"La majorité des votants ne sont pas venus pour le règlement intérieur, mais pour le règlement des comptes" corps de métier relativement difficile à codifier parce que mondialement hétérogène. C'est la métier qui cristallise les vieilles valeurs de défenseur de la veuve et de l'orphelin autant que des enjeux parfois à terme politique très marqué. Nous comptons près de cinq mille avocats : tous d'accord ? Ce serait une utopie ! Mais les débats restent édifiants autour de ce noble métier... Celui des hommes (et des femmes) à la robe noire. Et, par surcroît le rejet du projet de règlement intérieur fait couler beaucoup d'encre. Le projet du règlement intérieur de la profession d'avocat a été rejeté par 288 voix contre 215 voix pour, lors de l'Assemblée générale extraordinaire du conseil de l'ordre des avocats qui s'est tenue les 10 et 11 février 2007. Un projet qui a été amplement discuté et élaboré par des commissions présidées par d'anciens bâtonniers et auxquelles ont participé plusieurs avocats dont certains d'entre eux ont voté contre le projet. A cette occasion nous avons invité le bâtonnier Me Abdessatar Ben Moussa pour nous expliquer les raisons et les dessous de ce rejet. Interview.
Le Temps : Vous avez déclaré à l'issue du vote du règlement intérieur "je penserai peut-être à briguer un second mandat" le penseriez-vous sérieusement ? Me Abdessatar Ben Moussa : Comme vous l'aviez écrit au Temps. C'était une plaisanterie. J'ai promis de ne pas briguer un second mandat. Chose promise, chose faite. Car je suis démocrate et je considère que l'alternance est la pierre angulaire de toute démocratie. • Comment expliquez-vous le rejet du projet du règlement intérieur ? La majorité écrasante des votants n'ont pas voté contre le projet en lui-même, mais ont voté contre parce qu'ils croyaient que c'est mon projet certes j'étais l'initiateur de l'idée du projet depuis le bâtonnat de Me Cheffi puis j'ai présenté un second projet lors du bâtonnat de Me Béhi et un troisième au courant du bâtonnat de Me Bouraoui. J'ai présenté ces projets en tant que membre de la section de Tunis du Conseil de l'Ordre et puis en tant que membre du Conseil de l'Ordre. Ces projets ont été discutés par tous les membres du conseil de l'ordre à l'époque et même par la conférence des sections. L'un de ces projets comptait plus de 100 articles avec des obligations professionnelles à l'image de tous les règlements intérieurs. • Mais ce projet qui a été rejeté n'est pas le vôtre ? Non. Il est devenu le projet de l'ordre des avocats puisqu'il a été adopté par la conférence des sections puis étudié par la commission des anciens bâtonniers et des anciens présidents des sections. Et par souci de démocratie j'ai crée cinq commissions chacune présidée par un ancien bâtonnier et qui sont ouvertes à tous les avocats. Chacune a examiné, discuté et amendé un volet du projet. Les avocats ont participé massivement à ces commissions. Mais certains d'entre eux ont voté contre le projet qu'ils ont élaboré et confectionné croyant à tort voter contre moi. • Quelles sont les raisons ? Les raisons sont multiples. Il y a tout d'abord les enjeux électoraux. Certains candidats au bâtonnat et même aux sections croyaient que si le projet serait adopté je me présenterai de nouveau. Mais ils n'ont pas pensé que le contraire pourrait aussi être vrai. Il y a aussi des raisons d'ordre politique. Car la majorité des participants aux travaux des commissions appartiennent à la cellule et la plupart de leurs observations ont été prises en considération par les présidents des commissions. Parmi ces confrères certains ont soulevé des remarques pendant l'Assemblée Générale. Toutes les observations et les remarques ont été prises en considération en amendant définitivement le projet. Mais ces mêmes confrères qui ont contribué à l'élaboration définitive du projet ont par la suite fait une propagande contre le projet et ont voté contre. C'est inadmissible moralement et professionnellement. Il y a aussi ceux qui pratiquent le courtage et ont été traduits devant le conseil de discipline. Ils se sont mobilisés pour voter contre le projet. Ce lobby des courtiers craint que ce projet mettra fin à leur activité qui va à l'encontre de la déontologie de la profession. • Mais certains disent qu'il y a aussi des membres du conseil de l'ordre qui ont voté contre ? J'étais surpris d'apprendre cela par les journaux et si c'est vrai, c'est révoltant car les membres du conseil de l'ordre ont tous participé à la discussion et à l'élaboration du projet. • Ce rejet du projet est-ce une défaite pour vous ? Non ce n'est pas une défaite pour moi. C'est une défaite pour la profession, pour les structures pour les anciens bâtonniers, les anciens présidents de sections et pour tous les avocats qui ont participé à l'élaboration de ce projet dont certains ont applaudi publiquement le rejet. • Aujourd'hui certains considèrent que le bilan de votre mandat est nul. Pour eux c'est un mandat blanc. Il vaut mieux un mandat blanc qu'un mandat noir parce que sauvegarder l'indépendance de la profession n'est pas chose facile dans les circonstances difficiles qu'a vécues la profession. Mais ici il y a une contradiction, on dit d'un côté que les revendications des avocats ont toutes été réalisées et les avocats de la cellule le confirment et d'un autre côté on dit que c'est un mandat blanc. Pour nous, pour les avocats indépendants et professionnels, les réformes de la profession n'ont pas été réalisées. Ce n'est pas un manque de moyens. C'est un manque de volonté car les réformes demandent l'intervention du législateur. Interview réalisée par