La ville de Bizerte a abrité récemment une journée d'information et de sensibilisation ayant pour thème « Equité de genre et prévention de la violence à l'encontre des femmes » un projet programme qui s'inscrit dans le cadre de la coopération entre l'Office National de la Famille et de la Population (ONFP) et le gouvernement espagnol, représenté par l'Agence Espagnole de Coopération Internationale (AECI). Il vise à contribuer aux efforts nationaux de consolidation et de promotion des droits des femmes en Tunisie ; et à promouvoir l'équité du genre au sein de la famille et de la société. Il a aussi pour objectif de contribuer à la prévention de la violence à l'égard des femmes ainsi qu'à la préparation des jeunes à une vie de couple plus respectueuse des droits de la personne humaine et de la dignité de l'autre.
C'est sur l'initiative du Dr.Larbi Naffati Directeur Régional de l'Office National de la Famille et de la Population en collaboration avec le Club de Presse de Bizerte que fut tenu ce symposium sur la violence envers les femmes avec la participation des représentants de la presse écrite et audio-visuelle et qui a été animé par des spécialistes de l'ONFP, à l'image de Mme Rebeh Cherif, Bouslama, Berhouma et particulièrement Nabila Hamza, Coordinatrice Nationale dudit programme, lesquelles ont contribué de manière assez judicieuse à la clarification de l'esprit et de la philosophie du programme, ainsi que les concepts de sa mise en œuvre.
L'ampleur du problème
En général, différents types de violence coexistent dans la même relation. Cependant, les études de prévalence sur la violence familiale sont relativement nouvelles et, on ne dispose pas encore de données pertinentes sur les divers types de violence exercée par un partenaire, sauf en ce qui concerne la violence physique. Mais là encore, les estimations de violence communiquées, dépendent beaucoup des définitions employées, de la façon dont les questions sont posées, du degré de confidentialité des entrevues et de la nature de la population étudiée. C'est pourquoi, on est enclin à penser que les différences entre les pays, sont davantage le résultat de différences dans l'approche méthodologique, que de réels écarts dans les taux de prévalence.
Un problème de santé publique
La violence à l'encontre des femmes est aussi un problème de santé publique, comme le signale l'Organisation Mondiale de la Santé. Depuis 2002, l'Europe considère la violence à l'égard des femmes comme une "urgence de santé publique et comme cause principale de mortalité et d'invalidité chez les femmes de 16 à 44 ans. De même la Banque Mondiale estime que la violence liée au sexe, est une cause de décès et d'invalidité, aussi importante que le cancer parmi les femmes en âge de procréer et une cause d'invalidité, plus importante que les accidents de la route et le paludisme réunis. Quant aux coûts de la violence entre partenaires intimes, ils atteignent aux USA par exemple, selon le Centre d'épidémiologie des Etats-Unis, plus de 5,8 milliards de dollars par an, dont 4,1 milliards de frais médicaux directs et indirects et 1,7 milliards, soit près du tiers, au titre de la baisse de productivité qui en résulte. Dans ces mêmes States un quart des femmes ayant accès aux urgences sont victimes de violences conjugales et un quart des femmes qui se suicident ont été victimes de la même origine de violence, à savoir la violence entre les époux En Algérie, les données recueillies dans un seul hôpital d'Alger font état de 9000 femmes battues qui se rendent chaque année à cet hôpital pour y faire soigner leurs blessures. Les trois quarts des agressions ont eu lieu au domicile de la victime, l'agresseur étant le plus souvent l'époux et les trois quarts des agresseurs n'ont jamais été condamnés, rendant la récidive quasi normale. C'est au vu de ces chiffres et devant l'ampleur du phénomène que le mouvement mondial des femmes et les instances nationales et internationales se sont mobilisés pour attirer l'attention sur cette question et prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la violence sexiste sous toutes ses formes.
En Tunisie, une femme sur trois est concernée par le problème.
En Tunisie, peu d'études globales et exhaustives existent sur la question. Le Ministère des Affaires de la Femme, de la Famille, de l'Enfance et des Personnes Agées (MAFFEPA), a dernièrement entrepris une enquête nationale sur la violence dans la famille et dans la société, mais les résultats ne sont pas encore publiés. Les données recueillies jusqu'à ce jour, sont soit le fait d'études médicales, intéressant des femmes venues consulter en première ligne de soins, soit le fait d'associations, disposant de centres d'écoute et d'orientation des femmes victimes de violence, comme l'Union Nationale des Femmes Tunisiennes (UNFT) ou l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), ce qui laisse supposer que toutes les femmes qui ne sont pas demandeuses de soins médicaux ou de conseils juridiques, ne sont pas comptabilisées. Ces données, quoique partielles et disparates, permettent cependant d'apporter une première estimation de la prévalence des principales formes de violence liées au sexe et plus particulièrement aux violences conjugales, au sein de la famille tunisienne. Une enquête portant sur 500 femmes venues consulter au Centre de Soins de Santé de Base CSSB (Belhadj et all. 1998) a révélé que 33% de ces femmes avaient été battues, au moins une fois dans leur vie par un partenaire intime (leur conjoint ou un autre membre masculin de la famille). Selon le Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme, on enregistrerait chaque année, depuis 1996, une moyenne de 6000 plaintes pour violence conjugale. Sur ces 6000 plaintes, moins de 20 (soit 0,3%) sont effectivement reçues devant les tribunaux, les autres étant le plus souvent retirées par la victime. Par ailleurs, une revue des expertises demandées au service de Médecine légale de Tunis, concernant des affaires de violence, a montré que sur 128 dossiers traités, 21% d'entre eux se rapportaient à des cas de violence conjugale, de même que sur 38 dossiers de femmes victimes de violence, 55% d'entre elles avaient été agressées par leur conjoint ou ex-conjoint. Par ailleurs, Mme. Nabila Hamza qui est chargée du pilotage de ce programme a développé l'axe central du projet et les différentes activités qui s'articulent autour dudit projet qui sera exécuté dans 10 gouvernorats de la Tunisie, à savoir le Grand Tunis (Tunis, Ariana, Ben Arous, et La Manouba), Monastir (Centre Est), Kasserine (Centre Ouest), Le Kef (Nord Ouest), Kairouan (Centre), Bizerte (Nord) et Gabès (Sud)