Il est, sans nul doute, avec Hannibal et Massinissa son grand père une des figures les plus fortes de notre histoire antique. Son nom qui semble dériver de la racine Berbère GR, encore vivante sous la forme agir "surpasser", devrait se lire yagar-ten". " Il les a dépassé... Il est leur supérieur." D'un force physique et d'une intelligence impressionnantes, il était passé maître dans les courses à cheval et la chasse au lion. Son père, fils de Massinissa décéda alors que l'enfant né de sa liaison avec une esclave concubine, était encore en bas âge et c'est son oncle paternel Mastanabal se chargea de l'éduquer. Son autre oncle Micipsa était roi de Numidie et comme il avait un fils Gauda qui était de santé fragile, il voulut se débarrasser de Jugurtha parce qu'il était un successeur potentiel au pouvoir. Il l'envoya donc en Hispanie (actuelle Espagne) combattre avec les troupes auxiliaires de l'année romaine. C'est là que Jugurtha va entamer sa vraie carrière de grand chef de guerre. Il se montra brave et courageux et tissa beaucoup de liens d'amitié à Rome grâce à ces qualités mais aussi grâce à son argent. Et l'on suppose que c'est grâce aux pressions des romains que son oncle Micipsa finit par l'adopter trois ans avant sa mort. Le début des hostilités Cela en fit l'un des héritiers du pouvoir et après la mort de Micipsa le royaume de Numidie se trouva partagé entre ses deux fils Adherbal et Hiempsal et Jugurtha, son fils adoptif. C'est là que la guerre pour le pouvoir va commencer. Le Sénat numide qui était à l'origine de ce partage causa la colère de ce dernier qui n'appréciait nullement que la Numidie soit divisée de cette manière. Ajoutons à cela que ses deux cousins voyaient d'un mauvais œil son intrusion dans les hautes sphères du pouvoir et ne rataient pas une occasion pour le dénigrer en rappelant son ascendance peu glorieuse. Il n'était pas de rang élevé puisque né d'une esclave concubine Jugurtha va établir une stratégie infaillible pour se débarrasser de ses deux rivaux. Il passa rapidement à l'exécution en faisant assassiner Hiempsal, le plus jeune des deux frères. Aucune réaction de la part du Sénat numide qui ne parût nullement offusqué par cet étrange décès. Adherbal accusa son cousin d'avoir commis le meurtre et voulut venger son frère. Jugurtha repoussa son attaque et mit ses fidèles en fuite. Adherbal se rendit alors à Rome et implora l'aide du Sénat. Les romains qui n'attendaient qu'une occasion pour intervenir en Afrique envoyèrent une mission chargée de diviser le Royaume entre les deux adversaires. Adherbal reçut les territoires de l'Est avec pour capitale Cirta (actuelle Constantine), Jugurtha ceux de l'Ouest. Ce dernier décrit par Salluste, principale source d'information sur notre héros, qui était certes beau et vigoureux, assumant les missions les plus périlleuses et donnant des avis très judicieux mais il était aussi perfide et sans scrupules, accepta l'arrangement proposé par les romains et la paix régna durant trois années... période que Jugurtha employa à consolider sa prochaine stratégie de guerre car il n'avait accepté que superficiellement la réalité d'une Numidie morcelée. En 113 avant JC il assiège Abherbal à Cirta. Les appels de ce dernier à destination de Rome restent vains, cette dernière ne voulant pas d'une guerre en Afrique. Le Sénat se contente d'envoyer quelques messagers qui vont tenter de ramener la paix entre les deux cousins mais Jugurtha va rejeter toutes leurs propositions. Les commerçants italiens qui se trouvent alors à Cirta poussent Adherbal à se rendre contre la vie sauve. Mais la pitié semble avoir été la dernière des qualités de Jugurtha. Adherbal est mis à mort ainsi que tous ses fidèles, y compris les italiens. Rome acceptant mal un tel affront et se méfiant du fait que Jugurtha avait pour objectif essentiel de mettre en place un royaume de Numidie fort et uni, arrive à faire la paix avec lui en 111 av. Jc, après que l'armée romaine envoyée en Afrique sous le commandement de L. Calpunius Bestia ait pris quelques villes. Diplomatie et coups bas Mais les choses s'arrêtèrent là. Jugurtha en corrompant quelques chefs inféodés au consul arriva à conclure une trêve avec ce dernier qui retourna à Rome en attendant que le Sénat ratifie le traité. Les avis sont partagés. Jugurtha est appelé à se rendu à Rome pour s'expliquer après qu'on lui ait promis toutes les garanties de sécurité. Il réussit à éviter de répondre aux questions de son pire ennemi Memmius opposé à la paix, en ayant acheté quelques personnalités. Mais ses adversaires vont redoubler de violence et ils vont faire avancer un de ses cousins nommé Massiva comme ayant droit sur le royaume de Numidie. Grand bien lui fît : il fût assassiné et Jugurtha accusé du crime et pressé de quitter l'Italie. De son bateau, en voyant Rome s'éloigner, il eut ce mot célèbre : "Villa à vendre qui ne tardera pas à périr si elle trouve un acquéreur". Et, pour avoir acheté tant et tant de personnalités romaines, il savait sûrement de quoi il parlait. D'autant que cette prophétie va se concrétiser quelques temps plus tard avec la chute du royaume romain. La guerre recommença. Le consul Albinus, partisan de Massiva, retourna à Rome sans avoir réussi à battre Jugurtha. Après lui, le général Matellus pût reprendre Vaga et poursuivit Jugurtha jusqu'à Thala. Les romains assiégèrent Cirta qu'ils finirent par prendre mais Jugurtha réussit à s'échapper. L'ultime trahison Il rejoint la Maurétanie alors dirigée par son beau-père Bocchus qu'il poussa à entrer en guerre contre les Romains. Il leva une armée et réussit à reprendre Cirta (107 av. JC). Entretemps les romains sous le commandement de Marius, s'emparèrent de Capsa et la détruisirent Marius arriva à s'emparer du trésor de guerre de Jugurtha et à regagner l'Italie. Malgré les promesses faites à son beau père de lui offrir le tiers de la Numidie s'il l'aidait à vaincre ses ennemis, Jugurtha va être trahi par ce dernier qui craignait que les romains ne gagnent la guerre et le punissent. Il attira son gendre dans un guet-apens et le livra. C'est couvert de chaînes que Jugurtha fût envoyé à Rome. Après l'avoir promené dans cette ville qu'il avait, autre fois, défiée, on le jeta dans une fosse où il mourrut de faim ou étranglé. Bocchus fut honoré par les Romains et reçut en récompense de sa trahison, la partie occidentale de la Numidie. La partie orientale fut donné à Gauda un frère de Jugurtha entièrement soumis aux romains. Ainsi prit fin l'Indépendance de la Numidie. Il fut jusqu'au bout l'ennemi irréductible de Rome. Valeureux, grand stratège, ambitieux, manipulateur ou perfide selon qu'on se place du côté de ses partisans ou celui de ses détracteurs, il demeure, jusqu'à aujourd'hui, la figure la plus représentative d'un nationalisme sans faille.