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« La Tunisie a également besoin d'un train de mesures concrètes pour promouvoir les libertés fondamentales » Taïeb Baccouche, président de l'Institut Arabe des Droits de l'Homme :
. Comment jugez-vous la situation des droits de l'homme dans le monde arabe ? Taieb Baccouche : Il est hasardeux de porter un jugement lapidaire sur la situation des droits de l'Homme dans le monde arabe où les choses varient d'un pays à un autre et d'un domaine à un autre. Mais si l'on veut rester au niveau global et synthétique, il est nécessaire de prendre en considération des repères dans des domaines particulièrement significatifs : -La charte arabe des droits de l'Homme(CADH) a été certes sensiblement améliorée dans la dernière version adoptée lors du sommet de Tunis en 2004, pour se rapprocher du standard international. Mais malgré cela elle reste en de-ça de toutes les chartes régionales, y compris celle africaine, et celles des Etats arabes ne se bousculent pas pour la ratifier et la doter des mécanismes d'application. - Le concept de citoyenneté n'est pas encore suffisamment intériorisé et ancré dans la culture politique arabe où les termes « sujet » ou « allégeance » ont encore le vent en poupe, en particulier dans les médias et la prose de beaucoup de « plumitifs ». -Si l'on considère la question de l'égalité entre hommes et femmes, malgré les progrès réalisés dans certains pays, on remarque que les 18 pays arabes qui ont ratifié la CEDAW, ont assorti leur ratification d'un nombre trop élevé de réserves qui vident la ratification de son sens et limitent considérablement sa portée, surtout que l' important protocole additionnel n'a recueilli qu'une seule ratification arabe. Tout ceci montre que la démocratie et les droits de l'Homme ne sont pas encore prioritaires dans l'agenda des pouvoirs arabes actuels.
. Quelles sont les réformes à entreprendre pour l'améliorer ? - Les réformes ne souffrent d'aucune priorité. Dans la gestion des crises, il faut éviter de céder à la facilité des mesures strictement sécuritaires aux dépens des mesures politiques et socio-économiques. Il serait beaucoup plus sage de desserrer l'étau de la censure frileuse et souvent incohérente car la liberté de pensée et d'expression est une vitrine qui ne trompe pas sur la véritable nature de l'image qu'on veut donner au monde. La liberté d'association est à la base du développement d'une véritable société civile dynamique et responsable. A cet égard, les libertés syndicales sont les plus significatives car elles sont garanties par une panoplie de conventions internationales spécifiques qui ne souffrent d'aucune restriction. Leur non respect est révélateur du degré de respect des autres libertés. Il faut ajouter à celà l'indépendance de la justice sans laquelle il ne saurait y avoir d'Etat de droit. Pour le citoyen, le respect de l'Etat est tributaire de sa confiance en la justice.
. Quel est le rôle de l'IADH pour la promotion de ces droits ? - L'IADH est une ONG régionale qui a des moyens humains et financiers trop modestes par rapport aux ambitions qu'il nourrit depuis sa création en 1989. Néanmoins, il fait de son mieux pour faciliter l'avènement des réformes dont le monde arabe a plus que jamais besoin et ce, à travers un ensemble de projets et d'actions qui visent les objectifs suivants : -Diffuser une culture universelle des droits de l'Homme. - Former le maximum possible de cadres d'ONG arabes pour consolider les sociétés civiles dans tous les domaines relatifs aux droits de l'Homme. -Contribuer également à la formation de cadres d'institutions gouvernementales susceptibles d'agir dans le sens de la promotion de la démocratie et des droits de l'Homme dans la région. -Favoriser le dialogue entre les deux parties, car c'est bien la conjugaison de leurs efforts respectifs et la volonté partagée qui peuvent accélérer le mouvement des réformes nécessaires pour un développement intégral et continu et pour assurer les changements démocratiques pacifiques.
. Et la situation en Tunisie ? - Ce que j'ai dit à propos de la région arabe vaut également pour la Tunisie car les exceptions ne concernent que certains domaines et non l'ensemble. La Tunisie a également besoin d'un train de mesures concrètes pour promouvoir les libertés fondamentales.
. Que pensez-vous de la crise de la LTDH et quelle est la solution d'après vous ? - Je trouve que la crise de la LTDH a trop duré et je ne comprends pas pourquoi il y a tant de blocages inutiles ou improductifs. J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'en parler dans des commissions de déblocage ou dans les médias, y compris dans les colonnes du journal Le Temps. Je n'aime pas beaucoup me répéter car ma position sur ce sujet reste globalement la même. Propos recueillis par Néjib Sassi