Du côté des producteurs : « Les firmes internationales choisissent des partenaires crédibles et performants pour la production des génériques » * Du côté de l'administration : « le laboratoire national de contrôle des médicaments vérifie la similitude entre le générique et le princeps » * Du côté des patients : « Il serait souhaitable de proposer tout sur le marché et le patient choisit » * Du côté des médecins : « le meilleur médicament, c'est celui qui guérit le malade au moindre prix » Plus de 50 % des médicaments utilisés dans le secteur de la santé sont fabriqués en Tunisie. Ils représentent 40 % de l'enveloppe globale consacrée à la médicamentation. La loi de corrélation (il n'y a pas lieu d'importer si un médicament est fabriqué localement), en vigueur en Tunisie jusqu'en 2007, a permis de favoriser la production locale des médicaments. Elle a favorisé cette production en lui accordant un pas d'avance sur les produits importés. Ainsi, une bonne partie des médicaments anti-infectueux, antitussifs, anti-hypertenseurs, des médicaments du diabète, du cholestérol et de l'ulcère vendus dans nos officines et utilisés dans nos établissements hospitaliers, est désormais fabriquée en Tunisie. Les laboratoires tunisiens exportent annuellement pour vingt millions de dinars sur le marché africain et arabe. Ils ambitionnent d'exporter sur l'Europe. L'enregistrement du médicament tunisien à l'étranger n'est plus sujet à une question de qualité ou d'efficacité mais, plutôt, à une question de temps. Encore faut-il que le produit tunisien parvienne à maîtriser son coût. Malgré les encouragements de l'administration, les unités de production des médicaments se disent à leur limite en matière de coût. Les intervenants sur la scène des médicaments en Tunisie ne sont même pas parvenus à dégager une marge préférentielle pour les pharmaciens afin d'encourager à commercialiser les génériques. Pourtant, la loi sur la corrélation les a longtemps protégés contre une concurrence acharnée des produits étrangers. Mais la loi de corrélation n'a-t-elle pas constitué un désavantage aux malades tunisiens et soignés en Tunisie ? N'ont-ils pas subi des torts à cause de l'utilisation de ces génériques ? Un tel choix n'a-t-il pas influé sur l'efficacité des thérapies entreprises ? En contournant cette question, une première observation a été constatée. C'est que le public n'est pas suffisamment informé sur cette question. En plus, la réponse à ces problématiques dépend de la position de chacun par rapport à cette structure de médicamentation. Que l'on soit producteur de médicaments, délégué médical, médecin ou patient influe considérablement sur le ton de la réponse à donner. Le Temps a sondé les différents intervenants :
Du côté des producteurs : « Les firmes internationales choisissent des partenaires crédibles et performants pour la production des génériques » Sur cette question de qualité des produits génériques, les producteurs précisent que : « le générique tunisien peut rivaliser avec ceux des pays développés. Encore faut-il préparer psychologiquement le citoyen pour qu'il accepte de l'utiliser sans suspicion». Les industriels ne cessent pas de rappeler l'exemple américain : « Malgré le fait que les Etats-Unis soit le pays qui offre la plus forte politique de protection de la propriété intellectuelle, c'est aussi le pays qui possède la plus grande industrie générique et les génériques constituent 55 % de la consommation globale des médicaments dans ce pays. Donc, le développement de la recherche médicale et l'essor de l'industrie des génériques vont de pair. D'ailleurs, le succès commercial du princeps durant la période de propriété intellectuelle, garantit le succès de ses génériques » Face aux réserves de ceux qui insistent sur la qualité, les industriels répliquent : « Les firmes internationales choisissent des partenaires crédibles et performants pour la production des génériques. Leurs enseignes existent sur ces produits et ils peuvent être, légalement, poursuivis en cas de pépin. Sans oublier que les autorités d'enregistrement et de contrôle sont les premiers garants de la qualité d'un produit. La Tunisie dispose d'organes et d'institutions de veille et de contrôle très développés et reconnus à l'échelle mondiale (DPM, DIP, CNPV, ANCSEP, etc.)
Du côté de l'administration : « le laboratoire national de contrôle des médicaments vérifie la similitude entre le générique et le princeps » Cette polémique sur le générique met en exergue le rôle de l'administration censée faire l'arbitre pour modérer les tons de tous les intervenants. Lequel ton est censé être le même puisqu'il n'est fonction que de l'effet de ce médicament sur le processus de la thérapie. Et ce process est soumis obligatoirement au contrôle d'une structure indépendante responsable de la livraison de l'Autorisation de Mise sur le Marché. La fameuse AMM est le permis d'efficacité thérapeutique du médicament. En Tunisie, le laboratoire national de contrôle des médicaments est la structure habilitée pour vérifier que les médicaments produits, génériques ou princeps, répondent aux critères de qualité, d'efficacité thérapeutique et d'innocuité. Les « génériqueurs » sont tenus de présenter des dossiers complets comportant les « cartes d'identité » de leurs produits génériques : « au niveau du laboratoire national des médicaments, il y a un système permettant de reconstituer tous les essais cliniques sur le générique, pour vérifier si sa composition chimique est semblable à celle du médicament de référence et s'il présente la même qualité intrinsèque ». Concernant la nécessité de réaliser davantage d'études de bio-équivalence : «Ces études ne concernent que certains produits pharmaceutiques qui sont les produits de forme solide et les produits liposolubles. Il s'agit de montrer, par exemple, pour les génériques de forme solide, que le produit passe dans le sang à la même vitesse et avec la même concentration que le médicament de référence. D'une manière générale, dans le cas de ces génériques, on exige soit un dossier de bioéquivalence, soit le dossier qui garantit que ce produit est bioéquivalent, et qu'on achète avec la formule du médicament lui-même.»
Du côté des patients : « Il serait souhaitable de proposer tout sur le marché et le patient choisit » Chaque patient n'a qu'un objectif en tête en cherchant à se faire soigner : la guérison. Sa santé a un coût. Mais, elle n'a pas de prix. Du côté des patients, on entend des propos divers comme « pour avoir l'efficacité escomptée, il faudrait avaler une dizaine de comprimés made in Tunisia à la place d'un comprimé made in France » ; « les génériques mettent plus longtemps à agir » ; « les fabricants de génériques ne sont pas soumis aux mêmes standards de qualité ». Il est donc nécessaire de convaincre le médecin ( et le patient) par la qualité du produit pour qu'il ne soupçonne pas des scénarios qui se trament aux dépens de sa santé : « la loi de corrélation se fait aux dépens de notre santé. A chaque fois qu'un produit local (générique ou princeps) apparaît sur le marché, son princeps (ou équivalent étranger) disparaît de la circulation. La pharmacie centrale n'en importe plus. Pourtant, il est prouvé médicalement (et plusieurs médecins l'attestent) que ce produit de substitution peut ne pas donner le même effet thérapeutique. Pourquoi n'offre-t-on pas sur le marché tous les produits et ne laisse-t-on pas aux médecins et aux patients la possibilité de choisir ? » Le public oppose des réserves sur la limitation de l'importation : « Ce n'est pas normal que l'on n'importe pas un tel produit parce que l'on va industrialiser un tel autre en Tunisie ? . L'exemple du ventoline et de son substituant est encore présent aux esprits »
Du côté des médecins : « le meilleur médicament, c'est celui qui guérit le malade au moindre prix » La corporation des médecins souffle le chaud et le froid concernant cette question de médicaments. Ils sont toutefois unanimes sur une question : « chaque médecin cherche à ce que son patient guérisse. On souhaite que la guérison se fasse au plus vite s'il n'y a pas d'effets secondaires. On voit également d'un bon œil le fait que les médicaments ne soient pas chers. Mais, l'essentiel, c'est qu'ils guérissent ! » Les médecins expliquent qu'ils ne peuvent aborder autrement cette question de thérapie : « Il y va de leur notoriété et personne ne veut perdre sa renommée »