Le Registre National des Entreprises alerte sur le dépôt tardif des documents    Signature de cinq accords tuniso-saoudiens à Riyad    Football mondial : sur quelles chaînes sont diffusés les matchs du dimanche 28 décembre ?    Décès de Brigitte Bardot, icône du cinéma et militante pour les animaux    Coupe d'Afrique: Programme des matchs du jour    Temps instable et baisse des températures prévues le 28 décembre    Algérie – Burkina Faso à la CAN : date et chaînes diffusant le match en direct    Tunisie-Nigéria (2-3) : La déception et des interrogations    Match Tunisie vs Nigeria : Où regarder le match de la CAN Maroc 2025 du 27 décembre ?    L'ATB et Visa International célèbrent les grands gagnants du jeu-concours ATB & Visa à l'occasion de la CAN Maroc 2025    Tunis se prépare à accueillir 461 nouveaux bus venus de Chine    SNCFT : 575 postes à pourvoir dans divers domaines    L'ATB et Visa International célèbrent les grands gagnants du jeu-concours ATB & Visa à l'occasion de la CAN Maroc 2025    Salon de l'Entrepreneuriat RIYEDA : autonomiser pour entreprendre et inclure    Diaspora tunisienne : comment la Tunisie peut-elle séduire à nouveau ses talents expatriés?    QNB organise des ateliers financiers pour les élèves de l'école primaire «El Chedly Khaznadar» à Ezzahra    Grand concert du nouvel An à Tunis : l'Orchestre symphonique Tunisien au théâtre de l'opéra (Programme)    IQOS ILUMA i lancée en Tunisie par Philip Morris International : transition vers un avenir sans fumée    Festival international du Sahara 2025 à Douz : tourisme et artisanat au cœur de la 57e édition    Météo en Tunisie : pluies orageuses sur le Nord et localement sur le Centre    Fin de la vignette : payez vos droits de circulation autrement dès 2026    IACE - Premier rapport national sur l'Entreprise: Pour un nouveau pacte productif    De l'invisibilité à l'hyper-visibilité: le voile dans l'imaginaire onusien    Les couleurs du vivant: Quand la biologie et l'art se rencontrent    Tunisie-Japon : SAITO Jun prend ses fonctions et promet un nouvel élan aux relations bilatérales    Festival Saliha de la musique tunisienne à la ville du Kef : ateliers, concerts et spectacles (programme)    Météo en Tunisie : mer agitée, températures en légère hausse    Kaïs Saïed : seule l'action sur le terrain fera office de réponse    Séisme de 6,1 à Taïwan : sud-est secoué sans dégâts signalés    Crash près d'Ankara : le chef d'état-major libyen tué    CAN 2025 - Tunisie-Ouganda : Un avant-goût de conquête    Tunisie Telecom lance sa campagne institutionnelle nationale «Le Don des Supporters»    Yadh Ben Achour reçoit le prix Boutros Boutros-Ghali pour la Diplomatie, la Paix et le développement (Vidéo)    Match Tunisie vs Ouganda : où regarder le match de la CAN Maroc 2025 du 23 décembre?    Riadh Zghal: Le besoin de sciences sociales pour la gestion des institutions    Tunisie à l'honneur : LILY, film 100% IA, brille sur la scène mondiale à Dubaï    Nabeul accueille le festival international Neapolis de théâtre pour enfants    Cérémonie de clôture de la 36ème session des journées cinématographiques de Carthage (Album Photos)    Le carcadé: Une agréable boisson apaisante et bienfaisante    CAN Maroc 2025 : programme des matchs de la Tunisie, préparatifs et analyse des chances    France : nouvel examen civique obligatoire pour tous les étrangers dès 2026    Elyes Ghariani - Le Style Trump: Quand l'unilatéralisme redéfinit le monde    Slaheddine Belaïd: Requiem pour la défunte UMA    Comment se présente la stratégie américaine de sécurité nationale 2025    La Poste Tunisienne émet des timbres-poste dédiés aux plantes de Tunisie    Sonia Dahmani libre ! Le SNJT renouvèle sa demande de libération des journalistes Chadha Haj Mbarek, Mourad Zghidi et Bourhen Bssaies    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les remparts de la justice s'écroulent...
Publié dans Le Temps le 09 - 03 - 2021

Ces derniers temps, les voix s'élèvent et débattent des sujets relatifs à la corruption et aux dépassements enregistrés dans le système judiciaire. Les tunisiens sont au su et au vu de ce qui se passe dans les coulisses des institutions de la justice, à travers les médias, les réseaux sociaux, et les productions artistiques comme le cinéma et le théâtre. L'art est, en effet, ce chemin qui permet de traiter esthétiquement les questions sociales et politiques.
La « Robe » est une création théâtrale produite par le Centre des Arts Dramatiques et Scéniques de Kairouan. Elle porte la signature du metteur en scène Hamadi Louheibi, en collaboration avec l'équipe technique composée de Rim Hamrouni, Basma Hadfi, Wiem rahmani, Rachida Liwane, Anwar Malki, Taha Jabari, Kaies Ben Mabrouk, Omar Fersi et Ghassen Jawahdou. Les rôles sont interprétés par les comédiennes et comédiens : Awatef Abidi, Semia Bouguerra, Khouloud Bdida, Noureddine Hammami, Mohamed Chawki Khouja, Lotfi Msehli.
Le recours à un emploi métonymique du titre « Robe » est une mise en relief des emblèmes déontologiques de ce costume porté par les professionnels du droit et de la justice, lors de l'exercice de leurs métiers. Il ne s'agit pas d'un simple paraitre prestigieux, mais d'un serment de fidélité aux valeurs et à l'éthique sous jacentes, telles que l'intégrité, l'égalité et la justice. Il ne peut en aucun cas devenir un habit permettant l'abus du pouvoir, le subterfuge, la fausseté, la fraude, etc .
La structure de la pièce
La conception de l'espace scénique repose sur une dynamique de la verticalité. Nous percevons un mouvement qui va de la surface (la salle du tribunal), vers le bas (la cave, le souterrain). La descente est opérée suite à la catastrophe. La première scène qui braque la lumière sur le déroulement routinier et l'atmosphère habituelle du tribunal, fonctionne comme un « incipit » préparant la perturbation et la complication des événements. Le deuxième mouvement repart de la cave et remonte vers le haut, après le pacte du mensonge suite à la mort de Maître Touhami par le surnommé Gouba et constitue la scène finale de la pièce. Ce retour à la surface, (à la salle du tribunal) est un retour normal au quotidien, c'est-à-dire au premier état initial!
Au niveau de la composition du canevas, on perçoit une structure classique, un schéma traditionnel de la progression de l'action : (un état initial, des situations intermédiaires et un état final (dénouement)), représenté dans une conception brechtienne. En effet, la configuration de l'espace est conçue immatériellement sur une scène dépouillée de décor. Son premier auxiliaire, outre le champ lexical du souterrain perçu dans le dit des personnages, c'est la lumière. L'impression, d'être en dessous, est suggérée par l'obscurité et la lumière filtrée des fenêtres qui sont hautes. Egalement, les plongées des projecteurs, qui focalisent sur les apparitions, déplacements ou interventions des comédiens, miment la descente.
Le recours à des stéréotypes esthétiques présentés dans un amalgame de styles artistiques prouve que l'artiste n'a pas inventé un nouveau langage théâtral, mais il s'ingénie à fusionner des expressivités et des technicités, et c'est une des caractéristiques du théâtre postdramatique, comme le précise Gilles Lipovetsky dans son livre phare L'ère du vide « Le postmodernisme s'insurge contre l'unidimensionnalité de l'art » , il « n'a pour objet ni la destruction des formes modernes ni la résurgence du passé mais la coexistence pacifique des styles, la décrispation de l'opposition tradition-modernité. » P175
La pesanteur de l'immersion
dans l'abîme
Et l'insoutenable légèreté de la remontée...
La dynamique de la verticalité ne possède pas le même poids dans les deux moments de la descente et de la remontée. Si le premier mouvement se caractérise par une pesanteur de l'immersion dans l'abîme, le deuxième, c'est-à-dire le mouvement de la remontée, est marqué cependant par une insoutenable légèreté.
La cave installe les protagonistes dans la profondeur de l'obscurité. L'immersion dans l'abîme entraine une perturbation psychique marquée par la lourdeur, l'étouffement, l'enlisement, l'isolement. Le lieu, suggère l'abaissement et l'humiliation. Cette descente dans la cave est suivie d'un bouleversement du statut social, c'est à dire d'une perte de considération et de valeur. Le président du tribunal, l'avocat, le criminel se trouvent au même niveau, les titres et les étiquettes sociales tombent. Cette chute prépare la vraie chute morale ! L'imagerie cauchemardesque devient une réalité tangible qui s'enfante lentement dans les tréfonds, dans l'abîme dépourvu de lumière. La chute est opérée par le metteur en scène afin de braquer la lumière sur la chute morale de certains professionnels de la justice pendant leur carrière. C'est dans le gouffre du tribunal que les gouffres intérieurs des protagonistes se révèlent, ils se mettent paradoxalement en lumière dans l'obscurité. Nous assistons bel et bien à une séance de dépouillement, de dénudement, de déshabillage de ceux qui portent la Robe! Ils se transforment en condamnés en s'auto-jugeant (le cas de Touhami) et en s'auto-défendant (le cas de l'avocate Fatma) ou pire en s'étant jugés par le criminel Gouba, qui s'avère leur associé. Ce dernier est en position de force, il domine la situation. C'est le moment le plus absurde de la pièce ! L'accusé devient maître, et les autres lui sont subordonnés. Avec l'assassinat de l'avocat Touhami, tous les protagonistes consentent au pouvoir du clochard et à ses caprices. Tous acceptent le mensonge pour pouvoir remonter de l'abîme à la surface. C'est une fausse lutte qui finit par l'obtempération et le règne du mensonge. La scène du retour à la vie normale prouve à quel point, il est facile d'endurer les faussetés et les subterfuges, à quel point les convictions et les principes peuvent être altérables, à quel point le mal l'emporte sur le bien. Cette altération des valeurs divise leur être, les pousse à une schizophrénie. Certes, Ils sont sauvés de la cave qui les a mis à nu, qui a révélé leur horreur, leur saleté, mais, ils restent prisonniers d'un autre monstre qui est la culpabilité, d'un autre juge, sévère et tranchant qui est l'Histoire ! L'Histoire du pays bien évidemment ! Bien qu'ils s'affranchissent de la lourdeur de l'abîme en remontant à la surface, ils demeurent dans une légèreté insupportable, amère, insoutenable par le poids des remords...
L'ébranlement de l'institution
judiciaire ! La chute !
La chute était un moment de défloration des secrets. La laideur se manifeste à travers les aveux et les jugements des maîtres de la justice, à travers les récits de la hantise, de la décadence, de l'horreur. Des comptes rendus sur l'abus du pouvoir, les chantages, la sexualité, les fraudes et les faux jugements sont désagréablement divulgués. La victoire du clochard Gouba sur le corps de la justice en est une preuve, c'est le comble de la bêtise, c'est l'absurdité en toute lumière, c'est la catastrophe ! Hélas, cette scène représentée est amèrement vraie, elle reproduit en quelque sorte une réalité vécue aujourd'hui dans le paysage de la justice tunisienne, avec certains criminels qui sortent indemnes par l'intervention d'un haut responsable politique. C'est la période la plus noire dans l'histoire de la Tunisie. Cette note pessimiste avec laquelle s'achève la pièce dérange un peu même si elle traduit une réalité. La mise en soupçon de toute l'institution, ou presque, par le metteur en scène est dure à avaler. Tous les acteurs sauf un, ont obtempéré aux ordres de l'accusé afin d'être sauvés. Le seul avocat qui s'est dissocié de ses collègues c'était Maitre Chafik, le jeune militant. Il a quitté la scène vers le public dans un geste symbolique. Tout désenchanté, il pointe le doigt vers le public-témoin, à la quête, peut être, de personnes qui sont honnêtes, accusant ceux qui ressemblent à ses collègues. Nonobstant l'acte héroïque de la jeune avocate, en s'accaparant du flash voulant révéler les documents des dépassements et les horreurs de sa collègue maître Fatma. Cette dernière demeure prisonnière de ses intérêts personnels, en tant que chroniqueuse collaborant avec certains médias louches qui cherchent le buzz, plus qu'une conviction en la loyauté de la justice et du pays.
Qui doit assumer la responsabilité ? Nous sommes tous, d'une façon ou d'une autre responsables, nous sommes tous coupables, ceux qui sont criminels et ceux qui ont participé au crime avec leur silence ! « La démocratie ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité » disait Albert Camus dans son roman La Chute ; dans notre cas, c'est-à-dire elle est au service de la minorité corrompue !
F.M


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.