Les crédits alloués à l'agriculture sont en deçà des attentes des agriculteurs. Du côté des banques on évoque les problèmes de recouvrement des crédits agricoles et du côté des professionnels c'est, entre autres, la non adaptation du système de crédit aux spécificités de l'activité agricole qui est mise en relief. Hier, l'Union Tunisienne de l'Agriculture et de la Pêche a réuni les différents intervenants sous un même espace pour disséquer ce problème. Que faut - il faire pour dépasser la situation actuelle et redonner un nouveau souffle au financement de l'agriculture ? Les agriculteurs sont -ils, spécialement de mauvais payeurs ? Un encadrement et un suivi plus rapprochés, permettront - -ils d'endiguer les problèmes de recouvrement et rétablir la confiance ? Pour les petits agriculteurs que leur a apporté la Banque Tunisienne de Solidarité ?
L'organisation, hier, de la rencontre axée sur l'élargissement des interventions de la Banque Tunisienne de Solidarité dans le financement de l'agriculture, s'explique, comme le dira en substance M. Mabrouk El Bahri, président de l'Utap, par « le rôle important des petites exploitations agricoles. » Celles qui ont une superficie inférieure à 10 ha représentent 75% de la surface totale des exploitations agricoles dans le pays. L'organisation des agriculteurs, consciente de l'importance du financement dans l'accélération de la mise à niveau du l'agriculture, la modernisation des outils de production et la consolidation de la compétitivité du produit national, a confié à un bureau d'études privé l'élaboration d'une étude scientifique profonde sur le financement de l'agriculture et la pêche et les problèmes de recouvrement. Les premières conclusions de l'étude, comme le révèle M.Mabrouk Bahri, « montrent que le nombre de bénéficiaires de crédits agricoles est en baisse continue. Durant la quinquenie 1990 - 1994, ils étaient 54%. De 2000 à 2004, ils sont passés à 36%. Le nombre d'agriculteurs demandant un crédit agricole est resté faible, autour de 7 à 8%. La même étude a montré que la participation des banques au financement du secteur agricole n'a pas arrêté de décroître. Elle est passée de 16,1 % au huitième plan à 11,3% au neuvième plan et à 10% au dixième. »
Avantages importants
Le ministre des Finances Mohamed Rachid Kechich, n'infirme pas ces données. Toutefois, il rappelle que les réformes engagées « ont permis à l'agriculture de réaliser un taux de croissance de sa valeur ajoutée de 2,6% durant le dixième plan, participant ainsi à concurrence de 12,6% dans le P.I.B. Le volume des investissements consacrés à ce secteur important s'élève à 4169 millions de dinars durant le dixième plan dont 53% réalisés par des opérateurs privés. La part de l'agriculture dans l'exportation est de 9,6% durant le dixième plan, couvrant la balance commerciale alimentaire à raison de 93%. On s'attend à ce que le secteur de l'agriculture et de la pêche réalise un taux de croissance de 3,5% et un niveau d'investissement de plus de 1000 millions de dinars, en 2007 ». L'investissement dans l'agriculture bénéficie d'avantages importants comme la prime d'investissement variant entre 7 et 25%, une prime supplémentaire de 8% pour ceux qui s'installent dans les régions aux conditions climatiques difficiles et de 8 à 25% pour la pêche dans les zones sous - exploitées de Bizerte et Tabarka. Le crédit agricole, rappelle le ministre englobe les crédits saisonniers et les crédits d'investissement avec ses variantes en nature et en argent, et se caractérise par la multitude de ses sources.
Le recouvrement pèse lourdement
Ainsi la révision des critères d'octroi des crédits saisonniers se fait de façon cyclique. Les nouvelles activités sont incluses dans les crédits d'investissement. L'encours des banques pour soutenir ce secteur s'est élevé à 1871 millions de dinars à la fin de 2005. Les crédits à court terme s'élèvent à 1043 millions de dinars. Les crédits à moyen et long terme s'élèvent à 828 millions de dinars. Vu les difficultés rencontrées par les agriculteurs, 114 mille ont bénéficié d'une annulation de leur dette à concurrence de 2000 dinars, en 1999. Ce qui a coûté au budget de l'Etat 140 millions de dinars. Le secteur a bénéficié de façon indirecte du soutien de l'Etat à travers l'effort financier consenti par le budget public lequel, à deux reprises, dut renflouer les caisses de la BNA de 133 millions de dinars en 1993 et 160 millions de dinars en 2001. Il est évident que la question du recouvrement pèse lourdement sur l'effort de financement de l'agriculture. « Cela influe négativement sur les équilibres des structures de financement », affirme le ministre des Finances. Il est important d'accorder la priorité au principe du respect des engagements pris. En cas de changements climatiques et de perturbation des prix, il faudra trouver des mécanismes pour faire face à ces situations, en dynamisant les mécanismes de garantie et de stocks régulateurs. Des crédits supervisés ont été accordés aux exploitants disposant de surfaces variant entre 10 et 50 ha. Pour ces crédits les commissariats régionaux de l'agriculture jouent le rôle d'encadreurs dès l'étude du projet, jusqu'à l'obtention du crédit et son recouvrement. Cet encadrement permet de mettre à niveau les agriculteurs et les préparer à intégrer le circuit bancaire par la suite. « Annuellement, 2000 agriculteurs sont ainsi mis à niveau », affirme le ministre.
Augmentation du plafond
Pour les agriculteurs ne disposant pas de garantie, la Banque Tunisienne de Solidarité intervient. Jusqu'à la fin de janvier 2007, près de 13500 agriculteurs et pêcheurs ont profité de ses crédits s'élevant à 55,4 millions de dinars, soit 15% des interventions de la B.T.S. « C'est une proportion qui doit augmenter », poursuit le ministre. Parallèlement, les interventions des associations de développement ont été consolidées. Elles sont actuellement, 239 associations à s'activer sur tout le territoire de la République. Jusqu'à la fin de décembre 2006, plus de 220 mille crédits ont été accordés par ces associations avec une enveloppe de 176 millions de dinars, dont 41% au profit du secteur agricole. Le plafond de ces micros - crédits est passé de 2000 à 4000 dinars. Cette catégorie de crédits connaît un taux de recouvrement encourageant. Il est de 82% et atteint parfois 90%. La proximité entre l'association et le bénéficiaire explique la réussite de ces crédits. Par ailleurs, le Fonds National de Garantie a consacré ses interventions aux crédits accordés aux petits et moyens agriculteurs et à la couverture des crédits bancaires à tous les agriculteurs contre la sècheresse, sans oublier les crédits des associations et de la BTS. Ce Fonds a participé à la prise en charge des intérêts du rééchelonnement de crédits agricoles pour 34 millions de dinars à la fin de 2006. Un plan de réforme de l'assurance agricole a été engagé en 2000. L'objectif est d'encourager les agriculteurs à adhérer à l'assurance. Ils ne sont aujourd'hui que 6% à s'assurer. C'est le même taux de ceux qui contractent des crédits. D'ailleurs l'assurance agricole ne dépasse pas 2% du chiffre d'affaires des assurances. L'assurance couvre à peine 3% des arbres fruitiers et des oliviers, 7% du cheptel bovin et 10% des surfaces des grandes cultures. Il faut réussir à inclure la culture de l'assurance chez les agriculteurs.