Une réunion marathon des Etats membres de l'UE pour trouver une réponse économique commune face au coronavirus s'est achevée mercredi sur un échec, en particulier à cause des Pays-Bas qui refusent de céder aux demandes des pays du Sud. "Après 16h de discussions, nous nous sommes rapprochés d'un accord, mais nous n'y sommes pas encore. J'ai suspendu l'Eurogroupe" qui se poursuivra "demain, jeudi", a annoncé sur Twitter Mario Centeno, le président de l'Eurogroupe, l'instance qui réunit les ministres des Finances de la zone euro. La visioconférence, qui avait débuté vers 16H30 (14H30 GMT) mardi, s'est poursuivie toute la nuit, rythmée par de nombreuses discussions en petits groupes pour tenter de sortir de l'impasse. Ces tractations ont échoué, selon plusieurs sources européennes, en raison de l'inflexibilité des Pays-Bas, qui refusent de céder aux demandes italiennes sur les prêts qui pourraient être octroyés aux Etats en difficulté par le fonds de secours de la zone euro. Les ministres proposent que le Mécanisme européen de stabilité (MES), créé en 2012 lors de la crise de la dette de la zone euro et financé par les Etats membres, puisse prêter de l'argent à un Etat en difficulté allant jusqu'à 2% de son PIB -- soit jusqu'à 240 milliards d'euros pour l'ensemble de la zone euro. L'option est cependant rejetée par l'Italie, pays européen pour l'instant le plus touché par l'épidémie (plus de 17.127 morts), tant que ces prêts s'accompagnent de conditions comme des demandes de réformes -- ce qu'exige La Haye. "L'utilisation de ce budget doit être assortie de certaines conditions", surtout "à long terme", a insisté le ministre néerlandais des Finances Wopke Hoekstra, même si "une exception" peut être envisagée s'il s'agit par exemple de "couvrir les frais de santé". "Les Néerlandais ont été très durs. Sans eux, nous serions parvenus à un accord", estime une source proche des discussions, qui qualifie leurs demandes d'"excessives". Selon une source européenne, La Haye est cependant soutenue par l'Autriche, la Suède, le Danemark et dans une moindre mesure la Finlande. Avec ce nouvel échec, les 27 continuent d'étaler leurs divisions, après une première déconvenue le 26 mars lors d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement consacré à la crise. Outre l'utilisation du MES, les discussions sont restées difficiles sur la création d'un instrument destiné à relancer l'économie européenne après l'épidémie. Le principe d'un tel fonds ne semble pas susciter une forte opposition des Etats membres, mais les pays les plus affectés par le virus, en particulier l'Italie, continuent de réclamer qu'il puisse être financé par de la dette commune -- sous la forme d'euro-obligations parfois appelées "coronabonds" ou "eurobonds". Parmi ces pays figurent aussi l'Espagne et la France, ainsi que la Grèce, Malte, le Luxembourg ou l'Irlande, selon des sources concordantes. Or, la mutualisation des dettes constitue une ligne rouge pour Berlin et La Haye, qui refusent de s'engager dans un emprunt commun avec des Etats très endettés du Sud, jugés laxistes dans leur gestion. Les ministres allemand et néerlandais ont campé sur leur position après la réunion, Wopke Hoekstra estimant notamment que des "eurobonds" créeraient "plus de problèmes que de solutions pour l'UE". La France espérait offrir un compromis, en proposant un "fonds de solidarité" capable d'émettre de la dette commune aux Etats membres, mais limité aux services publics essentiels, comme la santé, ou aux filières menacées. Pour favoriser un accord, le texte final pourrait mentionner un "fonds de relance" dont les modalités et le financement seraient arrêtés plus tard, selon un diplomate européen. Les deux autres axes de réponse des Européens face au virus ont en revanche remporté une plus large adhésion. Le premier vise à créer, via la Banque européenne d'investissement (BEI), un fonds de garantie paneuropéen qui permettrait de mobiliser jusqu'à 200 milliards d'euros pour les entreprises. Le second consiste à valider le projet de la Commission européenne de créer un instrument pour garantir à hauteur de 100 milliards d'euros maximum les plans nationaux de chômage partiel, renforcés ou créés en raison de l'épidémie. Si un accord est finalement trouvé jeudi, les propositions des ministres devront encore être approuvées par les chefs d'Etat et de gouvernement.