Le Temps-Agences- Benoît XVI a exprimé la "honte" et le "remords" de l'ensemble de l'Eglise catholique face aux actes pédophiles commis par des religieux, dans une lettre hier aux fidèles d'Irlande secoués par un scandale dans leur clergé, au ton très dur pour l'épiscopat les ayant couvert. "Beaucoup d'entre vous" ont été "suffisamment courageux pour parler de ce qui vous était arrivé", mais "personne ne vous écoutait", a déploré Benoît XVI, à l'adresse des victimes. "Au nom de l'Eglise, je vous exprime ouvertement la honte et le remords que nous éprouvons tous", a-t-il dit, dans un message de sept pages qui sera lu dimanche dans toutes les paroisses irlandaises. Le pape s'est dit "vraiment désolé" face à leurs souffrances et "disposé" à les rencontrer, comme il l'avait fait pour des victimes de sévices similaires pendant ses voyages aux Etats-Unis et en Australie en 2008. L'occasion pourrait en être son prochain voyage en Grande-Bretagne, en septembre. "C'est un excellent texte car on y voit une vraie compassion", a affirmé un spécialiste du Vatican, qui a relevé un "ton tout à fait inhabituel" et les "mots très durs" employés. Pour lui, le texte qui évoque le besoin d'une "nouvelle vision" et souhaite un "renouveau spirituel" laisse présager de profonds changements dans la hiérarchie catholique irlandaise. Les réactions en Irlande ont été contrastées. Le chef de l'épiscopat Sean Brady a souhaité que ce document soit "le commencement d'une grande saison de renaissance et d'espoir dans l'Eglise irlandaise". Mais des victimes se sont montrées critiques : Maeve Lewis, responsable de One in Four, a jugé "l'absence" d'excuses "douloureuse l'extrême". Dans sa lettre, Benoît XVI affirme que les religieux, dont des prêtres et des nonnes, coupables de pédophilie devront en "répondre" non seulement "devant Dieu", mais aussi devant la justice des hommes. "Vous avez trahi la confiance" de "jeunes innocents" et de "leurs parents" et "jeté la honte et le déshonneur sur vos confrères", a-t-il lancé. Aux évêques accusés d'avoir couvert des centaines d'actes pédophiles commis sur plusieurs décennies par des religieux, il a reproché de "graves erreurs de jugement" et des "manquements" dans la gestion de ces crimes. Cette lettre n'évoque pas le sort qui sera réservé aux trois évêques irlandais démissionnaires car "ce n'est pas un document de mesures juridiques ou administratives", selon le porte-parole du pape, le père Federico Lombardi. Le "pape n'avait jamais écrit une telle lettre", a-t-il souligné, appelant à "ne pas en sous-estimer la portée". C'est la deuxième fois de son pontificat entamé en 2005 que Benoît XVI prend sa plume pour s'adresser aux fidèles après le message rédigé début 2009 à la suite de la polémique suscitée par sa levée de l'excommunication de quatre évêques lefebvristes, dont le négationniste Richard Williamson. Le pape a aussi annoncé des "initiatives concrètes" pour affronter la situation, en particulier une "visite apostolique", c'est-à-dire une enquête, "dans plusieurs diocèses d'Irlande", ainsi que dans "des séminaires" et "des congrégations religieuses". Il a aussi proposé un grand mouvement de réflexion "au niveau national" pour tous les hommes d'Eglise. En exprimant la "honte" et le "remords" de toute l'Eglise, Benoît XVI étend "symboliquement" son propos à tous les pays touchés par des scandales analogues et notamment l'Allemagne, son pays natal, note le vaticaniste Marco Politi, chroniqueur à Il Fatto (quotidien de gauche). "Ce document vaut pour l'Eglise universelle", ajoute M. Politi, en soulignant que "le pape prend directement sur lui la responsabilité de ces crimes". L'Autriche, la Suisse, les Pays-Bas, mais aussi le Brésil, l'Espagne et l'Italie sont confrontés ces derniers temps à des dénonciations similaires.