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Ces murets cache-misère
Reportage : Atteintes à l'environnement :
Publié dans Le Temps le 28 - 01 - 2008

Protection de l'environnement, amélioration de la qualité de la vie, prise de conscience des problèmes écologiques, choix stratégiques pour augmenter les espaces verts en ville, campagnes de sensibilisation télévisuelles, développement durable, Agenda 21, gestion « contrôlée », écologique, des dépotoirs municipaux avec un recyclage intelligent des déchets, sont aujourd'hui des sujets au goût du jour, incontournables.
Il ne faut pas que ces choix, ces orientations, deviennent des slogans creux, parce que, et malheureusement, nous assistons à un phénomène qui risque d'être irréversible, aux conséquences dramatiques si on n'y met pas immédiatement le holà et si on ne prend pas les mesures cœrcitives adéquates : un comportement irresponsable de certains propriétaires d'établissements industriels, qui n'hésitent pas à polluer, à saccager la nature, et à « cacher » leurs dépotoirs, leurs résidus de fabrication, leurs déchets, derrière des petits murets, blanchis à la hâte, mais derrière lesquels on devine, parfois on voit, des amoncellements plus que douteux. Cette méthode, ces murets, semble se généraliser tout au long de la RN 1.......
Les soucis, les marguerites sauvages, les amandiers sont déjà en fleurs, avec quelques journées d'avance grâce à la grande quantité de pluie reçue cette année et aux journées d'ensoleillement de la semaine dernière. Mais malheureusement, on relève aussi des centaines de cas de pollution, d'atteintes à l'environnement. Cela va des dépotoirs sauvages, reconnaissables aux envols groupés de mouettes et de sternes trouvant là nourriture à profusion, faisant bon ménage avec les hordes de chiens sauvages, aux centaines de sachets et des tonnes de cartons, de papiers, abandonnés après les souks hebdomadaires,et les milliers d'oripeaux de toutes couleurs accrochés aux arbres et aux épineux, à Bou Saïd Knitra, à l'entrée et à la sortie de Maharès, au point RN1/287, et à proximité de la décharge de plein air, aux camions qui balancent, au petit jour, des restes de chantiers, des gravas, des vitres brisées même.... Ne parlons pas des briqueteries....
Et les exemples sont légions. Nous allons en prendre quelques uns, bien visibles, et facilement vérifiables. Tous sur la RN1, au vu de tous. Ceux qui, localement ou régionalement, ont un pouvoir de décision pour arrêter cette tornade. Que dire alors de toutes ces entreprises à l'abri des regards, en dehors des circuits de grande circulation, dans les petits villages, ou sur des routes secondaires ?? A commencer, en cette période, par toutes ces huileries, à l'exception des grandes unités organisées, et leurs rejets de « margine » et des eaux de lavage, source de grande pollution. Il faut savoir qu'il y a 1050 huileries, tous types confondus, en Tunisie, dont presque 270 pour la seule région de Sfax. Une étude pour réaliser une décharge collective de résidus d'huiles est en cours de réalisation dans la région du Fahs. Et pour le contrôle de tout ce monde, de toutes les entreprises industrielles en Tunisie, de tous les cas de pollution, chimique, terrestre, aérienne ou maritime, il n'y a que 23 experts assermentés de l'ANPE, habilités à tout moment à dresser procès verbal, dont 4 seulement, pour l'ensemble du sud !!!

L'usine sans nom
Pour les huileries familiales, ces minuscules unités traditionnelles, qui produisent souvent de l'huile en pression à froid, le rejet du margine sur les terrains environnants n'est vraiment pas considéré comme une pollution. « Ce ne sont que des résidus d'extraits d'olives !!! La terre s'en nourrira », me dit un des préposés de l'huilerie dont on voit la photo. A part quelques gros établissements nécessairement équipés, toutes les huileries déversent leur margine dans des bassins entourés de talus de terre. Il suffit d'aller voir !!!
Mais pour l'usine, d'extraction d'huile de grignon d'olives, qu'on voit perchée sur la colline qui domine la splendide plaine de Kairouan, vers Bouhajla et Zaafrana, cet immense bâtiment vert (!!) avec au bout un interminable tapis roulant qui déverse de façon continue le tourteau desséché, les choses sont différentes : des amoncellements sur des centaines de mètres, à vue d'œil à partir de la route. Le minuscule muret qui doit normalement soustraire le spectacle des monticules de grignon traité, au regard des passants, n'y peut rien !! Une fumée blanchâtre s'échappe des deux longilignes cheminées. L'opération qui consiste à extraire l'huile des grignons d'olives passe par plusieurs étapes. Et à chaque fois, on doit utiliser obligatoirement des produits chimiques (appelés délicatement « solvants ») : de l'acide phosphorique pour la démucilagination, de l'héxane, entre autres. La bentonite, une terre argileuse utilisée pour son pouvoir décolorant va prendre feu au contact de l'air et va dégager une odeur très désagréable et une fumée blanchâtre .....nocive, paraît-il. Le citoyen de passage ne peut s'imaginer tout cela. Et pour les 14 usines de ce type en Tunisie, il faut bien que tous ces produits « solvants »soient stockés de façon à éviter les émanations pour les employés, et les infiltrations pour les nappes souterraines. Il faut bien aussi que tous ces produits chimiques utilisés, et qui ne restent pas dans le produit fini, l'huile de grignon, soient collectés, entreposés et traités de façon conforme à la protection de l'environnement........
Or il s'avère que l'année passée, des eaux de ruissellement, des boues noires, puantes, se sont déversés sur les oliveraies environnantes. Un barrage a été mis en place pour éviter ce genre de pollution, retenir les eaux usées.....Les dernières pluies ont fait céder le barrage et de nouveau, cette année aussi, encore une fois la même situation. Il est vrai, que lorsque j'y suis passé, une odeur pestilentielle régnait dans le coin. Les agriculteurs se sont dépêchés de labourer leurs lopins, pour diminuer de la teneur de la pollution, aider la terre à absorber au plus vite les eaux déversées. . Le jeune I...B.., fellah du coin, rencontré sur place, parle avec beaucoup d'amertume des odeurs tenaces, nauséabondes, qui se dégagent de l'usine.
Chose curieuse, rien n'identifie l'établissement en question. Habituellement, on est fier de faire scintiller le nom, le logo, des panneaux publicitaires annonçant le site, des lumières la nuit, surtout lorsqu'on est sur une RN. Ici rien. Aucun signe pour dire à qui appartient l'entreprise, comme si on avait honte de le faire. Aucun numéro de téléphone. Une société « anonyme » au sens propre du mot !!

Fabriques de carrelages
Les fabriques de carrelages installées au bord de la route, pour faciliter le transport, et avoir un accès plus pratique recourent au même stratagème. Ainsi au point kilométrique RN 1/417. Apparemment tout est propret, mais derrière, c'est une catastrophe, un mélange de poussière blanche, de gravas, de calcaire, de ciment blanc détérioré, de carrelages cassés, etc. De même, au point 357.Mais là, les choses ont évolué en trois étapes. Au moment de sa mise en route, un look attirant, verdure devant l'entrée, bâtiments blanchis et environnement clean. Puis, on a commencé à voir des entassements blanchâtres, des résidus de pierres broyées, déversées par un tapis roulant au coin sud de l'établissement. Un petit muret, bien blanc, est venu d'abord camoufler tout cela. Mais la production augmentant, les monticules débordent et on est obligé de prolonger le muret. Sauf que celui-ci n'est pas chaulé, fait à la hâte, et les parpaings sont encore visibles, à peine recouverts d'un enduit de ciment. Troisième opération : la quantité de rejets prenant de l'ampleur, on est forcé de mettre un talus de terre pour « cacher » tout cela. Mais cela ne suffit pas et c'est encore visible de la route..... Les monticules blanchâtres débordent de nouveau, et s'accumulent plus au nord. Jusqu'où ?? La même chose au point RN1/483 : une marbrerie, le même muret qui ne va pas jusqu'au bout, qui laisse apparaître les tas de poussières, des amoncellements de mélanges desséchés,une mare de boue, un ruisseau d'eaux usées, grisâtres, avance vers la route, des palans, des véhicules à l'abandon....

Cimetières de bus
Et des murets, qui cachent des dépotoirs, semblables à des rapiéçages cache-misère, sont partout, il suffit d'y faire attention. Ainsi à l'entrée et à la sortie de Médenine, des parkings de centaines de bus rouillés et abandonnés, appartenant à la SRTGM, sont là, avec des batteries, du plomb, et des centaines de pneus, des milliers de barils. Une porte béante, barrée par une chaîne et des tonneaux peints en rouge !!Au fond un chien aboie....Sur un bout de contreplaqué, une phrase manuscrite, écrite il y a si longtemps : « entrée interdite à toute personne n'appartenant pas au personnel de la société de transport ». Un des pans de ces murets et démoli, et on voit clairement les carcasses rouillées qu'on croit soustraire aux regard, des squelettes d'autobus, ces célèbres Zina et Aziza, liés ici pour l'éternité, vitres démontées, sont là à attendre on ne sait quoi. C'est d'une tristesse !!! Mais pourquoi ne pas vendre ces dizaines de tonnes de ferraille, d'acier, d'aluminium, aux usines de recyclage pour en faire du fer à béton et récupérer les autres métaux. Au prix où en sont les choses aujourd'hui, il n'est pas étonnant que ces cimetières ne servent de caverne d'Ali Baba à quelques petits futés....D'ailleurs, dans un espace mitoyen à ce cimetière, s'est installé un discret ferrailleur !!! Quelle coïncidence !!
Un autre « dépôt » de la même qualité, se trouve à Tajra, juste sous les antennes relais de la télévision. Un mur de briques brutes celui-là, totalement hermétique, un carcan, comme si on a voulu murer définitivement les carcasses de bus. Mais on voit les toits, la chose étant à quelques mètres de la RN1. De suite, puisque le semblable attire le semblable, un autre dépôt sauvage vient lui tenir compagnie, en bon voisin. En face, la muraille d'argile. Cet endroit est un centre magnétique : il attire et concentre tous les affronts faits à l'environnement !!
Partout ailleurs, on retrouve ces espaces où s'entassent des centaines de cadavres de bus au rebut. A Gabès, les traces du même type de « parking », déménagé depuis, sont encore visibles entre le campus universitaire et la rocade. L'endroit n'est pas encore totalement nettoyé.

La muraille d'argile
Directement sur la RN1, au point 470, à quelques kilomètres de l'entrée de Médenine, s'élève, sur la gauche de la route, un impressionnant talus, de terre rouge, mélangée à des blocs de pierres, engloutissant au passage des eucalyptus plantés il y a quelques années déjà, pour prodiguer de l'ombre aux usagers de la route en cas de besoin, servir de lieu de nidification à certaines espèces d'oiseaux locaux, et donner de la verdure à des lieux desséchés. Une muraille de terre, semblable à une gigantesque déferlante, tsunami rougeâtre, sur des centaines de mètres, derrière laquelle se camoufle en fait des excavations vertigineuses, des trous sans fond, fait par les dizaines de bull-dozer, par les puissantes mâchoires des tracks et des pelleteuses, pour extraire l'argile rouge servant à une usine locale. Des nuages de poussière, visibles de loin annoncent le site. Une nature saccagée, éventrée, avec des amoncellements anarchiques de terre jugée inutilisable, où gisent des cadavres d'engins irrécupérables. Derrière cette muraille, on éventre le sol sans témoins. Ces gouffres rouges, par temps de pluie deviennent une horreur. Et les ruissellements entraînent cette argile vers la route, avec les risques de dérapages possibles.
Ici, comme à Oudref, par exemple, où, des abysses, des gueules béantes de sablières délaissées longent le bord de la route, à peine « protégés » par un tout petit talus. A Douiret, la cicatrice qui a éventré la montagne est toujours visible du village. Le spectacle hideux qu'on avait du haut du site troglodyte, la ronde des camions, des tracteurs, le bruit, infernal, étaient vraiment contraires à tout ce qui pouvait être du tourisme culturel. Il a fallu un long combat pour obliger l'exploitant à déguerpir, mais la trace douloureuse est toujours là....C'est une constante : on laisse les choses en état, une fois la carrière jugée suffisamment exploitée, et on va creuser un peu plus loin. Ce n'est pas parce qu'on a un agrément pour exploiter une carrière, qu'on doit vandaliser les lieux. . D'ailleurs, pourquoi ne pas utiliser tous ces remblais qu'on entasse n'importe comment, tous ces déchets non toxiques, les résidus des pierres taillées, ou broyées, les poussières de calcaire et de marbre pour enterrer ces excavations qu'on abandonne, à Oudref et ailleurs ?? On fera ainsi deux bonnes actions, au lieu de continuer à polluer derrière des murets ridicules.
C'est l'ensemble de ces « petits riens » accumulés qui finissent par atteindre un point de non retour, irréversible. Inutile ensuite de proclamer plein de bonnes intentions du genre « nous allons laisser un monde propre à nos enfants » .Mais quelle vision ont tous ceux qui traversent ses endroits, tunisiens, ou étrangers de passage, qui regardent tout cela du haut des bus climatisés, à qui on serine des tartines sur le tourisme culturel et la sauvegarde du patrimoine végétal et animal?
Le problème n'est pas de cacher ses ordures et tous les déchets de fabrication derrière un petit muret, bien propret. Le problème n'est pas de polluer en cachette, mais de ne pas polluer. Continuer à produire et trouver les solutions qui s'inscrivent dans les choix de civilisation, dans le cadre d'un vrai développement durable, qui respecte l'homme dans son environnement.


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