Dans le cadre de la première édition de la Foire du Livre Tunisien, une rencontre littéraire a eu lieu samedi 27 octobre à la Cité de la Culture avec l'écrivain Ahmed Mahfoudh pour la présentation et la discussion de son roman « Le Chant des ruelles obscures » qui obtint le Prix Spécial du Jury du Comar d'Or 2017. M. Habib Fafoul, écrivain et membre de l'Union des Ecrivains Tunisiens, a donné d'abord un aperçu sommaire sur l'auteur et son parcours littéraire en citant ses principaux ouvrages. Ensuite, il a présenté le roman en question en quelques phrases disant qu'il s'agissait d'un enfant des faubours de la Médina dans les années 60-70, prénommé Barguellil, pauvre, marginal et exclu de l'école, d'abord tenté par la délinquence dans son quartier natal « El Hafsia », il fut plus tard passionné du « mezoued », cet art populaire, très en vogue à l'époque, qui devint sa première vocation et dont il fit toute une carrière qui oscillait entre chute et succès. A travers l'histoire du personnage, l'auteur peint la vie sociale et politique de la Médina à cette époque. Le roman d'Ahmed Mahfoudh, a-t-il déclaré, a suivi un itinéraire de trois étapes relatives à la vie de son héros « Barguellil », à savoir son enfance, son adolescence et sa jeunesse jusqu'à l'âge adulte. Le narrateur-personnage raconte lui-même les pérépities de sa vie à l'auteur : une enfance malheureuse et une adolescence vécue dans des milieux sordides et dépravés entre El Hafsia, le quartier juif (El Hara), la Rue des Glassières, la Rue de l'Obscurité. En revanche, Barguellil était passionné du « Mezoued3 et vouait une grande admiration pour le grand Ismaïl Hattab et ses deux danseuses inséparables Zina et Aziza. Il était un grand habitué des cafés chantants et de leur ambiance féérique. En parallèle, dans ce roman, l'auteur décrit l'architecture et l'archéologie de la Médina ainsi que les mœurs des habitants. La parole a été cédée au romancier Ahmed Mahfoudh qui avait répondu, tour à tour, aux questions des assistants. Il parla de son œuvre en ces termes : « Je pense que ce roman, comme tous les précédents, sont de type archéologique, dans la mesure où il y a toujours eu une fouille dans la mémoire de Tunis, ville où je suis né ; j'essaie donc de valoriser le patrimoine à la fois architectural et humain qui est en train de se dégrader chaque jour davantage. J'essaie de concevoir une ville idéale sur la ville réelle. A travers ce roman, j'évoque donc des souvenirs en restituant les ambiances enchanteresses d'antan, j'essaie également de réhabiliter des personnages populaires que la littérature ne traite pas ou traite à peine, notamment dans les romans d'expression française. Je considère mon personnage « Barguellil » comme un paria : cet enfant exclu de l'école, ayant connu la prison, exploité par un Maltais qui faisait employer des petits enfants, mais étant doué pour la musique populaire, il se fraie un chemin dans cette vocation, plein d'obstacles et de soubresauts. Une fois atteint le sommet dans son art, il retombe dans la déchéance totale. C'est donc un héros populaire qui se valorise, comme tous les pervers de son temps, par les bagarres, l'alcool, la fréquentation des prostituées et le désir de réussir… » « Le Chant des ruelles obscures » est d'abord un témoignage fiable de l'auteur sur une époque et une ville où l'auteur a vécu et ensuite, c'est une invitation à un voyage de la Médina de Tunis et tous ces faubourgs jusqu'à l'île de Djerba où le héros « Barguellil » a élu domicile pour fuir les manigances fomentées contre lui : un roman plein de souvenirs, de réalisme et de nostalgie d'une époque non lointaine, mais tout à fait différente de notre présent, où le romancier relate la vie sociale, sentimentale et artistique de son personnage, qui, d'ailleurs, pourrait être celle de milliers d'autres gens ayant vécu à cette époque.