Les sacs en plastique présentent un cruel dilemme : d'un côté ils sont pratiques, légers, résistants et plus tard, utiles comme poubelles. De l'autre, ils ne sont pas faciles à recycler. Ils présentent dès lors un spectacle hideux, s'accrochant aux arbres, s'accumulant dans les terrains agricoles, s'incrustant dans les clôtures. Mais aucune solution n'a l'air de pouvoir freiner le phénomène. Petit tour dans l'univers méconnu de ces envahisseurs silencieux... Il y a quelques années, les sacs en plastique noirs ont été mis à l'index et interdits à la vente. Mais aujourd'hui il y a encore des gens qui en vendent dans les souks et sur les marchés populaires... En outre, tous les commerçants utilisent de petits sacs transparents pour emballer les œufs, les yaourts, les fruits, la viande, le poisson... Une profusion qui souille et qui pollue sur terre et même en haute mer, le vent aidant.
Pas encore prêts... Dans les supermarchés, de nombreux clients ne se privent pas du plaisir d'en prendre plusieurs pour leurs besoins en sacs poubelle, ignorant les sacs réutilisables mis à leur disposition, pour la modique somme d'un Dinar. Pour la majorité de nos concitoyens, l'émergence des problèmes de l'environnement dans le monde n'est que controverses cathodiques et luxe pour pays riches. Une attitude confirmée par un client dans un supermarché qui affirme : « On n'est pas encore prêts pour ce genre de choses. » Pourtant sous d'autres latitudes, des citoyens conscients de l'importance de cette question tentent de trouver des solutions durables. Les Américains utilisent des sacs en papier assez résistants. Les Allemands ont de plus en plus tendance à utiliser des sacs en tissus, lavables et réutilisables durant de longues années. « Mais ces solutions ne sont pas toujours pratiques », affirme un spécialiste en écologie. « Le papier peut sembler intéressant, mais il provient des arbres et contribue donc à la déforestation. Il n'est pas recyclable à l'infini, une dizaine de fois au maximum et sa fabrication demande beaucoup d'eau douce et finit par polluer énormément les terres environnantes. Quant aux sacs en tissu, ils se salissent et il faut les laver régulièrement, ce qui n'est pas très pratique... » Le plus choquant dans cette histoire de sacs, c'est que certains annonceurs et autres supermarchés les utilisent comme support publicitaire ! Ils les distribuent alors avec une générosité douteuse, ne pensant qu'aux profits qu'ils peuvent tirer de ces supports et faisant semblant de ne pas être au courant des retombées négatives sur l'environnement. Les alternatives existent pourtant, comme le bon vieux couffin de papa, mais que la nouvelle génération refuse de porter : « vous me voyez avec mon costard cravate et un couffin à la main ? », remarque un jeune cadre de banque. Et c'est vrai que de nos jours, il a un petit côté ringard, le couffin. En plus, il faut se souvenir à chaque fois pour l'emporter avec soi, de lui trouver une place dans la malle de la voiture... Une petite visite à la décharge située aux environs de Mornaguia permet de se rendre compte de la masse de déchets de la seule ville de Tunis et de la complexité des problèmes que leur stockage pose. Ici des engins mécaniques remuent des tonnes de terre pour enterrer justement les milliers de tonnes de déchets que nous produisons tous les jours.
Des montagnes de déchets ! Ces montagnes de déchets, déversés jour et nuit par les camions bennes et autres tracteurs, sont régulièrement recouvertes d'une mince couche de terre, constituant une masse pourrie qui dégage divers gaz, mais surtout une odeur pestilentielle qui ferait défaillir les organismes les plus résistants et qui, certains soirs d'été et avec un vent d'ouest, inonde les paisibles localités environnantes dédiées à l'agriculture. Paradoxalement, l'espoir vient de personnes assez pauvres : des hommes et des femmes parcourent les rues de villes pour ramasser divers déchets en plastique qui leur rapportent des sommes rondelettes et qui surtout débarrassent le pays de ce poison qui n'est pas biodégradable et qui ne disparaît qu'au bout de plusieurs dizaines d'années... L'un d'eux nous parle des sommes qu'il récolte de ce travail: « on me donne 20 Millimes pour chaque bouteille en plastique, mais je peux gagner beaucoup plus avec le carton et surtout le verre : jusqu'à deux cents Dinars pour cent kilos, ce qui est très suffisant pour subvenir à mes besoins. Mais c'est fatigant, car je passe la journée à traîner ma charrette et les automobilistes n'ont aucune considération pour moi : ils me klaxonnent et me bousculent, alors que je les débarrasse de la saleté... » Un dernier point concernant ces sacs en plastique : dans toutes les rues de la ville, les habitants des immeubles déposent leurs sacs remplis de déchets en bas de chez eux, bien fermés, bien empaquetés. Surviennent alors des énergumènes qui les éventrent pour y rechercher toutes sortes d'objets qu'ils tenteront de revendre chez les ferrailleurs. Le problème, c'est qu'ils laissent derrière eux un spectacle répugnant, les odeurs en prime. Les autorités municipales devraient songer à interdire ce genre de pratiques qui causent bien des désagréments aux habitants des environs. Imaginez si vous avez des invités de marque et qu'ils soient obligés d'enjamber tous ces détritus... « Même les chats ne font pas autant de dégâts lorsqu'ils tentent de trouver leur pitance dans ces sacs », assure une habitante qui enrage contre ces énergumènes... Plus généralement, les pouvoirs publics et plus précisément les nombreux organismes qui sont en charge de la conservation de l'environnement en Tunisie, devraient trouver des solutions durables à ce fléau persistant. Il faudrait aussi penser à lancer une campagne de sensibilisation dans les divers médias afin que nos concitoyens prennent conscience que la situation actuelle ne peut pas se poursuivre éternellement et qu'ils doivent changer de comportement. Car comme le dit une pub qui est diffusée sur les chaînes TV de l'autre côté de la Méditerranée: « compactez vos déchets, ça déborde » !