Que reste-t-il à dire sur ce souverain martyr dont le règne n'avait duré pourtant qu'une année, mais qui marqua le pays par ses idées et son attitude patriotique ? Moncef Bey se démarqua de la dynastie husseïnite par son attitude patriotique et son amour pour le peuple et le pays, et ce dès sa tendre jeunesse. Il sympathisa avec les membres du Néo-Destour et incita son père, Naceur Bey alors sur le trône à recevoir une délégation du parti venue lui présenter des revendications tendant à faire recouvrer au pays sa souveraineté et au peuple sa liberté et sa dignité. Mais Naceur Bey ne parvint pas à convaincre les autorités coloniales qui avaient fini par faire pression sur lui pour qu'il abandonnât la cause des militants. Moncef Bey avait vécu l'événement et se sentit amer de ne pouvoir rien faire à l'époque où il n'était même pas encore Bey présomptif. Il devait attendre longtemps son tour car la priorité était aux plus âgés de la dynastie. Mais le hasard avait voulu qu'il devînt Bey présomptif avant terme, suite au décès de son prédécesseur à ce poste. Le Bey en place à l'époque Ahmed Bey 2, avait à l'instar de Ahmed Bey 1er, œuvré à gagner l'amitié de la France et faisait de ce fait la sourde oreille aux revendications des membres du Destour. Moncef Bey accéda au trône en juin 1942, soit en pleine période d'occupation de la France par l'Allemagne nazie. Les autorités allemandes estimaient qu'il était légitime d'agir aux lieu et place des autorités coloniales françaises , et qu'elle avaient une autorité de fait et de droit sur le pays. Le gouvernement de Vichy, sur autorité du gouvernement du Reich, commençait par prendre des décisions pour lesquels il demandait au bey d'apposer son sceau. Le prédécesseur de Moncef Bey avait déjà apposé sur deux décrets concernant la limitation des activités économiques des Tunisiens de confession juive. Cependant Moncef Bey refusa d'apposer son sceau sur des décrets que lui soumit le Résident Général et dont la teneur concernait l'obligation du port de l'étoile Jaune aux Tunisiens de confession juive. Par cette attitude Moncef Bey suscita le mécontentement et le Résident Général était obligé de faire signer lui-même ces décrets sur ordre du gouvernement de Vichy. Et dire que, passée la période de l'occupation de la France par les nazis, les autorités coloniales avaient prétexté sa collaboration avec les nazis pour l'obliger à abdiquer. Le maréchal Juin qui, œuvra lui-même à la destitution de Moncef Bey écrivait plus tard dans ses mémoires à ce propos : " Je ne découvris aucun grief sérieux. Le bey avait vécu replié dans son palais, prenant prétexte de sa situation de souverain protégé pour détourner vers le résident général toutes discussions se rapportant aux affaires de la régence. Tout au plus, pouvait-on reprocher au bey Moncef d'avoir, sur l'insistance du résident général ou de quelqu'un de son entourage, apposé son sceau sur un firman (décret beylical) conférant des distinctions de son ordre, le Nichan al-Iftikhar, à des personnalités ennemies. Il avait toutefois refusé formellement de les remettre lui-même. Restaient les sympathies prodestouriennes, invoquées comme griefs, et qui risquaient de faire prendre au procès intenté au bey un tour tendancieux. Mais les instructions avaient, encore une fois, un caractère impératif et l'on insistait d'Alger pour que l'opération eût lieu à chaud afin de profiter du désarroi des esprits et du choc produit par la défaite des puissances de l'Axe. Je ne pouvais qu'obéir... " Moncef Bey fut donc victime d'une injustice de la part des autorités coloniales qui n'étaient pas habituées à voir un Bey agir de la sorte au prix de risquer son trône et sa vie. Il ne tenait ni au trône ni aux fastes du pouvoir et se considérait comme étant tenu par le devoir de défendre la patrie et le peuple par tous les moyens.