Le répit a été de courte durée. A peine le nouvel an passé, on revient très vite à notre série d'informations plus cocasses les unes que les autres. Nous voilà donc aux premiers épisodes de la nouvelle saison. Encore un ministre congédié, un parlement bloqué, la pandémie qui se déchaine, et le fameux serpent de mer dit « dialogue national » dans les méandres des obstacles. Bonne année en perspectives ! Le conflit latent entre les deux présidents, celui de Carthage et celui de la Kasbah, a fini par éclater au grand jour. Taoufik Charfeddine, ex ministre de l'intérieur, en a fait les frais. Les prémisses de ce conflit n'ont pas cessé depuis la nomination des ministres du gouvernement Méchichi. Evidemment, Kaïs Saïed n'a pas cessé de manifester ses mauvaises humeurs contre son chef de gouvernement qui se rebiffe enfin. Il faut dire qu'il a avalé des couleuvres de toutes sortes. L'ennui, pour le président de la république c'est qu'il a, de cette manière, achevé de donner Méchichi, pieds et mains liés, aux partis qu'il a toujours exécrés ! Là on va tout droit et rapidement vers un remaniement ministériel que les islamistes et Qalb Tounes ont depuis longtemps réclamé et qu'ils veulent plutôt politique. De toutes les manières, on a fini par comprendre que ce gouvernement, de bric et broc, devait être remanié. L'absence de cohésion, les dérives de l'approximation, les tiraillements entre Carthage et la Kasbah étaient légende. Ainsi se dessine une autre crise dont nous n'avons absolument pas besoin ! Beaucoup dans la classe politique et même dans la rue tunisienne, espéraient vraiment que la planche de salut qu'était l'organisation d'un dialogue national, pouvait amener les uns et les autres à la raison. Cette espérance s'est nourrie en plus de l'engagement de la centrale syndicale dans le mouvement et on a voulu croire que la présence de l'UGTT, avec d'autres organisations de la société civile allait annuler, un tant soit peu, les mauvaises connexions partisanes pour aller de l'avant. Mais il faut croire qu'on est mal parti. Certes le président de la république a fini par répondre positivement à la proposition de l'UGTT, mais il l'a interprété à sa guise. Il veut faire participer la jeunesse de toutes les régions à ce dialogue et il ne veut pas des « corrompus » autour de la table. La traduction est claire. Saïed revient à ses slogans de campagne autour de la décentralisation et la régionalisation du système politique, et il ne veut pas de la présence de certains partis, surtout Qalb Tounes au dialogue présumé être national ! D'autre part, l'UGTT exclut d'avance la participation des énergumènes d'El Karama, que les islamistes de Rached Ghannouchi fourrent partout. Les Nahdhaouis tirent aussi de leur côté pour faire participer le gouvernement d'une manière ou d'une autre. Le Bloc démocratique a également sa version du dialogue qui n'est pas forcément compatible avec tout ça. Il faut aussi compter avec Abir Moussi et le PDL qui voient dans tout dialogue avec les islamistes une manière de leur offrir une planche de salut pour se recycler de leur mauvaise gestion du pays. Ce dialogue, avec ces préalables-là, est mal parti. Les observateurs de la vie politique, les politologues, et une grande majorité de la société civile, estiment que ce n'est pas encore le vrai sursaut dont le pays a besoin rapidement et solidement. Le sursaut devrait être collectif, devrait s'attaquer en priorité à la loi électorale, à la nature du système politique et aller vers un changement profond qui ne peut se faire qu'à une large majorité bien claire et suffisamment motivée pour tout bouleverser. A.L.B.M.