Le droit musulman s'inspire donc du Coran et de la Sunna, et reste de ce fait tributaire des différentes interprétations des théologiens et des exégètes du Coran. Toutefois le juge ou Qadhi a-t-il un large pouvoir d'appréciation, surtout dans le cas du silence de la Chariâa ou de la complexité de son application à un cas déterminé ? oui et non selon la tendance du pays islamique et surtout le système politique de l'Etat en place. Pour Mohamed Arkoun, philosophe et islamologue qui nous a quittés en 2010 : « Nous sommes dans cette impasse historique où prédomine la violence idéologique devenue systémique. Le plus grave est que les processus politiques qui ont conduit à ce résultat (voyez l'Irak, l'Afghanistan, le Pakistan, l'Algérie, etc.) sont fondés sur la même volonté d'ignorer souverainement tout ce qui concerne l'histoire de la pensée islamique : Le statut cognitif du Coran, les conditions de construction du droit positif appelé fiqh, concept différent de Shari'a, indépendance du législateur et du juge de tout pouvoir politique en place, étatisation de la religion depuis l'avènement de Mu‘âwiya, escamotage politique de la légitimité islamique depuis la Grande scission (al-fitna-al-kubrâ)… Les Etats postcoloniaux contrôlés par les partis uniques (partis-Etats) ont fait le choix politique de fonder leur légitimité sur l'islam. Le Pakistan s'est détaché de l'Inde au nom de l'identité islamique. L'islam ainsi invoqué dans une surenchère mimétique meurtrière n'est qu'un bricolage idéologique de l'union sacrée des Etats, des ulémas et de sociétés manipulées, dépossédées de leurs points d'appui traditionnels, lancées dans des idéologies de combat semblables à celles des Internationales ouvrières. À quels tragiques aveuglements, à quelles rêveries folles et dévastatrices ont été soumis depuis 1945 tous les peuples de ce qu'on a appelé le Tiers Monde et maintenant le reste du monde? Après l'effondrement de l'idéologie prolétarienne, le recours à l'islam politique a réactivé les promesses de l'eschatologie classique en la vidant de la dimension du merveilleux mytho-historique commun à toutes les religions pour y substituer les fantasmes idéologiques entretenus par les grands Récits de fondation des constructions nationales après les libérations ».