Au dixième jour du mois saint, nous pouvons dire que les bourses tunisiennes résistent encore bien au flux des dépenses que cette période de l'année occasionne. Sans oublier par ailleurs que beaucoup de familles voient loin et font déjà les achats de l'Aïd profitant ainsi des soldes d'été qui se poursuivront jusqu'à la mi-septembre. D'autres parents encore plus prévoyants ont commencé à approvisionner les cartables de leurs enfants en petites fournitures scolaires disponibles à très bon prix sur les étals du marché parallèle. Mais comme chacun sait, ce sont les denrées alimentaires qui grèvent le plus les budgets familiaux pendant Ramadan. Nous nous sommes pointé dimanche dernier aux portes du marché central de Tunis et avons sondé les opinions sur le coût de la consommation durant ces dix derniers jours.
Des indices révélateurs M. El Kamel (fonctionnaire à la retraite) considère que cela se passe plutôt bien pour lui, surtout qu'il n'a plus d'enfants à sa charge. " Mais la plupart des Tunisiens arrivent chaque année à s'en sortir sans trop de dégâts. Le niveau de vie s'est beaucoup amélioré dans le pays et l'on n'entend plus de gens qui meurent de faim. D'autre part, si chaque famille gère bien son budget, elle n'aura pas à vivre des fins de mois difficiles. Cela dit, le Tunisien se débrouille toujours tant bien que mal pour joindre les deux bouts. ". M. et Mme Chérif se demandent quant à eux si le nombre impressionnant de clients que l'on voit au marché et dans les rues marchandes voisines n'est pas un bon indice sur la résistance des budgets familiaux aux multiples dépenses de l'été, de Ramadan et de la rentrée : " Les festivals, les veillées en banlieue, les baignades, les soirées ramadanesques sur les terrasses de l'avenue, tous ces loisirs et bien d'autres occasionnent des dépenses plus ou moins considérables selon le niveau social des gens qui en profitent. Que ces derniers parviennent à supporter le coût de leurs sorties estivales, cela dénote un bien-être certain même quand il reste relatif. Cependant, nous n'en sommes qu'à la première dizaine de Ramadan et les salaires ne sont pas encore totalement épuisés. Le plus dur reste à faire pour les familles moyennes qui risquent de s'endetter pour terminer le mois et s'acquitter des achats de l'Aïd et de la rentrée des classes. "
Sacrifices et solidarité Mohamed El Hédi, Naji, Tijani et Slaheddine, tous fonctionnaires, pensent pouvoir s'en sortir sans trop de difficultés dans la mesure où les prochaines mensualités seront versées avant la rentrée et l'Aïd. " Mais auparavant, il faut honorer la facture d'électricité et celle du téléphone que nous venons de recevoir. En ce qui nous concerne, nous ne dépensons au mois de Ramadan que juste ce qu'il faut ; mais ce sont les enfants qui nous coûtent de plus en plus cher avec leurs demandes d'argent trop fréquentes. C'est dur de toujours les satisfaire mais nous consentons, nous autres parents, beaucoup de sacrifices pour ne pas les frustrer non plus ! ". Mme Jamila travaille dans une entreprise privée, elle est divorcée et mère d'une fillette de dix ans. Le mois de Ramadan, elle le passe chez ses parents qui lui épargnent beaucoup de dépenses. " Je pense aux mères de famille qui n'ont pas cette chance et qui ne gagnent pas mon salaire. Celles-là passent mal leur année entière et pas seulement les premiers jours de Ramadan. Heureusement que la solidarité existe encore entre Tunisiens. Sans cela, les familles à revenus faibles ne s'en sortiraient jamais à moins de tomber dans la délinquance ou la criminalité."
La bonne gestion du budget M.Tahar et son épouse sont de cet avis mais ils recommandent aux parents d'observer beaucoup de mesure dans leurs dépenses notamment si leurs revenus respectifs n'autorisent aucun excès dans les achats de Ramadan. " Mais autour de nous, les gens mangent à leur faim et s'habillent décemment. " Au même instant, un jeune mendiant leur tend la main et leur demande le prix de son pain. M.Tahar lui file alors une petite pièce de monnaie et ajoute : " c'est dommage que des personnes aussi vigoureuses préfèrent la mendicité à un travail digne. Si ce jeune homme cherche bien, il en trouvera à coup sûr. Mais pour revenir à notre sujet, Ramadan ou pas Ramadan, il n'y a pas mieux que la bonne gestion du budget pour affronter la cherté de la vie. Nous deux, nous gagnons bien notre vie. Mais est-ce le cas de tout le monde ? "