* « Dieu ne joue pas aux dés ! » Einstein « [On] vous rembourse tout téléviseur acheté, si la Tunisie gagne la CAN 2010 !» C'est, en substance, le slogan d'une campagne de promotion commerciale orchestrée par un hypermarché de la place. Un pari est donc lancé... C'est comme si une grande enseigne danoise promettait le remboursement d'un quelconque achat, si jamais l'équipe nationale de course de Méhari du Royaume du Danemark remporte le concours du Festival International de Douz. Et un pari lancé au Royaume du Danemark n'est pas forcément pourri. Il est clair que notre hypermarché partage, de toute évidence, l'amour du foot avec ses clients. Mais soyons lucides, pour un instant, pour un instant seulement : l'hypermarché est une entreprise commerciale et, à partir de là, son but ultime est légitimement de gagner de l'argent. Le max si c'est possible. Son marketing a, normalement, bien retourné et analysé tous les cas de figure du pari. Il a fini par choisir de parier sur la défaite de l'Equipe Nationale. Et il avait raison. Car c'est la seule option qui lui permettrait d'atteindre l'objectif que son management et les actionnaires lui ont assigné : faire du profit. Que notre Equipe Nationale de foot remporte la coupe et c'est une grosse perte que subirait l'hypermarché. D'un autre côté, on imagine mal une grande surface brésilienne promettre le remboursement des télés vendus si jamais l'Equipe Nationale du Brésil remporte la coupe du monde 2010 ! Le risque financier encouru est très grand dans ce cas. Tandis que chez nous, avec l'Equipe Nationale qu'on a, notre hypermarché-rembourseur-de-télés ne court aucun risque. Sauf en cas extrême de mauvaise fortune…ce qui relèverait tout simplement du miracle. L'astuce du pari a toujours été utilisée, souvent à bon escient. Quand je dis à bon escient, c'est en pensant aux gagnants. Evidemment. L'histoire des tactiques militaires nous fournit une mine d'exemples : depuis les guerres médiques opposant les Grecs aux Perses jusqu'aux dernières guerres du Sud du Liban en passant par les guerres puniques et les ruses d'un Hannibal Barca et le pari d'un Scipion, son tombeur. Le pari perdant le plus spectaculaire et assez proche de nous, est, me semble-t-il, celui de la guerre des six jours. Mais comme la plaie ne s'est pas encore cicatrisée j'opterai pour un autre cas d'école, non moins édifiant, à savoir l'invasion de la France par l'Allemagne en 1940. Durant la relative accalmie d'entre les deux guerres mondiales, la France a entrepris la construction d'une fortification immense - appelée ligne Maginot - tout au long de sa frontière avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et l'Italie. Cette ligne eut comme but d'empêcher une quelconque attaque surprise venant d'Allemagne. Seulement voilà, cette ligne s'arrêta au niveau de la forêt des Ardennes jugée « impénétrable » par les stratèges de la ligne Maginot. Ils pensaient, en effet, que les Ardennes sont un rempart naturel contre les chars allemands. Les militaires Français ont donc parié que les Allemands n'attaqueraient jamais du côté des Ardennes. Hitler le savait. Et par conséquent il a parié autrement. On connaît la suite : le 10 mai 1940 les Allemands lancent l'offensive. Le 14 mai les chars allemands percent les lignes françaises à Sedan, là où s'interrompt la ligne Maginot !. En cinq semaines seulement, la moitié de la France fut occupée par les Allemands qui ont fait prisonniers deux millions de soldats. Et puis il y a la sempiternelle question philosophique de l'existence de Dieu. Ce sujet a fait, aussi, l'objet de plusieurs paris. A commencer par Epicure qui pariait sur l'indifférence des dieux grecs. C'est avec cette conception qu'il combattait toute la tradition antique qui veut que les dieux soient jaloux ou rancuniers. Il expliquait, alors, que les dieux ne sont tournés que vers leur béatitude et leur bonheur, et que nous ne devons pas les craindre comme pouvant abattre leur divine colère ou punition sur nous. Nous devons juste les prendre pour modèle de bonheur… Quelques siècles plus tard, Dik Al-Jinn, le célèbre poète syrien du deuxième siècle de l'hégire (777-850), pariait sur la bonté de Dieu. On lui a souvent reproché sa « dépravation » qui ne pouvait, lui dit-on, qu'attirer sur lui les courroux de Dieu. Il répondait alors à ses détracteurs que si Dieu n'existe pas alors il ne court aucun risque ; par contre si Dieu existe il serait forcément miséricordieux et bon. Et la bonté de Dieu fera que Dik Al-Jinn ne sera pas châtié, puisque sa mauvaise conduite n'est que la manifestation de la volonté de Dieu. On le taxa alors d'athéisme et d'hérésie. Il fut réhabilité, plus tard, par son illustre successeur Al Maâarri dans son fameux « Epitre du Pardon ».
Encore quelques siècles plus tard, Pascal utilise un raisonnement proche de celui de Dik Al-Jinn pour parier sur l'existence de Dieu. Pour se faire, Il dressa un tableau pertes-profits et conclut que le croyant en Dieu gagne dans les deux cas (existence et non-existence) et que le non-croyant gagne seulement une seule fois (non-existence). Le match est donc à 2 à 1 en faveur de la croyance. Un tel score, s'il se réalise en faveur de notre Equipe Nationale à la CAN, causerait la sortie d'une coquette somme d'argent des caisses de notre hypermarché-rembourseur-de-télés. Mais comme, on l'a déjà dit : le pari a été bien calculé. Aucun risque, ou presque… Bilan : Hitler a parié sur la bêtise des militaires français ; Epicure a parié sur l'indifférence des Dieux; Dik Al-Jin a parié sur la bonté de Dieu ; Pascal a parié sur l'intérêt de croire en Dieu et, enfin, l'hypermarché-rembourseur-de-télés a parié sur la défaite de notre Equipe Nationale de foot à la CAN 2010. Tous ces matchs restent encore ouverts, sauf un (ou deux ?) dont on connaît déjà le résultat. Et Hassen Ben Othman, dans son roman PROMOSPORT, relance le jeu en nous expliquant que ce n'est pas le résultat qui compte. L'important c'est de prendre des risques. Et même lorsqu'on perd, on se consolera avec sa cinquième règle du pari : « Ne pas désespérer et parier à nouveau ».