 et à travers les films de l'époque d'Albert Samama Chikli ! Des rencontres, des interventions ont étés programmées pour démystifier l'épaisseur des traces et des faits historiques et culturels.
Les fragments (2), qui n'ont pas encore eu lieu, prolongent l'interrogation sur l'image d'une Tunisie contemporaine qui ne cesse de se questionner sur ce qui s'est passé ou sur ce qui va advenir dans sa société et dans la culture de « se muer » et de « muter ». Les Fragments (2) retiendra du 4 novembre au 29 février 2016 et se déroulera de la même manière que fragment (1); c'est-à-dire autour d'une exposition d'art contemporain tunisien.
La mutation, principal concept opératoire de la démarche, tranchera dans le vif d'une synchronie de la trace et affrontera la mémoire et le temps de la diachronie et de ce qui en restera : la trace point référentiel de toute cette manifestation et de tout ce qui est art contemporain tunisien. La trace et la rupture de la trace.
L'intérêt général prêté à cette initiative promue par le Mucem et par d'autres organismes culturels ainsi que par la mobilisation et la présence des artistes tunisiens choisis pour illustrer par leurs œuvres l'événement à Marseille.
La mise en valeur de cette exposition reflète la volonté de renforcer la présence de l'art contemporain en Tunisie jusqu'ici confirmé dans une marginalisation institutionnalisée.
Cette avancée soudaine due en grande partie à l'agitation révolutionnaire de 2011 et qui a touché tout le mouvement pictural en Tunisie illustre l'irruption d'un art nouveau, un art de la rupture remettant en question les dominations ronronnantes orientalistes, néo orientalistes et même celles modernistes des années 1960, 70 et 80. L'histoire de l'art enregistre cette « rupture » dans cette immobilité du mouvement pictural tunisien.
L'art contemporain en Tunisie
L'irruption des jeunes artistes tunisiens de plus en plus nombreux dans l'art contemporain est tardive par rapport à son éclosion d'aujourd'hui. Cette venue à l'expression contemporanéiste est récente mais elle possède quelques jalons d'avant-garde qui l'annoncent.
L'évènement du Fort Saint-Jean renforce cet itinéraire et le conforte.
Les essais pour actualiser l'art plastique en Tunisie ont été tentés depuis quelque temps déjà par des individualités comme Lotfi Larnaout pour ses recherches modulaires des traces d'arabesque ou par Ridha Ben Abdallah avec sa première installation à la galerie Irtissem de la fin des années 70. Les autres essais se sont élaborés autour de formations spécifiques en Europe ou au Canada et c'est l'expérience de Sana Tamzini à Montreal. Même Gorgi avec son exposition « Sidi Bou Messek » dans sa galerie du Belvédère a tenté aussi la chose.
Les installations, l'utilisation des vidéos, les expositions virtuelles voire éphémères ont été montées et se sont multipliées surtout au printemps des arts d'El Abdellya à travers les éditions de 2009, 2010, 2011, 2012.
Des artistes comme Omar Bay, Salima Karoui, Mohamed ben Soltane, Sonia Kallel, Mariem Bouderbellah, Rim Tmimi, Farah Khalil, Dalel Tangour, Aicha Fileli, Houda Ghorbel, Bchira Triki, Wadi M'hiri y ont concouru....
L'université à travers Rachida Triki a prêté l'oreille poétique à cette expression nouvelle à travers la photo, la graphitis et autres genres.
Les tentatives les plus systématiques ont commencé depuis 2009. Le printemps des arts de 2012 ou Art Fair cette douzième session qui a émaillée par le scandale salafiste de l'agression contre les artistes, contre la liberté de création et d'expression. L'art est devenu un point de dissensions avec les forces rétrogrades du pays. Des menaces de mort furent proférées à l'encontre d'une centaine d'artistes tunisiens toutes tendances confondues.
La même année Carthage Contemporary posait la question Chkoun Ahna ? (Qui sommes-nous ?), l'affaire se corse et prend une allure dramatique. L'affaire n'est plus de l'ordre d'une rupture esthétique. L'art n'est plus marginalisé, il entre de plain pied dans les luttes quotidiennes.
Le marché international de l'art
Les tentatives les plus systématiques comme le printemps des arts Art Fair où celle de Carthage Contemporary représente le point culminant de la démarche abandonnant le concept de l'art comme fête populaire et rejoint les préoccupations financières. Mahmoud Chalbi qui a cru contrôler le printemps des arts de la Marsa se voit écarté. Game over !
Le jeu se concentre désormais entre les galeries : El Marsa, Ammar Farhat, Le violon bleu et un nouveau venu discret à l'époque Kamel Lazaar avec sa fondation virtuelle. Ce projet de capitalisation de l'art contemporain continue aujourd'hui et veut impliquer le Golf arabique et les grandes galeries Anglo-saxonnes. Passés les remous de la révolution et les échecs relatif des premiers essais, l'initiative est reprise et c'est alors Jaou Tounes de fin mai 2015. La couverture prétextée pour lancer l'évènement est de nouveau la trace du patrimoine, la tolérance, l'islam, la mosquée. Le même discours de 2012 est repris Chkoun Ahna ? (Qui sommes-nous ?).
Nous sommes un passé, nous sommes des «traces » qu'il faudrait reconvertir en autant d'œuvres contemporaines sur la tolérance et la paix.
La relance du projet est faite cette fois-ci. La médiation qui en est faite est très forte. La communication est mise a contribution. Jaou Tounes cette fois ci porte un message politique, programmatique : nous pouvons reconvertir notre passé, nos traces, nos mosquées sans violence avec le compromis et la tolérance.
L'art contemporain y pourvoira et l'argent viendra. La tentative de créer un marché international de l'art est légitime et juste mais pourquoi la réduire à l'action de l'art contemporain aux dépens des autres formes d'expressions artistiques dans notre histoire de l'art regorge ?
L'art contemporain en Tunisie ou même ailleurs a besoin de trace antérieure pour exister. Il ne serait pas compréhensible s'il optait pour la table rase. L'art contemporain en Tunisie n'est pas né seulement en 2015. Il a été suscité bien avant et nous le démontrons.
Les moments des premiers balbutiements ont été démontrés plus haut.
Il est vrai que les galeries de la banlieue nord ont été sensibles à l'apparition des travaux contemporains des jeunes artistes tunisiens mais c'est à la faveur de Centre National d'Art Vivant du Belvédère du temps de Sana Tamzini que l'expérience de l'art contemporain tunisien est devenue une réalité.
Sana va énergiquement se charger d'introduire l'art contemporain mais l'art significatif de notre pays. Sana Tamzini ne se contenta pas de lancer individuellement les artistes, elle suscitera des mouvements d'action artistiques contemporanéistes à connotation libératoire, démocratique, humaniste. Les actions entreprises par Sana Tamzini avec Politique (1) et (2) avec Ismaël et les autres ont favorisé l'éclosion franche d'un art contemporain non formel, critique et résistant.
L'art contemporain en Tunisie tel qu'il a été promu au Centre National des Arts Vivant du belvédère ne revendique pas la disparition de l'œuvre d'art. Il l'adopte et la transforme.
L'agitation médiatique qui accompagne toujours l'art contemporain est évitée. Cet art est resté très proche du réel. Il a exprimé le monde autrement. Le ministre de la culture de l'époque ne s'y est pas trompé, cette femme est « embêtante ». Sana Tamzini fut limogée.
Les organismes culturels étrangers par contre ont réellement apprécié le travail contemporanéiste de Sana Tamzini et dur après l'éviction de la directrice du CNAV pour entreprendre eux mêmes leurs initiatives, ce fut alors l'action du Goethe institut avec un travail artistique des trois collines, l'exposition énorme des artistes tunisiens à Berlin « l'avenir en rose » mobilisa beaucoup de moyens et eut beaucoup de succès à Berlin et en Europe. D'autre action à Sbeïtla tenu par Wallonie Bruxelles, Tunisie, l'investigation de l'ambassade d'Autriche sur le projet de « la médina de Tunis un musée open air », etc....
La manifestation proposée par le Mucem à Marseille est certes très importante même si elle reste modeste et plus particulièrement par rapport aux moyens mobilisés et par rapport à l'envergure de l'art contemporain tunisien exposé à Marseille.
Il reste que malgré ces petites failles, la manifestation «Traces» est importante pour la durée très longue qu'il lui est consacrée. La manifestation évoque très justement la problématique du passé et de la trace comme concept essentiel qu'affronte l'élaboration de l'art contemporain en Tunisie et dans le monde arabo-musulman en général (une exposition dans ce sens serait la bienvenue).
Les artistes tunisiens présents à Saint-Jean sont conscients que la trace est un défi porté à leur identité. Mais le problème de l'identité ne semble pas occuper la place centrale de leur préoccupation et de leur pratique. La trace ne peut être envahissante, la nostalgie qui en émane ne devrait pas être bloquante. Elle appartient à un passé révolu. La mise à niveau, à travers l'art contemporain est critique par rapport à la trace et au passé. Toute revendication d'un patrimoine qui ne passe pas par un moment critique ne pourra pas se muer en art moderne et contemporain.
A la question de Carthage contemporary chkoun ahna ? De 2012 où a celle de Jaou Tounes de 2015 concernant les traces, politique (1) et (2), Hathirate (nous sommes présentes) ont déjà répondu.
Notre problème n'est pas de l'ordre de l'identité ou de l'unité. Nous sommes la contradiction. Nos traces sont multiples, elles sont plurielles, elles sont belles et riches à la fois. Elles ne sont pas des arrêts sur vestiges seulement, elles ne sont pas irréversibles non récupérables. Les traces empreintes des temps matériels et immatériels sont saisies artistiquement à travers des images qui devraient être celles de la réconciliation avec notre histoire ancienne et récente. Notre contemporanéité est cette reconnaissance de la grandeur et de la misère de nos traces.
Ni Zaba, Ni l'oued « acide » de Gabes, ni l'oppression coloniale, ni celle de Ben Ali, ni les traces persistantes ou indélébiles ne peuvent arrêter la créativité de Souad Mani, d'Ismail Bahri, de Héla Ammar, de Fakhri El Ghazel, de Ismaël, de wadi M'hiri, de Houda Ghorbel, de Faten Gades, de Zied Ben Romthane, de Wssim Ghozleni ... dans leurs dénonciations des traces morbides mais surtout à leur capacité de métamorphoser ces empreintes d'une histoire dramatique en autant d'empreinte belle, généreuse et combien humaine.
Fragments (1) ont constitué une très bonne expérience artistique et contemporaine. L'art tunisien a intégré enfin la dimension contemporanéiste.
Fragments (2) devrait amplifier l'apport et l'envergure.
Houcine Tlili


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