En annonçant dimanche dernier le lancement d'une campagne nationale « Nehhi Errokhsa ! » pour supprimer les autorisations, le parti Qalb Tounès a vu juste. Les autorisations et la complexité des procédures administratives sont un de plus grands maux qui ravagent l'économie du pays. Les acteurs économiques et les politiciens n'ont pas cessé depuis longtemps de stigmatiser la mainmise administrative de l'Etat sur l'activité économique en Tunisie. Ce quadrillage nous vient de l'époque des années 60 et 70, où l'Etat, et le pouvoir à travers l'Etat, voulait tout contrôler pour mieux tenir la population. Des reformes ont évidemment été introduites à plusieurs reprises pour libérer certaines activités comme les cafés par exemple, mais la liste des activités soumises au contrôle et aux autorisations reste longue et fastidieuse. Le problème ne se limite pas aux autorisations, c'est aussi le cas pour les procédures administratives d'une complexité presque diabolique ! Les réseaux sociaux se sont donnés à cœur joie dernièrement quand l'administration a annoncé qu'elle travaille sur une réglementation de l'usage et de la possession des drones. Le projet incluait évidement une série de procédures et des « attestations » qui ont hérissé les intéressés par leur absurdité et surtout par leur contradiction avec l'esprit même de cette invention technologique de nature libertaire. Le Chef du gouvernement a lui-même annoncé, samedi dernier lors de sa visite à Béja, que son équipe travaille sur une série de mesures pour combattre la bureaucratie et éliminer les handicaps devant l'initiative privé des jeunes et devant la création des entreprises. Ce problème est en fait le résultat d'une structure économique mise en place depuis des années et qui perdure encore. Elle est le fruit d'une connivence établie entre l'administration et le pouvoir d'une part et une oligarchie qui détient d'immenses rentes dans la sphère économique et qui ne se résout pas à les lâcher. Le parti destourien, seul au pouvoir durant des longues années, a également instrumentalisé l'administration à forte dose. Avec ce pouvoir d'autorisation il régulait selon ses intérêts l'entrée au marché, recrutait ainsi ses obligés et plaçait aussi ses ouailles. Avec le développement constant de l'économie, même avec une moyenne plutôt faible, les autorisations permettaient de filtrer toute l'activité économique selon les décisions politiques elle-même conditionnées par les intérêts des uns et des autres. Cette situation est aujourd'hui décriée par tous. Par les bailleurs de fonds qui dénoncent la lourdeur administrative et l'économie de rente, responsables selon eux de l'échec de plusieurs secteurs économiques. Elle est dénoncée aussi par les jeunes, de plus en plus nombreux à vouloir créer leur entreprise et freinés par le népotisme, le favoritisme et le pouvoir discrétionnaire des administrations. Enfin, la situation actuelle de la mainmise administrative est en contradiction avec les principes démocratiques garantissant l'égalité des citoyens devant la loi. C'est pourquoi les politiciens s'engouffrent dans cette brèche et c'est pourquoi Méchichi et son gouvernement s'intéressent au sujet. L'ennui c'est que ces dénonciations politiques ne sont pas nouvelles et les experts sont unanimes pour dénoncer de leur côté le manque d'imagination et d'initiatives chez les partis politiques pour reformer profondément l'administration et le mode de gestion de ce dossier. L'économie de la Tunisie est aujourd'hui dans une crise multiforme et profonde et il faudrait que toute approche de solutions et de reformes mette en première place la réforme de l'administration et su système des autorisations, vestige d'une époque révolue et frein majeur de la dynamisation de l'économie et de sa sortie de crise. A.L.B.M.