Le hammam demeure un espace social et culturel. Il occupait une place de choix dans les cités arabes. Bagdad, à l'époque abasside, comptait jusqu'à 60 000 hammams soit un hammam pour chaque groupe de 50 personnes, tandis qu'à Kairouan, il existait un hammam pour 80 personnes. L'architecture des hammams varie selon l'aire géographique et les époques. La pratique demeure encore vivace en de nombreux endroits bien que la fonction de cet espace soit en net recul. Soucieuse de cette situation, la délégation régionale de Tunis 1 de l'ordre des ingénieurs tunisiens, en collaboration avec l'agence nationale de la maîtrise de l'énergie et l'agence française de développement, a organisé les 17 et 18 mars à Hammamet un colloque international sur ''l'architecture thermale: des thermes aux hammams'', avec la participation de plusieurs ingénieurs, architectes, experts et étudiants de Tunisie d'Algérie, du Maroc, de la Libye, de Palestine, de France, d'Autriche, d'Angleterre et des Etats Unis. Le thème central des débats a porté sur le hammam traditionnel ainsi que sur les réponses architecturales qui peuvent être apportées dans le cadre de la pratique ancestrale du hammam et des soins du corps. Cette rencontre de Hammamet comme nous le précise Mohamed Bouzayène architecte-urbaniste et expert "est un point de rencontre pluridisciplinaire entre différents architectes. Elle a été l'occasion de déterminer différentes solutions en matière de gestion durable de l'énergie et de l'eau dans les espaces thermaux tout en échangeant des connaissances utiles à la programmation, la construction, la restauration thermique et du bâti. De nombreuses interventions, tels que l'historique du hammam, l'aspect sanitaire, le côté socioculturel, la structuration urbaine des établissements thermaux dans les différents plans d'aménagements, l'architecture, la restauration thermique, la gestion des équipements et économie d'énergie ont été suivies par des chercheurs venant de divers pays et spécialistes dans différentes disciplines. L'objectif de ces rencontres est de permettre à ces établissements de devenir des lieux fréquentables pour les usagers locaux et étrangers. Une analyse morphologique des thermes et du hammam traditionnel dégageant les différentes contraintes d'usage constructives et d'ambiances qui conditionnent la répartition spatiale et le mode constructif." La restauration thermique et bâtie Nos hammams précise M.Bouzayène présentent des anomalies constructives et thermiques qui provoquent la dégradation du bâti et la surconsommation de l'énergie et de l'eau. Les pistes de recherches de solutions architecturales offrant aux usagers des ambiances visuelles, tactiles, olfactives et sonores ainsi que des conditions sanitaires les encourageant à une assiduité dans la fréquentation de ces lieux. L'intégration de nouveaux équipements alliant économie de l'énergie et de l'eau, peut être adaptée à la majorité des thermes et hammams. La restauration thermique des formes architecturales capables d'accepter les capteurs solaires est primordiale. C'est le rôle de l'architecte qui, dans un but d'avoir une économie de l'eau et de l'énergie, pourra créer des ambiances thermiques agréables et satisfaisantes pour les usagers. On pourra rendre ainsi les hammams plus éclairées un cadre de vie agréable pour les usagers. Il est vrai que le coût élevé actuel de l'énergie risque de freiner le développement de ces espaces de propreté si l'on ajoute à cela les frais d'exploitation et du personnel. D'où cette mise à niveau avec la rénovation des hammams actuels qui pourront devenir des espaces à forte valeur ajoutée touristique
Différentes typologies de hammams : Magda Shibly architecte et professeur à l'université de Manchester a beaucoup travaillé sur les hammams au Moyen Orient et en Afrique du Nord. « J'ai travaillé dit-elle sur les hammams du Caire, TripoliTunis, Alger et Marrakech. La tradition du bain est très vivante dans la vie du Maghreb. La fonction du bain a évolué depuis l'époque romaine et s'est consolidée avec la civilisation arabe. Les premiers bains se trouvent dans les terres jordaniennes entre l'Arabie saoudite et la Syrie. Le hammam prit une signification religieuse, et il devint rapidement une annexe de la mosquée, où il était utilisé afin de se conformer aux règles d'hygiène et de purification de l'Islam. Sur le plan architectural, la voûte des plafonds fut abaissée, les bains se faisant plus petits et plus modestes. Alors que les Romains construisaient de grands thermes publics au centre-ville, les Arabes préférèrent en construire plusieurs plus petits disséminés à travers la ville, à la manière des balnea romains. Comme dans les thermes, le baigneur passait à travers une série de salles, mais leur importance respective différait. Tout comme les bains romains, le hammam devint un endroit de rencontre. C'est une structure très importante qu'on trouve soit au niveau des centres de quartiers résidentiels soit près de grandes mosquées soit près des souks. Ces bains sont utilisés par les hommes et les femmes à des temps différents. Au niveau architecture. Le hammam se compose souvent de trois ou quatre chambres, la première à température ambiante, la deuxième un peu plus chaude, et ainsi de suite et ça évolue avec des pièces qui vont du froid au chaud. On commence par cette pièce où on se change ensuite on entame notre voyage vers le feu du fornati. On va vers la chaleur et vers l'humidité qui est le dernier espace là où l'eau chaude est produite. Certes les typologies sont différentes entre le Machrek et le Maghreb. Au Maghreb, on a eu l'influence ottomane mais au Maroc, cette influence s'est arrêtée et on a eu une organisation spatiale assez différente qui est plus proche des petits bains roumains. » Le recul des hammams Karim Ellouze président de l'ordre des architectes tunisiens estime : « Ce colloque entre dans le cadre de la décentralisation de nos activités. C'est donc une rencontre pluridisciplinaire entre spécialistes dans différents domaines pouvant avoir des intérêts spécifiques à tirer de la pérennité ou de la transformation de certains éléments de base des thermes du hammam traditionnel. Elle a été une bonne occasion de présentation et d'échange d'expérience entre les architectes de différents pays. Le hammam est une partie de l'identité tunisienne. Son architecture a beaucoup évolué depuis l'époque punique. Mais cet espace culturel et social est en recul. Nous disposons de 2000 hammams en Tunisie. Certains sont en train de disparaître. Ils sont trop chers à entretenir. Chauffer l'eau coûte cher, les réparations sont nombreuses, et les coûts de maintenance ne cessent d'augmenter. D'autres hammams, véritables repères de l'histoire, sont dans un état vétuste et nécessitent un peu d'attention de la part des autorités concernées par la sauvegarde du patrimoine, car c'est une véritable architecture qui dépérit. Les hammams sont en train de disparaître. Ils sont trop chers à entretenir. Chauffer l'eau coûte cher. La facture dépasse les 3000 dinars. Les réparations sont nombreuses, et les coûts de maintenance ne cessent d'augmenter. Les propriétaires ne rentrent plus dans leurs frais surtout avec le coût élevé de l'énergie et de l'eau. Les hammams se font rares et selon leurs propriétaires, les prix pratiqués actuellement sont dérisoires. 7 à 10 dinars la personne pour rentabiliser un hammam estiment-ils. Et là une bonne restauration thermique et du bâti permet de revaloriser ces espaces qui doivent faire l'objet d'une meilleure attention, et surtout d'une meilleure sensibilisation auprès de leurs propriétaires plus inquiets par le chiffre d'affaires que de l'entretien.