Kairouan a de la chance ! D'abord par l'Histoire de sa fondation en tant que Fort ou base militaire des conquérants musulmans dirigés par Okba Ibn Nafâa en l'an 50 de l'hégire. Pourtant les données géo-stratégiques ne paraissaient pas favorables à cette vocation. Edifier cette base "Kaïrauanoukom" sur une plaine encastrée entre la mer sahélienne et les montagnes de Jebel Oueslat n'était pas très évident. Mais le stratège Okba a bien vu. Il fallait être à distance des armées bysantines et leurs flottes, et des insurgés berbères retranchés dans les montagnes environnantes. Kairouan pouvait voir "l'ennemi" venir et préparer sa défense ! Depuis quel destin et quelle mémoire ! Si Mourad Rameh professeur et chercheur sur les arts islamiques aussi bien, les manuscrits que les structures et la restauration urbaines nous a permis il y a deux jours lors d'une séance télévisée, de savourer des moments inoubliables en compagnie d'œuvres d'art millénaires si précieuses et qui font l'âme même de cette civilisation brillante : celle de Kairouan. En plus de sa grande Mosquée unique dans le monde islamique, sa Médina inondée de blancheur et de clarté, ses fortifications et murailles si fières et si bien conservées, Kairouan la capitale du Tapis étais aussi la capitale incontestée du "Livre" Et du parchemin. L'art de la papeterie, des manuscrits, et les arts de l'écriture s'y sont développés depuis le 2e siècle de l'Hégire (8e siècle) pour atteindre leur apogée au 4e siècle de l'Hégire soit au 10e siècle de l'ère chrétienne. Résultat Kairouan pour ceux qui ne le savent, pas dispose des plus belles, les plus anciennes et les plus nombreuses copies du Saint Coran et de manuscrits du monde arabe et musulman. Une collection unique au monde, d'une valeur inestimable ! Des Coran de la famille impériale et à leur tête le souverain Moez Ibn Badis, à celui de la "Hadhina" incrusté d'or véritable en arrivant au "Coran bleu" incrusté d'or aussi sans doute la plus belle œuvre du 4e siècle de l'Hégire devenue le Symbole de la culture islamique florissante de Kairouan. Toutes ces œuvres et bien d'autres par milliers sont aujourd'hui heureusement répertoriées et conservées au centre islamique et musée de Rakkada à la proche périphérie de Kairouan. Ce musée comporte aussi un centre de traitement et de restauration établi grâce à la bonne coopération tuniso-allemande. A propos de Rakkada les anecdotes historiques ne manquent pas. Vrai ou faux, l'Emir Aghlabite fatigué et stressé après une dure journée protocolaire aurait perdu le sommeil. Il demanda son cheval et marcha près de six kilomètres. Là sous un beau palmier il trouva le sommeil d'où le nom de "Rakkada" ! Mais ce n'est pas fini ! Des siècles plus tard, feu le président Bourguiba s'y fit construire un petit palais véritable miniature de l'Alhambra de Grenade l'andalouse avec même une "petite cour des lions". Mais à la première nuit, Bourguiba perdit le sommeil et retourna à Kairouan ville pour passer le reste de la nuit. Ce qui a fait dire à un chroniqueur : "Ce qui a fait dormir l'Emir Aghlabite a privé de sommeil Bourguiba" ! Façon pour nous d'avoir une pensée bien pieuse de reconnaissance pour le père de la Nation que fut Habib Bourguiba. Quant à Kairouan son voyage vers l'éternité ne s'arrêtera jamais ! Par Khaled Guezmir Post - Scriptum : Le centre actuel d'art islamique et musée de Rakkada depuis 1986 n'est autre que le palais miniature construit pour Bourguiba.