Une échéance économique importante pointe à l'horizon. C'est le démarrage de la campagne oléicole qui aura lieu probablement au début du mois de novembre prochain, c'est-à-dire dans seulement trois petits mois. Même si le commun des citoyens n'y prête guère, du moins pour le moment, une quelconque attention, pour toutes les parties prenantes au secteur oléicole et plus particulièrement pour l'économie nationale cette échéance est de la plus haute importance. D'autant plus d'ailleurs que les indicateurs annoncent une production à peine moyenne laissant ainsi la porte ouverte à diverses spéculations.
Il faut préciser d'abord que faute de données officielles, nous avons tenté de puiser nos informations auprès d'interlocuteurs divers et plus particulièrement auprès d'oléiculteurs, d'exportateurs et d'agriculteurs. Pour les premiers cités, ce n'est pas tant la modestie de la production qui les inquiète car leurs appréhensions s'expliquent essentiellement par le manque d'information quant à l'état et aux besoins du marché européen lors de la prochaine saison. C'est d'autant plus compréhensible qu'ils viennent de payer cher l'opacité sciemment créée par les importateurs italiens et espagnols de notre huile, qui ont réussi durant la saison écoulée à faire croire à leurs vis-à-vis tunisiens que les besoins du marché européen étaient par trop modestes alors que c'était le contraire, comme ils vont s'en rendre compte par la suite. « En effet, astreints aux échéances d'acquittement de leurs dettes contractées auprès des banques et soumis à des pressions de toutes sortes, les oléifacteurs et les exportateurs ont dû brader leurs stocks, sacrifiant le litre de l'huile extra vierge à 3,300 DT jusqu'à pratiquement la fin mai 2009 pour voir ce prix grimper progressivement à partir de cette période et atteindre actuellement, alors que 80 % de notre production a été déjà écoulée, un niveau raisonnable de 3.950 DT et de 4.000 DT. Or le coût du litre de cette qualité était déjà revenu à 3,800 DT ou même à 4.000 DT. Donc la marchandise était vendue à perte. Mais nous n'avions pas le choix car sinon, la crise dans laquelle se débattent les oléiculteurs et les exportateurs aurait empiré. Tout ceci à cause du manque d'information qui a provoqué une certaine fébrilité qui explique la hâte avec laquelle nous avons voulu nous débarrasser de nos stocks. » se plaignent nos interlocuteurs assez dépités.
Privilège du contingent « Heureusement, poursuit l'un d'entre eux, que l'ONH s'est finalement manifesté pour nous faire bénéficier du privilège du contingent. Même si sa réaction est tardive et même si nous avions déjà bradé aux environs de 80% de nos stocks, il n'empêche que l'initiative est à apprécier à sa juste valeur. Nous sommes ravis que cette institution nationale a joué pleinement son rôle, celui de servir les intérêts du pays. Vu que l'Office ne parvient même plus, depuis quelques années, à exporter le quart ni parfois même le cinquième du contingent convenu avec l'Union Européenne, il était inadmissible de ne pas faire profiter les exportateurs de cette opportunité et de priver le pays de substancielles entrées de devises. D'ailleurs, nous attendons de l'ONH de reprendre son rôle, le vrai , celui de régulateur du marché national et de partenaire du secteur privé pour servir les intérêts économiques nationaux. Mais le problème, c'est que nous ignorons si ladite initiative est conjoncturelle ou bien si elle augure d'une nouvelle ligne de conduite de l'Office qui demeure le seul garant contre les soubresauts des marchés extérieurs. Les exportateurs tunisiens n'ont, en effet, ni le poids, ni l'envergure nécessaires pour faire face aux géants mondiaux du marché oléicole .»
Une production très moyenne Les prévisions , non officielles, situent la prochaine récolte entre 100 et 120 mille tonnes d'huile, en dépit d'une floraison très prometteuse qui laissait entrevoir une production abondante, malheureusement revue à la baisse en raison d'accidents climatiques divers, sous forme de réchauffement, de refroidissement ou de lessivage lors des chutes diurnes de pluies. Selon les agriculteurs et les professionnels du secteur, ce cycle de floraison est très délicat donc, très sensible aux aléas climatiques. Pour ce qui est de la récolte en cours, les perturbations climatiques, en dépit d'une pluviométrie très favorable dans l'ensemble des pays, ont eu des répercussions imprévisibles sur la fécondation des fleurs, ce qui fait qu'à la nouaison (début de la formation des fruits ), on s'est rendu compte que la récolte n'a pas tenu la promesse des fleurs.
Il reste cependant à espérer, selon nos interlocuteurs parmi les agriculteurs et les oléifacteurs, que la récolte connaisse une amélioration sensible au cas où les fruits donnaient un rendement maximal. A ce propos, un oléifacteur, nous a assuré qu'il y a quelques années, le rendement a atteint les 42%, information mise quand même en doute par d'autres professionnels.
Paradoxalement, ce qui devait en principe faire le bonheur des oléifacteurs et des exportateurs, semble être plutôt une source d'inquiétude pour eux dans la mesure où cela leur fait redouter les répercussions d'une probable surenchère lors de l'achat de la récolte sur pied ( khdara) sur les prix de revient ce qui risquerait de constituer un handicap à l'exportation et les exposerait, selon leurs dires, à de nouveaux déficits
Concernant la demande extérieure, on prévoit un accroissement sensible lors des prochains jours qui pourrait propulser le prix du litre à 5.000DT , un tendance appelée à se poursuivre quelques semaines après le démarrage de la cueillette. Ce phénomène s'explique par le fait que les stocks disponibles n'arrivent pas à couvrir les besoins du marché européen demandeur, lors des trois mois et demi qui nous séparent du vrai démarrage de la prochaine saison oléicole. A cette période faste succéderait un rétrécissement prévisible de la demande accompagné des traditionnelles manœuvres destinées à créer le marasme des ventes et à exercer les sempiternelles pressions sur les exportateurs tunisiens.
Le bonheur des uns S'il est vrai que la modestie de la récolte va probablement profiter aux agriculteurs, ce qui est réjouissant en soi, car il s'agit du maillon faible mais vital du circuit de production, ce sont par contre les consommateurs qui risqueraient d'avoir de mauvaises surprises. Les professionnels prédisent en effet une augmentation sensible des prix sur le marché intérieur. Déjà le prix du litre se situe entre 3.800 DT et 4.000 DT ce qui augure d'une hausse plus nette concernant la prochaine production.