7 Novembre 1987. Ce fut hier. C'est, aujourd'hui. Et ce sera encore, demain. Voilà, donc, vingt-deux ans qu'un homme voue son existence à ses sœurs et frères tunisiens. Au 7 Novembre 87, un soleil tenace et généreux venait dissiper les brumes dans lesquelles se confondait et s'abîmait même une nation ayant perdu ses repères. Tout était envisageable. Au mieux, la fin de règne crépusculaire du leader Bourguiba se serait suicidairement étirée. Au pire, la Tunisie aurait été prise en otage par les faiseurs de mirages religieux. Au 7 Novembre 1987, Ben Ali bousculait l'Histoire. Il infléchissait le cours des choses qui paraissait, pourtant, inexorable. Au saut du lit, les Tunisiens réalisaient, incrédules, mais soulagés, qu'un des leurs avait osé. Oui, osé !... Osé quelque chose d'impensable. Et plus que tout, il faisait prendre conscience à son peuple qu'on ne joue pas avec la Nation, qu'on ne badine pas avec les valeurs de la République, et que nous méritions mieux, nous autres Tunisiens, que le manège douloureux d'une fin de règne avec son cortège d'intrigues florentines pour la succession, de défilements de Tartuffe, de prévalence des intérêts individuels sur ceux de la patrie. On comprit dès les premiers jours du Changement qu'il y a toujours une crête après le creux de la vague, que le chantre de « la volonté de vivre d'un peuple », Aboulkacem Chebbi, a les mêmes gènes que nous, que nous sommes dépositaires d'une civilisation trois fois millénaire, que cette terre a enfanté Hannibal, Ibn Khaldoun, le général Kheïreddine, les réformateurs, les grands militants et Bourguiba lui-même, à ses heures. Du coup, Ben Ali s'attelait à refaire la Tunisie. Le temps jouait contre nous. Les extrémismes, à nos frontières, prenaient, agressifs, le deuil de leur modèle, tandis que la mondialisation n'en finissait pas de creuser l'écart entre riches et pauvres, entre Nord et Sud. Il y allait armé de sa foi en l'avenir ; il y allait pour son pays et fort de l'attachement que lui vouent les Tunisiens ; attachement qui se résume en deux mots : « Une histoire d'amour ». La Tunisie est comme libérée par ce souffle novateur. Le Changement est palpable. Grandeur nature. Inlassable. L'adéquation socio-économique qu'on nous envie partout ; le tissu associatif ; la revalorisation du savoir, l'infrastructure ; la libéralisation (vigilante) du marché financier, l'attractivité entrepreneuriale et, bien sûr, les droits civiques, les droits de l'Homme dans leur dimension plurielle :... Et ce n'est pas tout. Cet anniversaire du Changement est célébré en pleine euphorie après la réélection de Ben Ali. Et alors, que nous sommes encore enivrés par les jubilations électorales, lui, Zine El Abidine Ben Ali, a déjà mis le turbo sur les défis à venir... Ensemble, nous relevons les défis, en effet... Au 7 Novembre 1987, il nous avait bien « prévenus » qu'il en serait ainsi...