•Les travaux de mise en place du fonds de soutien européen devraient être finalisés lors de l'Eurogroupe de lundi prochain. •Les discussions entre Paris et Berlin ont redoublé d'intensité, ces derniers jours, pour préciser les modalités du plan de soutien dont l'Europe entend se doter pour porter secours à un pays de l'euro qui se trouverait en difficulté. L'objectif est de progresser vers une position commune pour le début de la semaine prochaine, les ministres des Finances de la zone euro devant se rencontrer lundi à Luxembourg, avant que ne se réunissent dans la foulée les grands argentiers de l'Union au sein du groupe de travail placé sous la houlette du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. A ce stade, deux sujets sont encore sur la table. Le rôle des Parlements nationaux dans le mécanisme d'activation du fonds de stabilisation européen auquel les pays de la zone euro, plus la Suède et la Pologne, apporteront leur garantie financière, d'abord. La loi votée en Allemagne pour la création du nouveau dispositif précise que le gouvernement fédéral sera tenu d'informer la commission budgétaire du Bundestag chaque fois que le fonds devra lever de l'argent sur le marché. Mais, comme l'Autriche, la Finlande et les Pays-Bas, l'Allemagne continuerait de pousser, en coulisse, pour un système qui irait jusqu'à nécessiter le feu vert des Parlements nationaux avant tout emprunt. Même si une telle procédure prendrait du temps et risquerait de laisser un ou plusieurs pays à l'écart du sauvetage. Le taux d'intérêt auquel emprunterait le futur véhicule n'est pas arrêté. Comme la Commission européenne, la France veut doter le fonds de stabilisation européen d'un « rating » propre, lui permettant de lever de l'argent à un taux d'intérêt moyen, calculé à partir de ceux des pays qui lui apporteraient leur garantie. Mais l'Allemagne ne veut pas d'un tel système, qu'elle stigmatise comme une « Union des transferts financiers» où un organisme qui s'apparenterait à une agence européenne de la dette émettrait des «eurobonds». Berlin est au contraire pour une Union dont chaque membre assume ses responsabilités, le taux d'intérêt étant l'indicateur ultime de la confiance que les marchés lui accordent. Dans ces conditions, le fonds de stabilisation devrait émettre son emprunt en différentes tranches : le montant de chacune dépendrait du niveau des garanties apportées par chaque pays et son taux d'intérêt serait tout simplement celui de ce dernier. Régulation financière Berlin fait cavalier seul Berlin a adopté un projet de loi pour étendre et pérenniser les interdictions déjà prises mi-mai. L'Allemagne met la pression sur Bruxelles. La portée du texte est toutefois limitée. Malgré les critiques émises par ses partenaires au cours des deux dernières semaines, le gouvernement allemand a poursuivi hier son cavalier seul dans l'encadrement des transactions financières spéculatives, tout en assurant travailler dans une perspective européenne. Le cabinet Merkel a adopté un projet de loi qui interdit les ventes à découvert à nu sur toutes les actions et les emprunts d'Etat de la zone euro négociés sur les marchés réglementés allemands. Le texte prohibe aussi les dérivés de crédit (CDS) sur les dettes d'Etat de la zone euro, quand leurs acheteurs ne possèdent pas les titres sous-jacents. Il s'agit de réserver ces assurances contre un défaut de paiement aux investisseurs qui ont acquis les titres de dette correspondants, et d'empêcher d'autres investisseurs de simplement spéculer sur la défaillance d'un Etat. En cas de crise sévère sur les marchés, le ministère des Finances pourra, en outre, interdire de manière temporaire, par décret, certains produits dérivés libellés en euros. Le ministère des Finances, toujours par décret, pourra aussi, en cas de besoin, ménager des dérogations aux interdictions formulées. Le texte va désormais être soumis à l'approbation des deux Chambres du Parlement. Wolfgang Schäuble, ministre des Finances, a déclaré hier espérer obtenir un vote définitif autour du 9 juillet. Il y a deux semaines, le gouvernement avait annoncé, à la surprise générale, sans avertir ses partenaires européens, l'interdiction, du 19 mai jusqu'en mars 2011, des ventes à découvert à nu sur les emprunts d'Etat de la zone euro, certains CDS, et les actions de dix institutions financières. Le projet de loi adopté hier est à comprendre comme une extension et une pérennisation de la démarche. « Les marchés financiers ont un besoin urgent d'être réglementés», a assuré Wolfgang Schäuble, reprenant le vocabulaire d'Angela Merkel. Il s'agit pour le gouvernement de démontrer son activisme à l'opinion publique et de mettre la pression sur Bruxelles. « Mon opinion est que des règles européennes seront plus vite mises en place s'il y a une loi allemande plutôt que s'il n'y en a pas», a déclaré le ministre des Finances, en référence aux travaux menés par Michel Barnier, le commissaire européen au Marché intérieur. Parallèlement à cette annonce, la ministre de l'Economie française, Christine Lagarde, a dressé, hier dans un document, un état des lieux de la régulation financière au sein du G20, en mettant l'accent sur les avancées européennes mais également françaises. «Les travaux avancent, mais, pour qu'on soit efficace, il faut tous être sur la même page», a-t-elle indiqué avant d'ajouter qu'il ne fallait pas se livrer à « un travail parcellaire et fragmenté», sous peine de laisser des opportunités de spéculation aux marchés. Ventes à découvert: mode d'emploi La vente à découvert permet à un opérateur de marché d'emprunter un titre, contre le versement d'un intérêt, de le vendre sur un marché à terme, avec l'espoir de le racheter moins cher et de le rendre au prêteur après avoir donc réalisé une plus-value. La transaction est risquée car la moins-value potentielle, en cas d'évolution défavorable du marché, peut être largement supérieure à l'investissement de départ. On dit que la vente à découvert est « à nu » quand l'investisseur vend à terme l'actif en question sans l'avoir emprunté auparavant ou même s'être assuré de sa disponibilité.