Finalement la question du secret professionnel a toujours posé un dilemme, et constitué une arme à double-tranchant surtout lorsqu'il est question de couvrir un délit gros comme une maison, ou une corruption qu'on peut déceler à l'œil nue et sans qu'il y ait besoin de sortir de polytechnique. En effet Dans toutes les professions libérales, le secret professionnel est la base de la confiance entre deux personne, le mandataire, et celui qui l'a chargé de défendre ses intérêts, et dont toute atteinte constitue une faute professionnelle grave, voire un délit. L'article 36, de la loi de finances 2019, concernant la levée du secret professionnel dans certain cas est venu remettre cette polémique sur le tapis, Les avocats ayant dénoncé énergiquement, par des sit-in devant tous les tribunaux de la République, et des grèves depuis le 20 décembre dernier. Des députés avaient formulé un recours devant l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois, laquelle a accepté ledit recours pour inconstitutionnalité. De ce fait, l'article en question a été soumis au président de la République et transmis, pour réexamen, à l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), Une séance plénière sera par la suite fixée pour l'adoption de l'article 36, après son amendement. Une décision concise mais imprécise de l'Instance En acceptant le recours contre l'article 36 de la loi de finances L'instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des lois n'a pas pour autant présenté de motivations claires de sa décision qui ne se prononce pas sur la constitutionnalité dudit article mais sur son manque de clarté, pouvant atteindre de la sorte au droit du secret professionnel. C'est une nouvelle mouture qui est demandée par l'Instance à la commission juridique de l'ARP, sans se prononcer sur le fond à savoir la constitutionalité ou pas dudit article. Les avocats se rebiffent Cette décision a de nouveau suscité l'ire des avocats qui ont décidé de se remettre en grève illimitée car ils s'attendaient à un abandon pur et simple de cet article, inconstitutionnel et qui atteint au principe O combien sacré du secret professionnel. Est-il possible pour un avocat de communiquer à un tiers les secrets de son client ? C'est en effet contraire à la déontologie. Ce n'est à celui qui défend les intérêts de quelqu'un de trahir ses secrets. En principe toute levée de secret bancaire ou autre doit être faite par la voie judiciaire, et sur ordre du procureur de la République qui est le seul à avoir l'opportunité des poursuites. Il est donc impossible de demander aux avocats ou à tous ceux relevant d'une profession libérale, de trahir les secrets de leurs clients. Que dit le ministre ? Cet article, selon le ministre des Finances, a pour but de renforcer les moyens de lutte contre la corruption. Il avait en effet infirmé cette levée indiquant que « le secret professionnel était maintenu pour les consultations juridiques, les affaires en cours ainsi que l'activité initiale de l'avocat. Ainsi, la divulgation du secret professionnel ne touche que les activités en dehors du métier d'origine de l'avocat et ce conformément aux pratiques internationales établies ». Qu'entend-on par activités en dehors du métier d'origine ? lorsque l'avocat est le conseiller particulier d'un tiers, personne physique ou morale soit-¬elle ? Cela toujours dans le cadre de la profession de conseiller qui l'engage en tant qu'avocat. Celui-ci n'a-t-il pas essentiellement un rôle de conseil ? L'avocat un filtre ? Selon l'ancien président de Gafi Mena et membre du Centre international Hédi Nouira de prospective et d'études sur le développement (Ciped) Samir Brahimi : «Les avocats en refusant de respecter la loi vont devenir des gatekeepers –des ouvreurs de porte– donc toute personne qui veut blanchir de l'argent va se couvrir par un avocat. Il faut comprendre que les informations que l'avocat reçoit de son client et au cours du traitement de l'affaire ne sont pas concernées par l'obligation de déclaration, qu'elles soient avant, après ou pendant une médiation, une réconciliation, une intermédiation, etc. Mais, pour ceux qui écrivent des contrats pour des transferts de propriétés, de fonds de commerce, qui effectuent des montages juridiques pour leurs clients, et qui sont considérés comme des fonctions atypiques, là les obligations de diligence et déclaration de soupçon sont nécessaires». Seulement, actuellement et selon la nouvelle loi, ceux qui écrivent des contrats, sont nécessairement des avocats. Et quand bien même il ne s'agisse pas d'avocat mais de simples conseillers, trahir le secret du client est immoral et constitue dans certains cas un délit. Un plombier qui entre chez quelqu'un pour réparer une panne quelconque doit être digne de confiance sinon il perd sa crédibilité. Souvenez-vous de l'affaire Watergate qui a conduit à la démission de Nixon, l'ancien président des Etats Unis.