Se trouvant au Nord-Ouest de la Tunisie, à 175 km à l'Ouest de la capitale et à 40 km à l'Est de la frontière algérienne, la ville du Kef occupe actuellement l'emplacement de l'antique Sicca Veneria. Punique, romaine, numide, byzantine, arabe, ottomane, la ville du Kef a vécu pleinement son histoire et a toujours occupé une place importante dans le tissu des grandes villes tunisiennes. Elle a constamment été présente dans la vie politique, se distinguant, à chaque fois, par une émergence dans les hautes structures du pouvoir. Durant toute l'antiquité, sous l'appellation de Sicca Veneria, elle fut une importante base politique et militaire.
En sa qualité de colonie romaine, elle fut connue sous le nom de Cirta, capitale de la nouvelle province de Numidie. Lors de sa conquête par les arabes au 7ème siècle, elle changea de nom pour devenir Shakbanaria. Puis, à partir du 16ème siècle, elle prit la dénomination d'El Kef (le rocher). Ville des rois, elle fut fortifiée par Hussein Ben Ali, natif du Kef et fondateur de la dynastie Husseinite. Au cours de l'occupation française, Le Kef conserva l'important rôle de chef-lieu avec une forte vocation au militantisme politique, devenant, de ce fait, le sanctuaire de luttes nationales aussi bien algérienne que tunisienne. En témoignent les événements de Sakiet Sidi Youssef. Il est à rappeler, à cette occasion, que Le Kef fut la première ville occupée par les troupes françaises en 1881. Aujourd'hui, Le Kef est le siège politique et économique d'un gouvernorat comprenant les villes de Jerissa, Tajérouine, Sakiet Sidi Youssef, Le Sers, Dahmani, Kalaâ Khasba, El Ksour, Nebeur, Touiref et Kalaât Senane.
Une vitrine de l'évolution du peuplement humain Grâce aux nombreux avantages de sa situation et de son site, la ville du Kef et ses environs avaient connu, très tôt, les premiers peuplements préhistoriques dont les gisements et les stations sont nombreux dans la vallée de Oued Mellègue. Son site d'implantation sur le mont rocheux du Djebel Dyr, un des massifs les plus caractéristiques du haut Tell tunisien, ainsi qu'à proximité de l'important complexe préhistorique de Koudiat Soltane, se révèle très riche en vestiges mégalithiques, signes tangibles des premiers foyers de peuplement sédentaire et preuves probantes d'une gestation urbaine antérieure à l'arrivée des Phéniciens et l'expansion punique vers l'Ouest du pays.
La nécropole d'Ellès Dans les environs du Kef, on trouve la nécropole d'Ellès remontant au 2ème siècle avant J.-C. La visite de ce monument permet de constater d'emblée que les structures sont constituées d'un couloir couvert sur lequel ouvrent sept chambres, parfois plus. Ce lieu funéraire est doté d'une «enveloppe» faite d'un mur de soutènement en gradins et de dalles fichées dans le sol de l'extérieur, le rôle de cette «enveloppe» est de consolider le monument. Cette nécropole laisse supposer que la construction de ce type de monument avait mobilisé une importante main-d'œuvre et nécessité un chantier «organisé». Il s'agit donc d'un travail collectif préparé à l'avance. Ces structures complexes et très lourdes ont été édifiées par une société organisée avec des liens solides entre ses membres et fort probablement hiérarchisée. Par ailleurs, la cité, de fondation libyque, connut, très tôt, l'implantation par Carthage d'une colonie sicilienne. Ville temple et forteresse carthaginoise, cette dernière fut mentionnée dès 241 avant J.-C. au cours des guerres des mercenaires de Carthage, sachant qu'elle avait réintégré le royaume massyle numide de Messinissa, au cours du démembrement du domaine carthaginois par ce dernier. A ce propos, nous nous proposons de présenter ci-après, le portrait de Massinissa.
Un roi numide nommé Massinissa La défaite de Carthage avait été suivie par la désaffection des tribus berbères qui avaient constitué de petits royaumes indépendants sous l'œil bienveillant des Romains dont cette division favorisait les vues. Le plus intelligent de ces rois était Massinissa qui, après s'être débarrassé de ses rivaux, en particulier de Syphax, se rendit maître du Centre, du Sud et de la Tunisie et de la vallée de la Medjerda. Il menaçait ainsi, ouvertement Carthage. Massinissa entreprit la tâche de fixer au sol les Berbères, toujours nomades, il voulait leur apprendre les meilleures méthodes agricoles. Il donna lui-même l'exemple. Il fit cultiver avec soin ses nombreux domaines. D'autre part, en 150, il remporta une éclatante victoire sur Carthage et l'obligea à lui payer une indemnité. C'était, cependant, un vieillard de 88 ans. Songeait-il à créer une vraie nation? Sur ce point précis, Rome ne pouvait favoriser ses projets et lui laisser prendre Carthage pour capitale. Elle aimait mieux faire disparaître à jamais sa rivale. Sur les plaintes de Carthage au sujet de Massinissa, le Sénat romain envoya Caton faire une enquête. Caton rentra à Rome et fit au Sénat un tel tableau de la prospérité renaissante de la ville qu'il fit craindre à ses concitoyens une Carthage plus redoutable que l'ancienne. Delenda Carthago, conclut-il. Il faut détruire cette cité et tous ses discours se terminaient par ce leitmotiv. La guerre était inévitable. Elle fut courte. Le Delenda Carthago fut appliqué à la lettre (146 avant J.-C.). De la belle cité, il ne resta plus qu'un amoncellement de pierres calcinées. Suite à la chute de Carthage, les Romains firent leur entrée dans la cité numide et l'appelèrent Sicca Veneria. Après sa destruction par les Vandales, celle-ci avait repris son évolution pendant la période bizantine par l'édification de bâtiments religieux et d'ouvrages de fortification.
La Kasbah Parmi les nombreux vestiges et sites du Kef, nous nous proposons de parler de la Kasbah, considérée comme l'un des monuments historiques les plus importants de la Tunisie. Il s'agit d'une forteresse ottomane se composant de deux forts distincts: le premier, le petit fort dont la construction remonte à 1601, est situé sur le bord ouest de la forteresse. De forme carrée, il est garni de tours aux quatre coins. Au milieu du fort, se trouve une cour sur laquelle s'ouvrent de nombreuses pièces qui servaient à loger les troupes, le second, le grand fort, est situé à l'Est. Il a été bâti par le souverain mouradite Mohamed Pacha en 1679. Agrandi en plusieurs étapes par Ali Pacha en 1739, puis par Hamouda Pacha en 1806, il comporte une grande cour entourée de vastes chambres, d'une mosquée, d'un sérail et pièces annexes. La Kasbah du Kef se distingue par sa position imposante surplombant le Djebel Dyr. Du haut de la Kasbah, une vue splendide s'offre au visiteur lui permettant de jeter un regard panoramique sur toute la ville et ses environs.