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Quand on lave son linge sale à la télé
Téléréalité et voyeurisme
Publié dans Le Temps le 02 - 02 - 2010

Le linge sale des familles se lave désormais en public. Les chaînes de télévision multiplient les émissions qui offrent à des « invités » de plus en plus nombreux la possibilité de se décharger de leurs rancœurs, de sortir de l'ombre des pans entiers de leur vie sentimentale, familiale ou conjugale.
On n'observe plus de retenue dans la victimisation de soi et la diabolisation de son soi-disant bourreau qui, souvent n'est autre, que le père, la mère, le frère, le mari, la sœur, l'épouse etc. C'est dire combien les gens attachent de moins en moins de prix qu'autrefois à leur intimité, aux secrets de leur vie privée.

Cette intimité qu'on viole si facile et si impunément constitue un indice sur le changement des repères sociaux et moraux. Un grand bouleversement dû à plusieurs facteurs d'ordre culturels et civilisationnels.

S'agit-il d'une révolte contre la chope de silence qui couvrait les abus légitimés par la société traditionnelle ? Faut-il y lire donc un pressant besoin de s'exprimer plus librement ? Pourquoi l'intimité n'est-elle plus respectée comme autrefois ? C'est la question principale que nous avons posée à M. Abdelwahab Mahjoub, psychologue et professeur de psychologie à l'Université de Tunis.

Il analyse pour nous le système sur lequel reposent les émissions de téléréalité qui donnent régulièrement lieu à plusieurs types de violation de l'intimité:

L'intimité violée

« Il faudrait peut-être, pour aborder la question de l'intimité qu'on viole allègrement dans les émissions de téléréalité, partir de cette vérité fondamentale, que l'homme est par définition un être de communication. Et la communication est en principe normée dans les sociétés ; elle est soumise à des règles et se réfère à des valeurs. On ne parle pas de la même manière à un enfant et à un adulte, à un ami et à un étranger. Or, nos normes de communication actuelles ne sont manifestement plus soumises aux mêmes valeurs. Nous constatons d'autre part qu'elles changent, et à une vitesse étourdissante; en même temps, il nous faut nous adapter à cette rapidité fulgurante de leur évolution. Mais d'abord demandons –nous pourquoi ces normes ont changé : c'est que sans doute les gens les ont remplacées par de nouvelles règles plus gratifiantes et plus bénéfiques.

L'adoption massive de ces normes, favorisée aussi par un affaiblissement notable du référentiel aux valeurs, montre que, dans tous les domaines de la vie, les gens recherchent à tout prix la gratification et le bénéfice. Les émissions de téléréalité offrent au public cette chance de se faire valoir ; cependant, en plébiscitant la communication à outrance, elles imposent leurs règles du jeu (comme les techniques susceptibles de susciter l'émotion du spectateur et de provoquer une quelconque réaction- favorable ou défavorable- de sa part) et mettent en avant les intérêts de ceux qui les produisent (taux d'audience, rentrées financières etc.). «

Insidieuse manipulation

Donc, on propose à des gens qui ont besoin de parler, qui souffrent réellement, une situation de parole et d'écoute dans laquelle ces derniers ignorent la manipulation et l'exploitation dont ils font l'objet de la part des concepteurs et des techniciens de l'émission.

Insidieusement, l'animateur –qui est un acteur principal de la farce- les amène à oublier les règles éthiques de la communication et les pousse à parler de tout à tout le monde sans distinction. En définitive, la souffrance des gens est utilisée pour monter un spectacle ; ce qui pose un grave problème éthique. Ce n'est pas tant, quoi qu'on en dise dans les flashs publicitaires de l'émission, la dimension humaine qui prime chez le producteur de ce genre d'émissions pour qui les questions éthiques ne sont pas non plus prioritaires; parce qu'on voit souvent que la personne qui s'est dévoilée, « dénudée » sur antenne, est abandonnée à elle-même à la fin du programme. Il est rare en effet qu'il y ait un suivi sérieux des cas « exposés » à la télé et cela peut présenter une menace sur la vie même de cette personne qui, après s'être confiée à l'animateur, attendait de lui une solution à ses problèmes. Qui sait si une fois sortie du plateau, et sous l'effet du désespoir, la victime n'est pas tentée de se donner la mort ! »

Le spectacle et le miroir

« C'est la logique du spectacle qu'on respecte en priorité dans les émissions de téléréalité : on met en place, exactement comme au théâtre, tous les éléments susceptibles de conférer à la « pièce » jouée une force dramatique. C'est une affaire de maîtrise des techniques dramaturgiques capables d'attacher le public au spectacle et de le lui faire aimer ; d'où le succès de cette matière fictive d'un genre particulier qui ne coûte pas cher au producteur mais qui, en revanche lui rapporte gros. Si, par ailleurs, de tels spectacles réussissent, c'est que quelque part celui qui les consomme y trouve son compte, satisfait un quelconque besoin vital. Les émissions de la téléréalité lui tendent un miroir dans lequel il se voit, mais à travers les problèmes d'un autre qui pourtant lui ressemble tellement. Autrefois c'étaient les héros de roman, de cinéma ou de théâtre qui assumaient ce rôle ; aujourd'hui, les invités des émissions de téléréalité et les personnages des feuilletons locaux et étrangers les ont suppléés.»

Les droits bafoués du confessé

« Pour s'en tenir à l'essentiel dans ce sujet complexe, je dirai qu'il est tout à fait humain d'éprouver le besoin de se dire à autrui, de se confesser, de se confier à quelqu'un qui réunit les qualités d'écoute, de compassion, de compréhension et de confidentialité. Mais profiter de cette confiance et de cette franchise pour monter un spectacle rentable est immoral et donc condamnable. Si au moins on observait la mesure dans la publication de la communication privée, la violation ne m'aurait pas froissé comme je le suis face à plusieurs émissions tunisiennes ou étrangères qui bafouent allègrement et impunément les droits moraux et psychologiques des hommes. Je me représente leurs victimes inconscientes comme les personnes qui, en savourant un sandwich dans une gargote, ne savent pas quels ingrédients toxiques le restaurateur y a fourrés ! »

Où sont les structures et les experts de l'écoute ?
« Vous me demandez pourquoi la tendance à violer sa propre intimité et celle des autres s'étend à tous les espaces publics : je vous dirai que cela est dû à l'absence ou à l'inefficacité des structures appelées à prendre en charge les personnes en détresse. Autrefois, les plus aînés de la grande famille les assistaient, les aidaient à surmonter leurs difficultés, s'érigeaient en arbitres des conflits privés. De nos jours, ce genre de couverture est très faible. Les tribunaux sollicitent rarement la contribution des experts de l'écoute. Ce vide institutionnel est hélas abusivement exploité par des profiteurs d'un tout nouveau genre ! »
Interview réalisée par Badreddine BEN HENDA


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