Le rapport du programme des nations unis pour le développement 2009 a été révélé hier à Tunis en présence de représentants diplomatiques et du représentant du PNUD en Tunisie, Mr Mohamed Bel Houcine. Cette année, le rapport s'est intéressé à une question cruciale qui a marqué la société civile et les gouvernements ces dernières années, la mobilité humaine, autrement dit, la migration. Le sujet de recherche 2009 est au cœur de l'actualité. Plusieurs gouvernements votent des lois visant à limiter la migration voire l'éradiquer. Des lois trop restrictives, jugées parfois contraires aux Droits de l'Homme, semblent des solutions désespérées à la migration massive que vivent les pays de destination majoritairement développés. La part des déplacements des populations dans le monde n'a pas augmenté, mais c'est la répartition et les indices qui ont changé. Le rapport lève le voile sur les vraies données humaines relatives à la migration et les schémas migratoires et révèle ses propositions pour mieux gérer le processus de migration dans le respect du droit de l'homme de choisir son lieu de vie et d'améliorer son niveau de vie.
Le rapport s'est intéressé de très prêt à la question et a adopté une approche sous l'angle du développement humain. L'étude révèle que contrairement aux idées reçues, la plupart des déplacements qui se font dans le monde sont à l'intérieur des frontières du pays. Sur environ 1 milliard de migrants, 740 millions se déplacent à l'intérieur des frontières, soit près de quatre fois celui des migrants internationaux. Concernant les migrants internationaux, le rapport dément la fausse idée sur les pays de destination. En effet, seulement moins de 70 millions de personnes quittent un pays en développement pour un pays développé, la majorité (200 millions) se déplaçant d'un pays en développement vers un autre. A la recherche d'un meilleur travail et plus de revenus ou désireux de garantir un meilleur avenir à leurs enfants, les migrants ont toujours la motivation pour partir. Avec l'inégalité des richesses, le faible développement des infrastructures d'éducation et de santé, les raisons sont multiples. Plus de 3/4 des migrants internationaux se rendent dans un pays dont le niveau de développement humain est plus élevé que celui de leur pays d'origine. Quant aux personnes fuyant l'insécurité ou les conflits, elles représentent 7% des migrants dans le monde.
Portes fermées pour les non qualifiés Choisir un pays pour y vivre et s'installer ne dépend pas que de la volonté du migrant. Migrer exige des moyens financiers importants d'un coté et une ouverture de la politique du pays de destination. Les habitants des pays pauvres sont les moins mobiles : seulement 1% des Africains ont émigré en Europe. Bien que les tendances démographiques tels que le vieillissement de la population des pays développés et l'augmentation des opportunités de travail, les flux migratoires n'augmentent pas en conséquence. Les raisons avancées par le rapport pointent les barrières érigées par les gouvernements avec la politique restrictive et les conditions insurmontables. Les personnes les plus concernées sont les moins qualifiées donc sujettes au bon vouloir du gouvernement. En effet, les travailleurs temporaires et illégaux n'ont pas de statut et sont souvent empêchés de s'installer avec leur famille, tandis que les travailleurs qualifiés sont invités à s'installer avec leur famille et évoluer. De plus, de nombreux migrants subissent des désavantages systémiques par rapport aux résidents de souches comme l'impossibilité d'accéder aux services locaux. Selon le rapport, le nombre de personnes vivant et travaillant en situation irrégulière à l'étranger est estimé à 50 millions. Si certains pays comme le Canada ou la Nouvelle-Zélande ont trouvé une programmation de migration adéquate, d'autres comme les Etats-Unis tolèrent la présence de travailleurs illégaux sans pour autant régulariser leur situation. Au banc des accusés, les préjugés selon lesquels les migrants occupent les postes des travailleurs locaux et augmentent les charges sociales. On dit souvent que les migrants sont liés à l'augmentation de la criminalité et aux problèmes d'intégration. Le rapport réajuste cette vision et montre que la migration n'a pas l'effet négatif qu'on lui prête.
Effets positifs Selon le rapport, les migrants stimulent l'économie et ce, à coût nul pour la région d'accueil. Ils peuvent s'intégrer facilement en acquérant la langue et les compétences nécessaires. De plus les pays de destination récoltent en moyenne 20%des gains de la migration. Mais ce sont les pays d'origine qui bénéficient le plus de la migration de ses ressortissants. La migration a pour effet d'augmenter les revenus et stimuler la consommation et le transfert de fonds, de connaissance et de d'idées. A long terme, on parle de fuite des compétences qui peuvent apporter gros à leur pays. Le rapport signale toutefois qu'on ne peut pas porter la responsabilité de la fuite des travailleurs qualifiés aux travailleurs eux même. Le bas niveau des salaires, le caractère inapproprié des financements et la faiblesse des institutions jouent un rôle. La migration ne peut bien entendu se substituer à une stratégie nationale de développement humain. "La migration est au mieux une option qui vient en complément de d'efforts locaux et nationaux plus larges visant à réduire la pauvreté et améliorer le développement humain" précise le rapport. Encourager la migration ne signifie donc pas inciter la population locale à fuir et abandonner à son sort un pays corrompu pauvre et mal géré, mais à présenter la migration comme une solution.
Lever les barrières Le rapport propose 6 grandes idées articulées autour d'une idée directrice "lever les barrières". D'abord libéraliser et simplifier les canaux légaux qui permettent aux personnes peu qualifiées de chercher du travail à l'étranger; secundo garantir les droits fondamentaux des migrants; tertio réduire les couts de transaction associés à la migration ; quarto améliorer l'impact pour les migrants et les communautés de destination, puis exploiter la bénéfices de la mobilité interne et enfin intégrer la mobilité aux stratégies nationales de développement. S'adressant aux gouvernements de destination mais aussi d'origine, les réformes incitent à concevoir et mettre en œuvre des politiques migratoires en fonction des circonstances nationales et locales. Deux canaux d'entrée légaux sont proposés : élargir les programmes favorisant un travail saisonnier dans les secteurs tels que l'agriculture ou le tourisme. Ensuite, augmenter le nombre de visas pour les personnes peu qualifiées en fonction de la demande locale tout en garantissant au travailleur le droit de changer d'employeur, la possibilité de demander la prolongation de leur séjour et une éventuelle résidence permanente et autoriser le transfert des prestations sociales accumulées.
On craint qu'avec la récession actuelle les pays ne renforcent leur politique migratoire au lieu de l'alléger. Les frais liés à l'obtention des papier et à l'accomplissement des formalités sont élevés et encouragent la migration illégale. Selon le rapport, 1 sur 10 les frais de délivrance d'un passeport sont supérieurs à 10% du PIB par habitant. Le fossé entre une gestion modèle de la migration et la réalité est grandissant. Les Etats paniquent face à la crise et aux réclamations sociales et ne peuvent voir, pour la moment, en la migration, qu'un problème de plus qu'il faut gérer à moindre coût. L'application des recommandations dépendra de la bonne volonté des gouvernements.