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Jeunes et émigration : Les apparences trompeuses
NOTRE EPOQUE
Publié dans Le Temps le 23 - 02 - 2009

« Saber ! Kahouetek khâlsa(ton café est payé) ». Puis, il sort, Mokhtar, la banane à la ceinture, une ceinture serrant un pantalon vieux de trente ans, il était à la mode quand la phosphorescence était en vogue, le blouson qu'il portait était aussi de couleur vive, si vive qu'elle éblouissait la vue, sa chemise bariolée était pareille à un arc-en-ciel, ses chaussures à éperons ressemblaient à celles des cowboys.
Notre Mokhtar (l'élu) avance en se dandinant vers sa BMW, il ouvre la portière et y monte comme s'il enfourchait un cheval. Le voilà se préparant à quitter la terre pour un voyage au septième ciel, il prend de grands airs, il fait la grosse tête qui est déjà très grosse, ce qui lui ajoute de la dimension. Il s'élance avec sa voiture comme une fusée ne voyant plus personne même plus Saber (le patient) auquel il vient de payer le café. Celui-ci n'a pas accepté cette générosité dans laquelle il voyait une humiliation.
On a oublié de vous dire que Saber est diplômé universitaire chômeur. Mokhtar, lui, c'est une vieille connaissance qu'il a côtoyé au quartier et pendant une période très brève à l'école primaire où il l'a largué à un niveau très bas, ses capacités intellectuelles très limitées ne lui ont même pas permis d'atteindre la sixième année. Ce raté a traîné en longueur et en largeur, il était chômeur, voleur, mendiant, journalier, arnaqueur, dénonciateur..., il a tout fait. Cette riche expérience l'a propulsé au rang privilégié de candidat à l'immigration clandestine.

Le modèle
Il était entré à l'Ouest par l'Est, l'un des circuits de ce trafic illicite, les temps ont changé et les sens sont inversés. Là, il était accueilli par une misère pire que celle qu'il a fouie. Il s'attendait à ce qu'on lui réservât un accueil chaleureux. Il était surpris qu'on ne lui eût pas proposé des contrats de travail pour l'aider à faire évoluer son économie et son mode de vie, qu'on n'eût pas fait défiler les femmes devant lui pour qu'il en choisît une qui serait sa prévention contre une éventuelle expulsion. Son abnégation et ses bonnes intentions n'ont pas été payées en retour, ses hôtes lui ont échangé l'indifférence et l'ingratitude contre son cosmopolitisme et sa xénophilie. Sa disposition à être leur serviteur ne lui a pas épargné la marginalisation et la disgrâce, il a retrouvé son statut, celui dont il était persuadé de se défaire rien qu'en daignant les honorer par sa présence. Mais à sa grande déception, il a trouvé un enfer à la place du paradis qu'il s'est constitué avec son imagination défaillante, trop fantaisiste et paresseuse qui esquissait des miracles, qui caressait des solutions de facilité, il aime le farniente.
Là-bas « chez lui », cet immigré vit dans la misère, il mange un jour sur deux, et la nuit, son abri dépend des circonstances, quelquefois, il est bien logé dans un hôtel, parce qu'il vient de réussir un coup, et la plupart du temps, il se couvre de la nappe du ciel attendant le père Noël pour le libérer de sa misère, mais c'est la police qui vient souvent lui offrir son hospitalité là où vous savez, dans ses dortoirs de luxe. Il y est fréquemment conduit non pas seulement pour vagabondage mais aussi et surtout à cause de son activité illicite, le trafic de stupéfiants, il détruit des vies pour s'offrir la belle vie derrière laquelle il court sans jamais l'atteindre.
L'été pour lui c'est la saison de la récupération aussi bien physique que morale, c'est le moment de se venger contre la misère et soigner son image très endommagée, l'endroit idéal de ces réparations ou plutôt le seul où celles-ci sont possibles c'es bien sûr le pays. Alors, il s'achète une bagnole à la casse et quelques fringues « à la mode » avec les quelques sous qu'il a économisés, et c'est parti pour des vacances d'une semaine ou deux entre les plages et les boîtes de nuit avec de belles compagnies auxquelles il offre des invitations au pays de l'Eldorado où il prétend être maître. Le séjour prévu est souvent écourté, car tout l'argent de poche est dilapidé et même celui laissé de côté pour le billet du bateau est grignoté, alors il vend son portable, sa montre, sa gourmette d'or..., n'importe quoi, ou il échange les sièges, les roues et les accessoires de sa voiture contre d'autres plus vieux, et combien ils sont nombreux ! Et il perçoit une petite somme en guise d'appoint, ainsi il pourra rentrer « chez lui ». Après s'être bien amusé et bien bronzé, il sera prêt à affronter la misère, et supporter l'affront en portant la haire et le calice.

Les mystifiés
C'est là où se leurrent nos jeunes, ils sont abusés par ces mystificateurs, ils croient à ce paradis chimérique qu'on leur miroite à travers ces glaces brisées. Il y a ceux qui comme Saber sont fragilisés par le désespoir, ne voyant aucune issue à leur situation, d'autres, jeunes et moins jeunes, qui ont tout essayé depuis longtemps, mais ils n'ont fait qu'égrener les années de disette, et aigris par la pauvreté, ils ont décidé de tourner le dos à la Mecque et de diriger le regard vers le Nord, c'est leur seul espoir. La troisième catégorie enfin de ces jeunes fascinés par le modèle de Mokhtar est celle des adolescents, ceux qui, sans jamais rien tenter, veulent immigrer, ils refusent de vivre ici, ils se considèrent comme étant des Européens dans leur mentalité et leur manière de penser, eux qui n'ont jamais pensé étant donné qu'ils ont quitté l'école prématurément.
On peut trouver des excuses aux premiers, ils se sont investis sans recevoir la contre partie tant espérée, c'est-à-dire le travail, le garant de leur dignité d'êtres humains, le moyen de se frayer un chemin dans cette vie et remplir un rôle dans la société, le chômage les laisse sentir qu'ils sont de trop dans celle-ci, l'alternative alors pour eux c'est d'en chercher une autre qui saurait les accueillir et les prendre en charge. On peut également être compréhensifs à l'égard des seconds, les laissés-pour-compte, eux, ils n'ont pas le choix, ils ont perdu patience et ils sont persuadés qu'attendre encore ne leur serait pas salutaire, d'ailleurs, ils n'ont rien à perdre mais tout à gagner, car même si les dieux ne sont pas de leur côté et qu'ils ne parviennent pas à améliorer leur situation, ils auront quand même essayé, après tout, quelle différence y a-t-il entre la misère d'ici et celle d'ailleurs ? Peut-être que celle-ci serait plus clémente, et même dans le cas où elle serait pareille que la première ou pire, elle serait plus supportable, parce que ce serait une nouvelle expérience, on aurait à gérer notre misère avec d'autres manières, donc cela nous permettra au moins d'échapper à la routine et au stress, le salut serait dans la nouveauté. Quant à ces jeunes qui n'ont jamais travaillé, qui estiment que l'environnement où ils se trouvent ne leur convient pas et qu'ils doivent donc changer d'air, ils sont victimes pour la plupart de la passivité de leurs parents qui n'assument pas comme il se doit leur rôle de tuteurs en alternant conseils et sévérité pour les obliger à suivre une formation professionnelle, au contraire, certains parmi eux vont jusqu'à les encourager à partir et leur fournissent même l'argent nécessaire, ils veulent que leurs enfants deviennent des immigrés comme le parent ou le voisin, c'est une question de prestige.

Les rêves ensevelis
C'est ainsi que les victimes du chômage, de la misère et des ambitions démesurées se jettent dans la mer, espérant atteindre le rivage de la vie, mais c'est celui de la mort qui les accueille, ils sont ensevelis entre les rochers au fond de cette tombe que la chair humaine n'assouvit jamais. Ils ont pris un billet sans retour, le chômeur, le miséreux et l'ambitieux sont tous partis à jamais et leurs rêves avec, ces derniers sont dilués dans l'eau salée de la mer. Enfin , ils peuvent connaître la paix, plus de soucis pour l'avenir, puisqu'ils n'en ont plus, mais en mettant un terme à leurs blessures et à leurs souffrances, ils en ouvrent d'autres encore plus béantes et plus lancinantes : leurs familles auront à endurer un supplice pour toute la vie, ceux d'entre eux qui souffriront le plus sont les parents qui ont acheté la mort à leurs enfants avec leur propre argent, les regrets ne les quitteront plus jamais jusqu'au moment où ils les rejoindront, d'ici là, leur vie sera un vrai calvaire.


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