Par Kamel BOUAOUINA - Le phénomène des ventes de dernière minute plus connu sous le nom de last minute n'est pas prêt de s'estomper avec la crise. Ces VDM sont intégrées dans l'industrie touristique. Les tour-opérateurs lancent leurs soldes. Ils seront peu nombreux, les producteurs à suivre l'exemple des « grands ». Ils veulent croire à un regain d'activité en toute dernière minute surtout qu'ils disposent encore de stocks invendus et de nombreuses bonnes affaires sont encore disponibles jusqu'à la toute dernière minute pour sauver la destination Tunisie cet été. Les ventes de dernière minute (VDM) se multiplient. Les soldes et les promotions se développent sur la Tunisie. Ils sont favorisés par une surabondance de disponibilités hôtelières et aériennes. Ce last minute gagne la Tunisie. Ainsi, on trouvera un séjour de 7 nuits en all inclusive à Djerba à -42% (359€) à Hammamet à -21% (399euros). Les voyagistes offrent, pour toute réservation estivale, des réductions de 5% à 15%, cumulables avec les autres avantages, soit une remise finale pouvant s'élever jusqu'à 20%. Selon un sondage effectué par IPSOS « l'incertitude liée à la crise incite près d'une personne sur trois (31%) à réserver plus tard que d'habitude, voire à la dernière minute. 16% des Français réserveront à la dernière minute en fonction des promotions et 15% le feront plus tard que d'habitude. Le touriste change de comportement. Il donne la priorité aux promotions et aux réservations opportunistes. Il ressent les effets de la crise sur son pouvoir d'achat. Il choisit sa destination en fonction de sa bourse et surtout du prix. Il attend ces ventes last minute pour partir. ! La Tunisie reste la destination reine pour ces adeptes des Ventes de dernière minute. Ses atouts : sa proximité, ses tarifs très compétitifs et son produit proposé attirent beaucoup de touristes. Ces Ventes de dernière minute (VDM) sont alimentées quotidiennement par des stocks rapidement périssables, des coûts fixes importants et des entreprises fragiles ayant besoin de vendre leurs disponibilités même au rabais. Ce last minute ne touche pas uniquement l'hôtellerie, le transport aérien aussi. Des vols secs à bas produits sont proposés sur toutes les destinations. Les soldes et les promotions se développent actuellement avec la crise. Ils sont favorisés par une surabondance de disponibilités hôtelières et aériennes. Bref Les offres de dernière minute sont un excellent moyen de s'offrir des vacances de rêve, sans se ruiner pour autant. Mais attention une destination last minute ne doit pas se vendre en low-cost car ceci peut se répercuter négativement sur les prestations hôtelières et c'est le cercle infernal : petit prix, mauvais service, réclamations.
Carole Pellicer, Directrice générale du TO Plein Vent Voyages « La crise accentue le phénomène de réservation de dernière minute » Economia : comment se présente le booking sur la Tunisie pour les prochaines vacances scolaires ? Carole Pellicer : Correctement mais pas du tout comme les autres années car nous avons encore beaucoup de disponibilités Comment s'annonce avril pour Plein Vent? Très moyen car les stocks aériens du groupe FRAM auquel nous appartenons ont été réduits considérablement. Pourquoi cette réticence vis-à-vis de la Tunisie ? Actuellement il y a la crise en France, les périodes d'élections qui se rapprochent, encore un amalgame sur les destinations du Maghreb (le Maroc souffre aussi) et enfin une forte concurrence de l'Espagne avec ses îles Ténériffe et Palma et aussi de la Grèce surtout sur la Crête et Corfou. Enfin la campagne de communication de l'office de tourisme vient à peine de commencer, il faut attendre les retours. Doit-on nous attendre à des ventes de dernière minute? Oui certainement. La faute à la crise bien sûr, qui semble en plus fortement accentuer le phénomène de réservation de dernière minute. Que faire pour booster la destination? Continuer la communication par le biais de campagnes presse, de campagne TV, rassurer les clients sur le calme de la Tunisie et retrouver les mots simples : amitié, soleil, mer, accueil etc… pour faire venir les clients.
Walid Hnid, Happy Days Travel Agency « Le net a largement contribué à ce last minute » Economia : qu'est-ce qui explique selon vous l'engouement des vacanciers pour les ventes de dernière minute ? Walid Hnid : le client préfère les réservations last minute car il est tenté par des destinations pas chers. En cette période difficile, les TO qui ne remplissent pas leurs charters n'ont qu'un choix : faire des promotions pour rentabiliser leur siège avion Est-ce que le facteur prix influe beaucoup ? Le manque de temps, la mobilité, les agences de voyages en ligne, les conditions économiques incertaines et les offres alléchantes des entreprises touristiques elles-mêmes expliquent en grande partie le renforcement de cette tendance. L'offre des promotions de dernière minute étant devenue imposante, les gens attendent pour profiter de ces bas tarifs. Le prix est un outil de vente, il permet de segmenter et de cibler différents marchés. Les clients influencés par le prix sont plutôt indifférents à réserver tôt. Ils attendent les bons moments pour se décider Pensez-vous que le net a contribué à ces VDM ? Pour écouler les ventes de dernière minute, la technologie Internet se perfectionne à toute vitesse. Les ventes en ligne progressent. Le phénomène gagne en popularité et occupe une place grandissante sur le net. Les agences en ligne ont leur section«dernière minute», tout comme certains hôtels et certaines compagnies aériennes. Ainsi les sites qui favorisent les ventes de dernière minute ont beaucoup de succès Quel est le profil de la clientèle Last minute ? C'est une clientèle qui n'a pas un gros budget et qui cherche des vacances pas chères et le plus souvent des hôtels en all inclusive.
Lotfi Mansour, Directeur du Magazine Le Tourisme Le last minute est le résultat d'une mauvaise gestion Qu'est-ce qui explique selon vous l'engouement des vacanciers pour les ventes de dernière minute ? En fait, c'est d'un engouement pour le prix bas qu'il s'agit. Le prix est devenu le premier critère de choix, tant pour les séjours privés que professionnels. Une récente étude du cabinet Coach Omnium montrait qu'en France, par exemple, le prix est le premier critère de choix des hôtels pour 74% des clients. En 2005, cette proportion n'était que de 26% pour les clients d'affaires et 39% pour les clients de loisirs. Cet engouement se trouve amplifié pour deux raisons communes à beaucoup de secteurs, à savoir la crise économique et le développement d'internet. Il y a une troisième raison propre au secteur du tourisme : la structure des coûts des entreprises est dominée (jusqu'à 90%) par les charges fixes. En effet, qu'il s'agisse d'hôtels, de tours operateurs ou même de compagnies aériennes, les charges fixes des entreprises touristiques représentent la plus grande part des coûts. Ce sont là des coûts (personnel, entretien…) qu'ils doivent payer, qu'ils aient ou non des clients. Pour cette raison, ces services sont gérés comme des produits périssables. Par le Yield management, les entreprises du tourisme et de service en général ont toujours cherché à maximiser les recettes pendant les périodes de grande fréquentation, comme ils ont toujours pratiqué le « déstockage » de dernière minute dans lequel le service est cédé au prix du coût marginal. Internet, avec notamment les comparateurs de prix, a amplifié ce phénomène en permettant le déstockage instantané et en mettant à la disposition des clients des milliers de prix. La crise économique, enfin, a rendu les clients encore plus sensibles au prix et les pousse donc à rechercher ces fameuses ventes de dernière minute (ou last minute booking) ; même si cette sensibilité n'est pas la même pour tous les marchés. Pourquoi alors n'a-t-on pas de ventes de dernière minute pour les Tunisiens de la part de nos hôteliers ? C'est une excellente question qui va me permettre, j'espère, de dissiper un malentendu avec les clients tunisiens. Il faut pour cela expliquer la naissance des ventes de dernière minute (VDM).S'il n'y a pas de VDM pour les Tunisiens, c'est parce que la plupart de nos hôtels ne pratiquent pas le Yield management, ou au moins une politique commerciale active. A la place, nous avons une sorte de commercialisation passive qui consiste à confier tout le stock à des tours operateurs. C'est le tour operateur qui gère ce stock, tout en laissant le risque d'invendus pour le seul hôtelier tunisien. Le TO, quant à lui, prend à sa charge le risque de l'aérien (quand il ne le partage pas avec les hôteliers à travers des accords de « partage de risque »,comme celui signé début mars par nos hôteliers et agents de voyages). Il faut dire que l'hôtelier essaye quand même de prendre quelques précautions contre les invendus en survendant l'hôtel, c'est-à-dire en signant des contrats d'allotement pour une capacité supérieure de deux ou trois fois à sa capacité réelle (d'où les problèmes de surbooking que l'hôtelier résout par des« délogements »). Au début – c'est-à-dire il y a bien longtemps – le TO négociait avec l'hôtelier un délai de rétrocession (généralement 2 ou 3 semaines) avant lequel il remettait sans frais les lits invendus à la disposition de l'hôtel. Jusqu'il y a quelques années, ce système fonctionnait bon an mal an. Cependant, au fil des années, on a vu les délais de rétrocession diminuer pour devenir nuls : les TO voulaient continuer à vendre jusqu'à J-1 et J-0. De plus, ces mêmes TO ce sont mis à appeler leurs partenaires hôteliers avant la fin de la période rétrocession pour leur tenir à peu près ce discours : « Ecoute, tu sais que je t'aime beaucoup et que je fais de mon mieux pour remplir ton hôtel, mais au prix actuel le marché ne répond pas. Je te propose d'accorder une promotion de 20% pour faire bouger les choses… ».C'est par ce type de réactions à une baisse de la demande que les TO ont inventé les VDM qui, d'année en année, sont devenues la règle. Ils essaient aujourd'hui de lutter contre ce phénomène en donnant des primes pour les réservations précoces (early booking) ! En somme, les TO ont inventé le bâton avec lequel ils sont aujourd'hui frappés. En résumé, sauf crise exceptionnelle, les ventes massives de dernière minute sont le signe d'une mauvaise gestion des allotements notamment aériens de la part des TO. Il suffit que les TO se retrouvent avec un grand nombre de sièges avion vides pour qu'ils demandent des remises aux hôteliers et lancent les VDM. A l'inverse, on rencontre aussi le cas où les TO prennent peur à propos d'une destination et diminuent leur programmation aérienne à un niveau qui s'avère inférieur à celui de la demande : ce fut le cas sur la Tunisie l'été dernier.Enfin, on doit aussi citer le cas de certains TO qui ont inventé les fausses VDM. Cela consiste à « retenir » des ventes déjà réalisées, à J-30 par exemple, en ne les signalant pas à l'hôtelier, pour le mettre sous tension. Puis à appeler à J-5 et arguer de l'absence de réservation pour obtenir une remise sur le prix convenu, sous prétexte de« faire bouger le marché ». Une fois cette remise obtenue, le TO envoie des réservations qu'il avait vendues au prix fort. Dans ces conditions, pourquoi les hôteliers tunisiens ne révisent-ils pas leurs politiques commerciales en confiant leurs stocks à des agences locales, de la même manière qu'avec les TO étrangers ? Je vous dirai que certains le font, avec une ou deux agences tunisiennes qui se sont investies sur le créneau du marché local et qui agissent en tant que TO. Si le nombre de ces agences est réduit, c'est tout simplement que le marché local pour des séjours en hôtels est également réduit. Contrairement au discours démagogique tenu par les hommes politiques, le marché local n'est qu'un marché de moyenne importance pour le type d'hôtellerie existant. C'est-à-dire que même dans l'hypothèse où il se développera dans l'avenir, il ne représentera au mieux que 15% des nuitées environ au lieu de 8% ces dernières années (en France, ce chiffre est de 10%). Et pour atteindre ce chiffre, il faudrait l'adoption d'une véritable stratégie de promotion de la part des décideurs du secteur. L'autre voie de développement du tourisme local est bien entendu l'émergence d'autres types d'hébergement plus adaptés au Tunisien, tant par le prix que par les prestations. En l'état actuel des choses, il serait irresponsable de la part d'un hôtelier de bâtir sa stratégie commerciale sur un marché qui ne lui assurera que 10% ou 15% de son remplissage. Revenons encore aux VDM. Vu les pratiques que vous citez de la part de certains TO, pensez-vous que la vente directe sur Internet est plus transparente ? Malheureusement non. Le plus grand site de vente de séjours sur internet, Expedia pour ne pas le citer, est accusé de détournement de clients au profit d'hôtels appartenant à son groupe. Par ailleurs, on relève certains abus avec les commentaires de voyageurs : ça va des faux témoignages dithyrambiques, déposés par l'hôtelier lui-même sous un faux nom, à l'opinion assassine déposée anonymement par un concurrent. Ce qui change vraiment, c'est qu'internet est devenu nécessaire à la commercialisation des hôtels parce qu'il y a de plus en plus de consommateurs qui veulent composer eux-mêmes leurs voyages. Ils achètent souvent le billet d'avion chez une compagnie low-cost, et l'hôtel sur un site de réservation. Nos hôtels intègrent bien cette nouvelle donne et certains parmi eux ont déjà diminué la part des TO dans leur chiffre d'affaires. Cette tendance de rééquilibrage de la commercialisation doit se confirmer avec l'autorisation des low-cost en Tunisie. sihem