Auteure de trois recueils, Zohra Hawechi écrit des poèmes de veine romantique, tout en laissant sa part à l'introspection et au vague à l'âme. Une démarche et des progrès à soutenir. Les deux derniers ouvrages de Zohra Hawechi se présentent comme des livres siamois dont la couverture et les titres sont doubles. En effet, cette auteure a fait le choix de publier des livres bilingues qui présentent une entrée en langue arabe et une autre en langue française. Deux versants linguistiques et une quête du mot juste Pour singulière qu'elle soit, cette méthode n'en a pas moins ses écueils. De fait, des déséquilibres naissent de ce procédé attachant. Ces procédés sont de deux catégories. En premier lieu, les parties francophones sont de loin plus courtes par rapport à leur pendant en arabe. D'autre part, la poésie qui jaillit du corpus arabophone est bien plus riche que celle qui traverse le versant francophone. Les recueils de Hawechi sont en réalité doubles. Prenons par exemple "Nostalgie" qui présente un ensemble de neuf poèmes en français. Ce recueil se double d'un autre en arabe qui porte le titre "Une lettre et une larme" qui lui comprend vingt poèmes. Le tout est très inégal, avec une poésie limpide d'un côté et ampoulée de l'autre. Même chose pour le recueil "Etat d'esprit" et ses treize poèmes en français, doublés par un second versant intitulé "Dialogue de l'âme" qui rassemble vingt textes en arabe. L'inspiration des deux recueils juxtaposés peut sembler proche; seulement un très grand écart qualitatif sépare les deux recueils qui ne font qu'un. Incontestablement, Hawechi est plus à l'aise en arabe mais elle persiste à publier des ouvrages composites édités chez Al Ittihad. C'est de ligne éditoriale qu'il s'agit ici. A aucun moment, le bilinguisme de ces livres n'est pleinement assumé. Au contraire, il génère des ruptures de niveau car il ne fait pas de doute que Hawechi est bien plus à l'aise en langue arabe. Dans le temps, notre histoire littéraire a vu la publication d'un ouvrage siamois, en deux langues, Cet ouvrage de Salah Garmadi se justifiait à la fois par une approche critique et politique ainsi que par la capacité absolue de l'auteur à s'exprimer littérairement dans les deux langues. N'est pas Garmadi qui veut! Car, dans les livres de Hawachi, l'écart est trop grand et finit par annihiler les bonnes intentions de l'auteure. Quant au lecteur, il reste dérouté et ne parvient pas à saisir la jonction entre les deux langues et la nécessité - fut-elle intérieure - de les juxtaposer. Sans doute, la générosité de l'auteure explique-t-elle ceci ou cela. De même, le manque de rigueur et le non-choix de l'éditeur peuvent-ils être invoqués. Il n'en reste pas moins que l'hétéroclite finit par l'emporter sur les bonnes intentions. A l'enseigne du trèfle rouge Là où l'auteure aurait pu se contenter d'un ouvrage en langue arabe, dans un registre maîtrisé, elle se met dans une position inconfortable en chassant deux lièvres à la fois. Cette excroissance francophone atténue la charge poétique du texte arabe et évolue dans un lexique où le verbe n'est pas paré de sa pleine mesure littéraire. Nous aurions préféré lire un recueil en langue arabe et pénétrer dans un univers poétique propre plutôt qu'être confronté à une langue française par trop laborieuse voire égarée dans des clichés et des tournures incompatibles avec le reste du double recueil. Autant nous applaudissons la démarche qui mène à ces recueils siamois, autant il importe que les auteurs qui tenteraient cette aventure aient la même verve dans les deux langues. Au-delà, la poésie de Hawachi décline des univers romantiques et toutes les conjugaisons de l'amour et du tourment amoureux. A l'enseigne du trèfle rouge qui pare les couvertures de ses ouvrages, la poésie de Zohra Hawechi invite à de nouveaux horizons et, par ses qualités et aussi ses défauts, nous rappelle que la poésie est avant tout une pleine possession de la langue choisie.