Le Temps-Agences - Une boutique de lingerie obligée par la police de cacher ses mannequins très peu vêtus, des avocates sommées par un juge de porter le voile au tribunal, des patrouilles de plage qui dispersent des groupes de célibataires... Avec sa "campagne de vertu" menée dans la Bande de Gaza, le Hamas utilise pour la première fois clairement la contrainte pour tenter d'imposer un mode de vie "islamique strict". Après s'être emparé du pouvoir par la force dans la Bande de Gaza en juin 2007, le Hamas avait promis de ne pas imposer par la force les valeurs islamiques dans le petit territoire palestinien. Mais les choses sont en train de changer, selon Khalil Abou Shammala, un militant des droits de l'Homme à Gaza. "Il y a des tentatives pour islamiser la société", explique-t-il. La "campagne de vertu" est diffusée par le ministère des Affaires religieuses et se présente comme une liste de recommandations reprise sur des posters et dans des sermons prononcés dans les mosquées. Elle prône la séparation des sexes dans les fêtes de mariage et demande aux adolescents d'éviter les chansons pop aux paroles suggestives. Gaza conserve de petits îlots de laïcité. Les étrangers sont rarement harcelés, et les femmes de Gaza portant des tenues et coiffures à la mode, dont beaucoup sont musulmanes, fréquentent une demi-douzaine de cafés et restaurants huppés. Reste qu'Abdel Raouf Halabi, le président de la Cour suprême de Gaza, a ordonné ce mois-ci aux femmes avocates de porter foulard et robe sombre, sous peine de ne pouvoir entrer dans les prétoires à compter du 1er septembre. "Nous ne permettrons pas que l'on porte atteinte aux bonnes moeurs", a-t-il justifié. Seulement 10 des quelque 150 avocates de Gaza sont concernées par cette injonction, ce qui montre au passage que les valeurs islamiques traditionnelles sont déjà très largement observées dans le territoire. L'une des dix, Subhiya Juma, dénonce une décision qui "nous enlève notre liberté personnelle". Mme Juma assure qu'elle ne portera pas le foulard et espère une réaction de l'opinion pour contraindre le Hamas à faire marche arrière. Dans les écoles publiques, le foulard est normalement facultatif. Mais un lycée fait du port de la robe et du voile une condition à l'inscription. Les enseignants sont désormais invités à faire pression sur les jeunes filles pour qu'elles s'habillent ainsi, reconnaît Khaled Radi, porte-parole du ministère de l'Education. Sur une plage, Mohammed Amta, 18 ans, raconte qu'un membre de la sécurité en civil lui a demandé de mettre une chemise, arguant que sa tenue était " incorrecte ", et aussi de retirer deux anneaux en argent et un bracelet, au motif qu'il s'agissait de symboles de la culture occidentale. Le mois dernier, trois jeunes hommes marchant sur une plage avec une amie ont rapporté avoir été battus par des policiers, arrêtés et contraints de signer des déclarations où ils s'engageaient à ne pas se livrer à des "activités immorales". Le gouvernement du Hamas a condamné les violences contre ces hommes. Mais il est resté silencieux lorsqu'un dirigeant du Hamas, Younis Astal, a accusé des camps d'été pour enfants gérés par l'ONU de répandre la toxicomanie et d'encourager un "comportement obscène" en enseignant la natation et la danse folklorique.