Deux jeunes tunisiens viennent de recevoir, hier, de la main de l'ambassadeur de France en Tunisie, deux visas long séjour pour obtenir la carte « Compétences et talents ». Ils font partie des premiers bénéficiaires, dans le monde, de cette nouvelle mesure. Quelles sont les modalités pour bénéficier d'une telle mesure ? Quelle est la philosophie qui sous - tend ce mécanisme ? Quelles sont ses possibilités d'évolution ? « Les possibilités de migrations professionnelles vers la France sont appelées à connaître un nouvel élan à la faveur de la nouvelle législation, en attendant la signature d'une nouvelle convention entre les deux pays qui ouvrira nécessairement plus d'opportunités et consacrera la gestion concertée et solidaire des flux migratoires », déclare S.E. Serge Degallaix, ambassadeur de France à Tunis. Nous sommes dans une nouvelle étape résultant de deux textes de lois, celui du 24 juillet 2006 et celui de novembre 2007. Les textes d'application ont été élaborés. Ces textes augurent d'un changement d'optique en matière de migrations professionnelles. Auparavant, pour l'émigration professionnelle, le contrat de travail doit être visé par l'administration française. Aujourd'hui le principe de l'opposabilité ne s'applique plus. Ainsi le passage est fait d'une politique restrictive à une politique ouverte.
Complémentarité Quatre raisons sont derrière cette transition, affirme l'ambassadeur. En France, la baisse du taux de chômage au dessous de 8% fait accepter l'immigration. Même avec un taux de chômage de 7,5% de la population active, 150.000 offres d'emplois sont structurellement non satisfaits en France. Les perspectives démographiques en France font qu'il y a beaucoup de départs à la retraite. De nouveaux besoins apparaissent avec le vieillissement de la population. Avec le principe de la gestion concertée et solidaire des flux migratoires, il faut tenir compte du contexte tunisien. La Tunisie a amorcé sa transition démographique. Aujourd'hui la tranche d'âge 16 - 25 ans continue à croître. Le nombre des personnes plus jeunes diminue. De plus en plus de jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi sont diplômés du supérieur. Durant une dizaine d'années la situation du marché de l'emploi sera difficile. L'ouverture de l'économie tunisienne sur l'Europe nécessite des cadres bien intégrés dans le marché international. Une complémentarité entre la situation française et européenne d'un côté, et la situation tunisienne de l'autre, durant une dizaine d'années, génère une offre importante d'emplois.
Différentes opportunités Dans les semaines à venir une convention sera négociée entre la France et la Tunisie. Elle ira plus loin en matière de circulation des travailleurs. Déjà, une première facilité : les étudiants peuvent travailler 60% du temps de travail annuel sur une simple déclaration. Un étudiant qui a un niveau égal au Master peut avoir une prolongation de séjour de six mois. Une fois, il trouve un travail, il peut changer de statuts et devenir salarié. « Les salariés en mission », sont des salariés qui circulent entre entreprises appartenant au même groupe. La carte est valable trois ans. Les membres de la famille du technicien peuvent le rejoindre et travailler en France. Ce mécanisme est géré par l'Agence Nationale de l'Accueil des Etrangers et des Migrations ( ANAEM ). Le programme « Jeunes professionnels » intéresse les jeunes âgés entre 18 et 35 ans. Avec un contrat de travail sans opposabilité, le jeune peut travailler 18 mois et revenir en Tunisie et vice - versa. Ce programme dont le quota est de 100, a intéressé 70 jeunes. Le plafond peut être plus élevé.
Garder le lien avec le pays Enfin, pour la carte de séjour « compétences et talents », elle est applicable au monde entier sans quota. Elle « peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et, directement ou indirectement, du pays dont il a la nationalité ». Accordée pour une durée de trois ans, elle est renouvelable une fois, lorsque son titulaire a la nationalité d'un pays membre de la zone de solidarité prioritaire, comme la Tunisie. Cette carte permet à son bénéficiaire de garder le lien avec son pays d'origine, car dans les six mois, il doit imaginer un projet pour son pays. Ce qui est une réponse à la critique de pillage de cerveaux. Les critères pour l'obtention de cette carte ont été fixés le 11 décembre et publiés le 20 courant dans le Journal officiel. Cette carte peut être délivrée à un titulaire de diplômes, doctorat ou master ainsi qu'à des non diplômés pourvu qu'ils aient une expérience. Elle peut être aussi délivrée à des hommes d'affaires. Il suffit qu'ils créent une activité faisant employer deux personnes y compris le bénéficiaire. Elle peut être accordée à celui qui rachète une entreprise, à celui qui investit plus de 300.000 euros ou à quelqu'un qui a une société qui existe depuis deux ans. Les deux premiers bénéficiaires tunisiens de la carte compétences et talents sont Melle Soumaya Fathallah (27ans), ingénieur technico-commercial des Mines et M. Hédi Ben Kalifa, contrôleur général de gestion hôtelière. Qui sera le troisième ? Les opportunités existent bien.