Le long des routes et surtout à la sortie des grandes villes, des restaurants de fortune, spécialisés dans la grillade de la viande de l'agneau viennent s'ajouter à d'autres au paysage obscène qui longe nos autoroutes et nos routes nationales. Jusque-là rien d'étrange et rien d'étonnant à ce que des Tunisiens restaurateurs offrent leur service à leurs chers compatriotes et à nos chers confrères des pays voisins et à ce que des files de voitures et de camions prennent majestueusement place le long des trottoirs pour s'ajouter à ce paysage gris et sombre qui vous rappelle tristement une tempête de désert, ou les nuages de pollution qui s'ajoutent au décor sombre de la capitale de l'ex-empire du soleil levant ;comme dans un film de guerre hollywoodien, la poussière soulevée par les véhicules lourds et légers, les montagnes de nuage créées par le contact de la chair fraîche avec la braise, la sueur qui ruisselle des fronts et des visages, harissa et méchoui font bien l'affaire. Mais ce dont on aimerait bien attirer l'attention c'est cette hémorragie qui touche à notre patrimoine en cheptel ovin. Sacrifier des centaines, sinon des milliers de petits agneaux à peine âgés de trois à quatre mois, des agneaux de cinq kg, à peine la pesée d'un lièvre. Ce commerce, qui se pratique dans l'anarchie la plus totale et à l'abri de tout contrôle des services concernés, est devenu la poule aux œufs d'or pour des centaines de bouchers restaurateurs peu scrupuleux qui vous offrent un seul choix,un seul menu et un seul fort tarif. Des restaurateurs dont les qualités sont plurielles : agent d'accueil, il se charge de sacrifier fièrement le pauvre petit agneau, le couper en morceaux, le griller, vous servir et bien sûr vous faire payer l'addition et qu'est ce qu'ils sont forts en calcul mental surtout en multiplication et en addition et si on se trompait quelques fois c'est toujours et comme par magie en pratiquant le calcul à la hausse jamais à la baisse. Et comme malheur n'est jamais seul, ils jouissent de la complicité des chauffeurs de cars à destination des longs trajets et des voitures de louage. Bien sûr le service entre les deux complices est réciproque ; le chauffeur vous troque contre un bon repas gratuit. Quant aux familles, qui se font les invités d'un jour de ces restaurants c'est toujours le chef de famille qui se fait piéger par les creux de ventre de sa bien aimée épouse et ses biens aimés petits gamins. Sous l'effet de la salivation, la tentation n'est-elle pas humaine ?
Réduction de la quantité de viande Ces marchands de viande grillée font pognon sur route en pratiquant une vraie opération d'"abattage" de notre cheptel national. Les agneaux exécutés réduisent de moitié la quantité de viande destinée à être commercialisée, si abattage n'avait pas eu lieu; en d'autres termes ; ce génocide perpétré contre les innocents petits agneaux nous prive de la moitié de notre cheptel avant terme. La même opération augmente notre dépendance en matière de la viande rouge vis-à-vis des pays producteurs aux prix de la monnaie de forte valeur et crée un déséquilibre entre l'offre et la demande surtout à l'occasion des grandes « cérémonies »qui exigent une consommation supérieure à la moyenne, le Ramadan et l'Aid El Kébir en premier lieu ; ou par manque du nombre suffisant d'agneaux "capables" d'éviter une pénurie en la matière, l'Etat -piégé par l'enclume des "gâcheras" et le marteau des consommateurs- se trouve dans l' obligation de faire appel à l'importation. Cette opération touche aussi à l'intégrité de notre environnement qui se trouve agressé dans son homogénéité ; la vue de ces restaurants isolés, qui manquent des conditions les plus élémentaires des règles de l'hygiène; avec leurs fumées montantes et ces dizaines de petits agneaux privés d'eau et de nourriture et qui attendent leurs exécutions sommaires ,avant d'être « pendus », s'ajoute à une série d'autres mauvaises pratiques qui portent atteinte à notre environnement et qui comme par miracle, échappent au contrôle des services administratifs et de la santé et par conséquent sont à l'abri de "représailles". Ces "abattages" pratiqués en dehors des espaces réservés que sont les abattoirs sont à "réprimer" sévèrement. C'est vrai que devant la flambée des prix des fourrages et autres aliments destinés à l'alimentation du bétail, l'éleveur ainsi que le producteur de viande sont contraints de céder aux caprices des marchands de bétail et à l'avarice de la nature en pluie en plus de facteurs plus objectifs qui sont la désertification de plusieurs régions du pays,la réduction des superficies jadis réservés au pâturage , une surexploitation des terres cultivables due à la mécanisation et à la nécessité de plus en plus accrue de répondre à nos besoins en céréales,tous ces éléments et bien d'autres,expliquent le phénomène mais ne le justifient pas.
Adopter des mesures draconiennes Les autorités de tutelle sont appelées à prendre des mesures draconiennes pour contrer cette hémorragie comme par exemple : subventionner les prix des aliments destinés à l'alimentation du bétail ; sanctionner sévèrement la mise en vente de ces aliments sur le marché parallèle par des intermédiaires qui profitent de la pénurie en la matière et imposent aux éleveurs des prix exorbitants ; récupérer, les moutons écoulés sur le marché du bétail, par des organismes publics et procéder à leur engraissement en vue de les commercialiser à terme ; prévoir les crises conjoncturelles créées par les conditions climatiques en allouant aux éleveurs des crédits à des taux d'intérêt différentiels afin de les aider à surmonter les moments de crise ; conjuguer et déployer plus d'efforts par les autorités concernés en vue de pénaliser sévèrement les pratiques qui favorisent ce phénomène ; Et pour conclure le phénomène qui touche à nos moutons, à nos petits veaux et même à nos petits chameaux est une affaire nationale qui concerne le producteur et le consommateur et quel gâchis que de voir l'un des piliers de notre économie nationale se transformer en simple marchandise répondant à la gourmandise de certains, à l'égoïsme dicté par le gain rapide de certains autres et au désintérêt de nous tous.