Comme nous l'annoncions dans notre édition d'hier, le quart de la population tunisienne est allé en classe. Partout, ce fut une journée de fête, et nos enfants, nos adolescents et nos universitaires y sont allés un peu la peur au ventre (sensation inévitable à chaque rentrée), mais avec une bonne dose d'optimisme et même d'allégresse. Cette année est marquée par des nouveautés dont nous avons déjà fait état. A tous les paliers, il s'agit de la réhabilitation de certaines normes basiques pour éviter les dérapages scolaires, des règles prudentielles pour que l'école puisse s'assumer en tant qu'école de civisme d'abord et, enfin, des règles de rigueur avec le retour à la note, au bon vieux carnet (ou bulletin), seul critère scientifique de passage et en même temps baromètre du mérite des uns et des autres ainsi que de leurs insuffisances. Il est clair que les évaluations adoptées jusque-là pour le passage en classe se sont avérées plutôt irrationnelle parce qu'elles charrient beaucoup de subjectivité. Mais ce retour à la note – épouvantail pour les élèves – devrait être tempéré. La note doit être réhumanisée, en somme. Et c'est là que les enseignants sont appelés à juger et à noter en leur âme et conscience. On sait que le fléau des heures supplémentaires a faussé la donne et institué une espèce de "savoir parallèle" et donc illicite quoique utile. Le fléau a existé depuis toujours. Depuis les premières années de l'enseignement en Tunisie. Il est néanmoins allé en s'amplifiant, gonflant à vue d'œil pour finalement verser dans le clientélisme. On le sait: un prof du secondaire, un maître du primaire et, même un enseignant universitaire, ne roulent pas sur l'or. Beaucoup (pour la plupart dans les matières jugées difficiles maths par exemple) font donc commerce de leur savoir. En dehors de la classe c'est illégal. Mais au fond c'est légitime si cela apporte un plus. Mais quand cela remplace ce qui doit être fait en classe, cela devient une supercherie. Et c'est ainsi que la mesure décrétée, autorisant les heures supplémentaires selon un quota déclaré et moyennant un suivi vigoureux du processus, apporte déjà un début de solution. Un brin de transparence faisant, entre autres, la part des choses. Il est normal que la quête de l'excellence se traduise par une certaine frénésie dans le système. Mais ce qui est sûr c'est que les déchets scolaires ont presque disparu et que la nouvelle approche (le passage de classe, l'orientation au secondaire qui doit réellement préfigurer l'orientation au supérieur). En soi c'est un gros chantier car le projet vers lequel tend le pays est clair: du primaire jusqu'au supérieur l'élève doit d'abord être prédestiné pour faire des études lui assurant le maximum de chance de réussite. De réforme en réforme le système scolaire se réfléchit et se remet en question. A terme la réussite et surtout l'emploi. Au demeurant, la Tunisie pays du savoir, qui exporte des cerveaux, qui souffre même de la fuite des cerveaux, a pour souci majeur la constante tenant à la sacralité de l'enseignement dans sa gratuité et son aspect obligatoire. Maintenant, plutôt que de parler de dualité public/privé, utilisons le mot "complémentarité". Et que les maximalistes ne se fatiguent pas à débiter le syndrome des classes: l'enseignement public reste l'élément fédérateur. L'enseignement comme le disait "Taha Hussein" est comme l'eau et l'air, pour justifier l'accès des pauvres à l'école du temps des Pachas. Sarcastiques, les bourgeois l'ont surnommé "ministre de l'eau et de l'air". Et d'ailleurs, on en subit les conséquences indirectes en Egypte (cf. pages blogs): les crèches sont ouvertes, les écoles publiques fermées à cause de la grippe A. Chez nous ce n'est pas le cas. Car l'enseignement est comme un moulin: on y apporte de l'eau et il tourne avec le vent et, donc, l'air.