* Les jeunes ménages préfèrent confier la garde de leurs progénitures à leurs ascendants pour garantir plus d'affection aux enfants et s'éviter des dépenses et des mauvaises surprises coutumières des crèches et des jardins d'enfants. Arrivant à l'orée de la soixantaine, complètement épuisés par l'éducation et la prise en charge de leurs enfants, les parents en Tunisie, devenus, le plus souvent, grands-parents à cet âge, se voient appelés à participer, bon gré, mal gré, à l'éducation et à la prise en charge de leurs petits fils, et assujettis, ainsi de nouveau, à une corvée dont ils se croyaient libérés. Astreints à passer la journée, dehors, au travail, les jeunes parents laissent leurs enfants à la garde de leurs grands parents, en attendant de revenir, en fin d'après-midi, les récupérer, à la fin de leur service. Et comme la maison des grands-parents se trouve éloignée de celle des parents, toute la petite cellule familiale est obligée de se lever, chaque jour, très tôt le matin, pour permettre aux parents de faire le détour nécessaire jusqu'à la maison des grands-parents, y déposer leurs enfants.
Généreuse grand-mère ! L'été, ce rôle des grands parents s'amplifie, en raison de la fermeture des jardins d'enfants et des garderies scolaires auxquelles les parents ont appris à confier leurs enfants, durant la saison scolaire, en laissant là aussi aux grands-parents la charge de les y conduire et de les ramener. C'est la grand-mère qui est la plus sollicitée, pour ces tâches, encore que la part du grand-père soit, également, importante. Une fête annuelle a été instituée, il y a quelques mois, en Tunisie, en l'honneur de la grand-mère et l'initiative a eu de larges échos dans les médias arabes et européens. Dans plusieurs cas, les parents abandonnent totalement leurs enfants à leurs grands parents, de sorte que les enfants vivent dans la maison de leurs grands parents et sous leur protection. Un habitant d'un quartier de type moyen dans une ville de la banlieue nord de Tunis, nous a dit avoir compté, dans son voisinage immédiat, six familles sur une vingtaine, où les enfants sont abandonnés, totalement, à la vigilance des grands parents. Le rôle des parents consiste, alors, essentiellement, à couvrir les dépenses financières indispensables lorsque leurs moyens le permettent. Autrement, ce sont les grands parents qui les assument..
Vers l'émancipation Bien que ce système consacre, en apparence, l'esprit de solidarité familiale, certains citoyens interrogés le trouvent, plutôt, vicieux et contraire à la cause du progrès. '' L'instruction est diversement partagée entre les générations, nous ont-ils dit. Les jeunes générations ont un niveau d'instruction plus élevé que les générations plus âgées dont une bonne tranche est illettrée, notamment parmi la catégorie des grands-mères. Dès lors, confier l'éducation des enfants et le façonnement de leurs esprits aux grands parents, dans la situation actuelle de la Tunisie, est propre à créer des hiatus et des décalages dans le mode d'épanouissement des jeunes, et à favoriser le conservatisme et les inadaptations de toutes sortes, comme dans la manière de parler. Les grands parents vivant, aujourd'hui, dans la Capitale et autres grandes villes, sont issus de la campagne et ils conservent, encore, la manière de parler de la campagne, différente de celle en usage dans les villes. D'après l'un de nos interlocuteurs, ce système possède, en outre, le défaut majeur d'encourager l'exploitation gratuite des grands parents, au moment où l'espérance de vie s'allonge, partout, dans le monde, entraînant des bouleversements considérables dans la façon de percevoir et de consommer les nombreuses années suivant l'interruption légale de l'exercice de la profession officielle, appelée, encore, '' départ à la retraite''. Jouissant de revenus assez substantiels et instruits, au sens total du terme, les grands parents constituant la classe des séniors, chercheront, bientôt, à profiter, réellement, des plaisirs de la vie, et à s'émanciper de ces tracas imprévus du dernier moment. Les familles gagneront à se préparer, au mieux, pour réussir ce grand virage.