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Entretien: Maître Lamine Sassi.. Avec Habib Bou Abena et Faouzi Chtioui, C'est une histoire de vie...
Publié dans Le Temps le 02 - 12 - 2018

Il y a des moments qui s'incrustent dans la mémoire comme des perles dans un bijou. Ces moments-là sont précieux car sincères et profonds, ils révèlent la transparence des êtres, leur sensibilité, leur fragilité, voire leur vulnérabilité, leur folie, leur faiblesse... La rencontre avec l'artiste peintre, poète Lamine Sassi figure parmi ces moments qui me sont chers. Nous avons parlé d'art, de beauté, de valeur, de décadence... et à chaque fois, l'artiste répondait à mes questions sans lassitude et avec beaucoup de spontanéité et de générosité.
- Avec l'art contemporain, la dénomination « arts plastiques » (plastique) a supplanté l'expression « Beaux-arts » (beau), on dirait la matière était au détriment de la valeur intrinsèque de l'œuvre d'art qui est la beauté, comme-ci la notion de beauté était en crise !
- C'est la trouvaille de l'historien des arts plastiques. Il y a des variétés, de différentes techniques qui sont à l'origine de cette dénomination. Personnellement je ne peux pas différencier entre le contemporain, le moderne, l'actuel. Qu'est-ce que l'art contemporain ? pour moi que ce soit la peinture de Picasso, les gravures de Durrel, ou la poésie d'Antara Ibn Chadded, c'est du contemporain ! Au fait, la beauté est vague comme notion esthétique, elle change avec le temps, avec les transformations du monde. C'est la condition d'un environnement socio-culturel.
- C'est mieux d'appeler Ecole des « Arts plastiques » au lieu de « Beaux-arts » ?
- Je préfère l'Académie Beaux-arts, là où on apprend le métier, puis chacun cherche sa manière de faire. En réalité, je ne suis pas avec les diplômes. Quand tu as le cœur gros, et le savoir, le reste vient. Malheureusement, nos étudiants quittent l'Ecole des Beaux-Arts avec pour bagage la nullité. Je m'excuse pour cela, ce sont les choix des programmes, déjà, les enseignants ont aussi des lacunes, pas uniquement les enseignants des Beaux-arts même les autres filières. Il faut une bonne assise, il faut la performance. Pourquoi au foot, on fait appel aux meilleurs joueurs et non pas les meilleurs peintres pour le Beaux-Arts ? parce qu'il y a un grand public pour le foot ! Mais le peintre n'a pas besoin d'un public. Après avoir enfanté son œuvre, il se repose et n'a pas besoin qu'un tiers vient gâter son bébé. Cela lui fera peut-être plaisir mais il ne faut pas l'insulter, car il est le futur, il est le patrimoine !
- Qui, d'après vous, devrait assumer la responsabilité ?
- Moi je ne suis pas juge, je suis fonctionnaire de la picturalité !
- Je parle de la responsabilité de l'art ! si le public de foot supporte le joueur et le peintre n'a pas besoin d'un public, qui prend-il la charge de la peinture ?
- Le peintre est un solitaire, un voyageur qui se nourrit de l'imaginaire ; il a besoin d'un peu d'ombre sous le palmier, un olivier ou un chêne, un quelconque arbre du monde pour se reposer, ou avancer vers l'horizon. L'horizon c'est l'espoir. J'aime celui qui arrache le beau. Parfois un fou de peinture arrache un tableau à tout prix, un autre veut t'enlever 100 dinars, qu'il aille au diable ! mais des fois, tu fais avec, parce que derrière toi il y a Yasmine, ses besoins, mes besoins... c'est pour cela l'artiste ne doit pas avoir une responsabilité conjugale, car il sera obligé de se confronter souvent à la bassesse des autres.
(Un petit moment chargé d'âpreté s'est installé sur la table, puis sa mine s'est éclaircie soudain pour dire en riant)
Il n'y a pas de responsable au fait ! (rire)
- Et ceux qui prétendent l'être ?
- Non ! ils ne sont pas des responsables, ils sont décideurs ! ils font semblant de l'être !!! la sincérité ne se préfabrique pas ! ce qui est préfabriqué se trahit ! les gens vrais ont un cœur d'oiseau, un cœur qui bat très fort, un cœur qui n'est pas aérien, mais caché dans les tripes de l'âme, dans les tripes de l'homme créateur, ces gens-là sont comme Baudelaire, Brel, Abou El KacemChebbi !
- Et Habib Bou Abena
- C'est une histoire de vie plus qu'une amitié ! 30 ans ensemble ! 3echra ! ce que j'apprécie en cet homme, ce qu'il se renouvelle de jour en jour ! tous les jours il se renouvelle ! l'autre n'a pas droit de juger Bou Abena parce que c'est Bou Abena ! on a voyagé ensemble avec Faouzi Chtioui aussi ! finalement c'est une histoire d'hommes ! ce n'est pas une question d'appartenance à une même école picturale, c'est une histoire d'hommes, d'amour, de la belle brise d'été ! Que Dieu les bénisse tous les deux ! une fois on m'a dit ils sont partis, toi tu restes ! j'ai répondu oui je vivrai pour vous... ils sont très méchants, ils veulent ma peau les connards !
- Pourriez-vous situer ce trio Bou Abena, Sassi et Chtioui comme phénomène ?
- C'est la pudeur de l'amour caché ; l'amour est pudique, tu ne fais pas de déclaration mais tu aimes profondément, c'est pour cela quand tu te réveilles le matin tu vas chercher l'autre... l'amour est pudique finalement !
- (sourire) Je répète ma question : est-ce que ce trio n'est pas institutionnalisé comme l'Ecole de Tunis ou le Groupe de six ?
- Non ! ceux-ci réfléchissent ! nous, on ne réfléchit pas, on vit ! c'est la différence ! même si on ne dit aucun mot, on ne raconte aucune histoire, de temps en temps, une folie se dégage de l'un de nous, si grandiose, elle sort comme ça sans y réfléchir. En vérité, il y a aussi de la jalousie, tu te dis pourquoi l'autre se comporte de cette façon-là, alors que c'est moi qui devais le faire ! c'est une histoire de folie ! Je reste beaucoup avec Faouzi car Bou Abenarentre quand le sommeil le regagne, alors on met de la belle musique et chacun prend sa toile et se met à travailler tout seul, on discute et souvent on se querelle parce que chacun veut parfaire l'autre et quand la toile s'achève, chacun comprend pourquoi l'autre a opté pour telle chose ! tu vois, on se querelle pour une idée et non pour de l'argent ou le pouvoir ! querelle d'amour parce qu'on mangeait dans le même plat... tu sais que je ne possède pas un tableau de Bou Abena, ni de Faouzi, à part quelques trucs de Faouzi avec un stylo Bic sur une carte de restaurent maculé de harissa et qu'on cosignait ensemble, car en fin de veillée on croyait qu'on est grands alors que ces trucs sont rien en vérité (rire) mais quand on les voit il y a une larme... (des larmes chaudes se sont écoulées sur ses joues amèrement, en effet, son âme s'est retrouvée cramponnée à ces moments chers de sa vie, ils se sont incrustés dans sa mémoire et ont y creusé des ravins... il poursuit avec amalgame de paroles et de pleurs) ils sont partis et m'ont laissé seul, ils n'ont pas le droit, on doit quitter ensemble...
(Un temps mort. Puis il s'est excusé pour ses larmes, alors que j'avais envie de lui dire à ma manière, rien ne nous rend si grands qu'une grande sincérité ! mais face à ses larmes, je me suis tue comme si je perdais la voix, puis très vite il s'est remis avec un beau sourire éclairant le visage et des yeux chatoyants de larmes, de nostalgie, d'amour et d'amertume, alors je lui dis doucement :
Vous êtes très nostalgique Lamine Sassi !
- Et comment je ne peux pas l'être ! Tu sais quand j'ai grandi, j'ai vécu la folie, je me délectais, je m'affolais entre les Beaux-Arts de Tunis et la Cité des Arts de Paris, j'ai vécu les excès avec une vitesse infernale, branché, bien portant, mais je ne me rappelle rien de cela, ce qui reste pour nostalgie, c'est l'enfance seulement ! Il parait que plus tu avances dans l'âge, plus tu es nourri ailleurs, et tu apprends à sélectionner, et quand tu choisis ce que tu aimes, la vie se durcit, tu désires mais tu ne peux pas, tu n'as plus la force de l'âge ! par exemple, je veux me jucher le cheval de mon grand-père, mais maintenant je n'ai plus rien, ni ferme, ni cheval, ni grand père, je n'ai que des murs
- Par contre, professionnellement vous n'êtes pas nostalgique par rapport à votre relation avec la peinture en Tunisie ?!
- Le sentiment de l'enfant se forme et s'agrandit avec ce qu'il apprend de l'école, du lycée, des Beaux-Arts, de Paris. Puis, les sentiments, la beauté, l'amour, la haine, la ruse, la misère... tout cela fait de toi l'homme, l'artiste, alors tu commences à chercher ton esthétique, ta beauté pour ne pas ressembler aux autres ! J'ai toujours cru qu'il faut être soi-même surtout dans l'art, bien ou mauvais, c'est l'histoire qui va le raconter, l'essentiel c'est d'être différent. l'art est facile parce qu'il atteint facilement le cœur quel que soit le genre, mais atteindre l'art et la performance c'est difficile ! il n'est pas à la portée de n'importe qui ! tu trouves 50000 garçons jouant le foot pour devenir comme Chormiti ou Sellimi, mais tu ne trouves pas 50000 garçons désirant devenir Bou Abena ou Ali Ben Ayed !
- Est-ce que vous vous situez par rapport à la peinture tunisienne ou à l'universel ?
- Je suis le fils de la lune, le fils de la fleur, donc le fils du cosmos, moi je n'ai pas une appartenance géographique , j'essaie d'avoir une place dans ce monde-là, c'est tout ! je suis la continuité de ma génétique et non la continuité de quiconque !
- Il y a plusieurs disciples, des jeunes qui se réclament de Lamine Sassi
- Oui... il parait que je suis une école.
- Est-ce qu'il y a des jeunes qui te plaisent, des expériences prometteuses ?
- Je ne suis pas exigent, mais je suis habité par une déception de ce qui se passe actuellement. Nos jeunes sont pressés, les meilleurs vont vers l'argent, alors il n y a pas d'art !
- Si on vous donne le Beaux-Arts que ferez-vous ?
- Si on me donne un atelier, peut-être je ferai quelque chose, mais me donner l'Ecole des Beaux-Arts pour en faire quoi ? Je n'ai plus le temps que pour ma peinture, ma famille et mes amis... l'Ecole des Beaux-Arts ! il y a des spécialités qui gèrent ça, c'est pour cela qu'il n y a plus d'oiseaux dans l'Ecole des Beaux-Arts, ils ont changé de camp, ça ne chante plus, ça ne dance plus !
- Parlez-nous des peintres qui vous ont le plus marqué.
- Rafik ElKamel, c'est mon maître ! Quand j'ai fait les Beaux-Arts, j'ai eu plusieurs grands professeurs, Hédi Turki, Ridha Ben Abdallah, Bou Den, Rafik El Kamel, Mahmoud Sehili, Khalifa Chaltout en gravure, entre parenthèses je suis un grand graveur ! et on ne peut pas être graveur si on ne sait pas dessiner, c'est pour cela que j'ai parlé de métier tout à l'heure ; tu ne peux pas t'exprimer si tu ne sais pas écrire et pour écrire il faut connaitre les enjeux, les tripes de l'écriture. Bref, Rafik El Kamel qui vient de débarquer de Paris avec ses nouvelles idées, nous a inculqué ses préoccupations plastiques, ses recherches, son savoir-faire... c'est avec recul que j'ai aperçu cela ! quand j'étais étudiant, je n'ai pas réalisé ! j'ai appris de lui comment défoncer les portes de la Muse, comment chercher l'idée alors que tu es en manque ou stérile, il faut mettre la main dans la pâte, il faut provoquer une question n'importe laquelle, mais l'essentiel c'est de la soigner, de faire d'une idée poubelle une fleur ravissante, car dans l'art, tout est prétexte, quel que soit le sujet, l'essentiel c'est comment traiter ce sujet artistiquement et poétiquement. J'ai appris ceci de Rafik après tant d'années de gribouillage et de barbouillage et c'est peut être Rafik qui m'a mis dans une certaine voie, comme lui d'ailleurs, il était mis par un autre car c'est une chaine, l'un est initié par l'autre jusqu'à l'infini. J'ai gagné beaucoup de Rafik parce que aussi il ne ressemblait pas à nos maîtres de l'époque, il ne ressemblait pas à ce qu'on appelait toujours l'Ecole de Tunis. C'est un modèle, parce qu'il vient de Paris tout frais, épanoui par l'air, le parfum, la lumière de Paris ! il m'a injecté cela parce que j'étais le seul rescapé de son atelier continuant à peindre jusqu'aujourd'hui... la gaucherie c'est quand tu sais parler de la laideur, la gaucherie possède son côté beau et charmant, et c'est ce qu'il a développé dans sa peinture. C'est mon maître ! j'ai envie d'apprendre encore, une veine nouvelle qui me donne de l'espoir. Quand je rencontre des jeunes qui jonglent, j'ai envie de rentrer peindre aussi pour les rivaliser, parce que je suis grand, mais ...
- Qui d'autres ?
- Je dois parler d'un Maitre Ammar Farhat. C'est un maitre qui ne peint pas, il vit son acte pictural ! c'est quelqu'un qui suit ses moutons avec son pinceau pictural et non pas avec un bâton ! Ammar Farhat n'a pas quitté son être, impliqué dans sa propre nature de Béja. Avant quand on était jeunes, on allait au café de Paris pour voir les pyramides rencontrés ensemble, on voyait Ammar Farhat assis avec Zoubeir Ettorki... AbderazekEssahli est aussi un grand peintre. Il était à l'affût de la nouveauté, de la présence de l'instant, il était comme tu l'as dit tout à l'heure dans le fantasmagorique. Quand les autres suivent quelque chose, lui il dévie, il s'est voulu moderne, actuel, contemporain. Il a pensé à l'impact de son pinceau sur la toile, il étale sa toile parterre, prend un long roseau, accroche son pinceau sur l'extrémité puis s'assoit sur une chaise, il appelle quelqu'un pour lui mélanger ses couleurs,- c'est la tradition des maitres- puis il commence à gribouiller sur son tapis allant vers l'Eden, dans le sens de vivre, dans le sens d'être comme il se doit, d'être lui-même, c'est ça Abderazek Essahli !!!
- Et Néjib Belkhouja, comment vous le voyez ?
- Néjib Belkhouja est un révolté picturalement parlant ! il est tunisois, d'origine turc, de Bab Djdid. Il franchit le patrimoine de son père, de ses origines qui est le patrimoine arabo-musulman avec ses courbes et ses minarets. Néjib n'a pas aimé la situation picturale de l'époque, c'est-à-dire le folklore de l'Ecole de Tunis, comme si le tunisien était un machmoum ou chicha... Néjib est allé vers l'essentiel ! il s'est révolté contre cette vielle forme, qui est l'Ecole de Tunis !
- Les femmes peintres ?
- J'aime bien Raja Aissa, une grande peintre ! elle est très vaste dans son appréciation de l'espace, ponctuelle dans l'espace-temps, ses formats sont monumentaux. Une fille qui n'a jamais eu le froid aux yeux devant l'énormité de la surface qu'elle peint. Je crois que cette grandeur ne peut être que la grandeur de l'âme puisque Raja Aissa s'oublie dans les entrailles des formats. Et puis Asma Manawar est aussi grandiose à rivaliser les grands en peinture. Quand elle crée un tableau, elle s'oublie pendant un mois techniquement, parce qu'elle travaille avec les empâtements, avec le couteau et les pinceaux et elle attend ses empâtements sécher,pour ls gratter ou les cerner... le tableau, ce n'est pas seulement une touche, il faut graver un sentiment qui te rappelle la toile, qui te rappelle la force du peintre...
Finalement, je quitte la table avec des yeux embués d'émotion. Cinq heures passées avec Maître Lamine Sassi, l'artiste gâté de la Muse, c'est comme un frêle duvet posé sur un cœur. Il avait l'âme ouverte et généreuse, les poumons remplis d'air parfumé d'ambre et de jasmin, un cœur cristallin, des yeux brillants comme l'agate... oui, j'étais éprise par la sensibilité et le raffinement de cette personne qui n'est pas en chair et en os, mais en cristal... mais en soie !


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