Jusqu'à quelques semaines en arrière, le tourisme tunisien déplorait un " manque de visibilité ". Formule qui revenait assez souvent et, d'ailleurs, Khélil Laâjimi, ministre du Tourisme, l'avait fait bien noter décembre dernier à l'intention des élus du peuple. Face à une crise retentissante, il n'y a, d'ailleurs, pas que le tourisme qui ait manqué de visibilité. Tous les secteurs, l'automobile en premier, sombraient l'un après l'autre tant et si mal que les fondements de l'économie libérale s'en retrouvaient fragilisés et carrément remis en question par la tentation dirigiste, c'est-à-dire, le retour à l'Etat, et le retour à l'économie dirigiste et, pourquoi pas !, le retour des nationalisations.
Nos vices propres Chez nous, on s'est quelque peu emmêlé les pinceaux. On sait que bien des hôteliers ont en commun avec les agriculteurs, la capacité à s'endetter lourdement. On sait aussi que des unités, des stations (Hammamet Sud ?) s'avèrent contre-fructueuses parce que mal conçues et confiées imprudemment aux bons soins d'amateurs du secteur. On sait, par ailleurs, que les hôteliers ne font pas front commun et refusent systématiquement toute notion de groupement d'intérêts. Et, d'ailleurs, il a fallu actionner deux " Jurassik Park " du tourisme à Djerba, pour que les hôtels au sein de l'île des rêves obéissent aux gradations inhérentes à l'unification des prix selon les étoiles, ce qui en impose aux Tour-opérateurs, prédateurs de la surenchère, architectes indirects du bradage des prix, jouant sur les divisions des hôteliers et finissant par attiser les conflits d'intérêts.
Lits en stocks ? Or, mine de rien, le tourisme tunisien c'est, quand même, 200 mille lits. Avec leur diversité, leurs offres variées, leurs défauts et leur volatilité, aussi. Et là, on revient à cette affaire de " manque de visibilité " : on réserve sept mois à l'avance. S'il y a désistement, réaffecter un lit devient chose difficile en ce sens que cela ne se stocke pas. Un lit qu'on décommande est condamné, tel un produit avarié. C'est sur ce flottement (du reste mondial) que jouent les Tour- opérateurs. Et c'est ainsi que ces derniers sont les principaux bénéficiaires de la crise. Sur les 270 milliards d'euros de recettes touristiques mondiales prévues pour l'année 2009, les T.O se taillent le 1/3, ce qui les fait passer de statut de courtiers à celui d'associés occultes dans les unités hôtelières.
Rebond Hasard, chance et savoir-faire (sans doute) ont fait que ce manque de visibilité s'est traduit par un surplus de près de 4% des recettes touristiques en Tunisie alors que le Maroc (notre rival direct) accuse -30% est que l'Egypte (autre rival direct) en accuse -20%. Quant à la Turquie, le Bosphore mythiquement calme, annonce des eaux troubles et le refus de l'Europe de lui ouvrir les portes de l'Union s'est traduit par un malaise touristique, une espèce de retenue. Sur le front européen, les choses ne sont guère meilleures, avec un recul important en France et la renonciation des Européens aux vacances.
Et la communication ? Si tout baigne dans l'huile et que le tourisme tunisien se redécouvre une miraculeuse visibilité, comment se fait-il que cette "visibilité" justement soit brouillée "travestie" et à connotations réductrices sur les chaînes françaises, par exemple? Le récent reportage de France 2, faisant suite à un autre sur M6, a l'air de tout sauf d'une action promotionnelle. Une équipe de France 2 "Envoyé spécial" fait un reportage sur le séjour touristique d'une famille française en Tunisie. Les institutions concernées, tourisme, ATCE, sont parties prenantes. Mais les responsables de France 2 demandent à ce que le reportage soit refait . D'accord disent nos responsables.
Reportages commandités? Or, comme d'habitude, France 2 et "Envoyé spécial" chaîne notoirement "gouvernée" par un certain lobby, n'y est pas allée de main morte : commentaires, sommaires de ce que le mot "sécurité" en Tunisie puisse vouloir dire même si l'une des touristes a bien précisé qu'elle avait choisi la Tunisie, précisément pour la sécurité qui y règne. Une bonne dose de mauvaise foi empruntée à M6 lorsqu'on montre des cafards dans des chambres et des égouts d'un hôtel déversant dans la mer et qui remontent à deux années en arrière parce que ledit hôtel avait été entre temps fermé et rénové. Qui fait quoi? On a beau dire que Marocains et Egyptiens consentent de l'argent cash pour promouvoir leurs produits et leur politique. C'est de bonne guerre et on ne peut pas le leur reprocher Pour nous la chose se présente avec autrement plus d'activité. Ce n'est pas la promotion par le fait d'un "back ground" personnel, mais le fait d'institutions et de structures. S'il faut que nous financions un reportage, eh bien, que les organismes chargés de vendre l'image de la Tunisie y veillent et que nos diplomates intègrent la donne économique. Faire en sorte que des reporters se démènent en long et en large chez nous pour stigmatiser ce que nous avons de bon, eh bien, cela donne un coup de cafard.