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Colloque : «Créer dans la langue de l'Autre, créer l'Autre dans notre langue»
Foire internationale du Livre de Tunis
Publié dans Le Temps le 02 - 05 - 2010


Dans le miroir de l'Autre
Articulé en deux parties, le colloque organisé par la Foire du Livre en partenariat avec le Centre National de la Traduction, en collaboration avec l'Institut Français de Coopération (IFC), le mercredi dernier au Kram dans le cadre des activités culturelles inhérentes à cette 28ème session, a réuni une pléiade d'écrivains, et d'universitaires, pour débattre autour d'une question cruciale, celle de la langue et de l'identité. Cela en creux. Sous l'intitulé : « Créer dans la langue de l'Autre… »
Pour ce qui concerne la première partie du colloque présidé par M.Samir Marzouki (universitaire et poète) et présenté par M.Mohamed Mahjoub (directeur général du Centre National de la Traduction), le débat, mené par ailleurs en langue française, par des écrivains qui écrivent justement en français, aura permis d'écouter les témoignages d'auteurs, dont certains vivent à l'étranger, sur une question parfois épineuse, dont chacun s'en est emparé à sa manière, et ses liens à cette langue de l'Autre, que tout le monde n'habite pas pareil, et qui fait vibrer chacun différemment, selon un tempo qui lui est propre. Et qui est singulier à chacun. Car la langue est intimité et il est difficile de s'en défaire si elle a résonné en vous un jour, en écho à des voix intérieures, sans vous dépareiller de votre identité. Certains vivront cela pourtant comme un arrachement.
Donnant la parole aux divers invités du colloque, M.Samir Marzouki n'y est pas allé de main morte, en invoquant d'emblée, les questions essentielles : « Pourquoi écrire dans une langue donnée ? Pourquoi traduire et pour qui écrit-on ?».
Idem pour Mohamed Mahjoub qui demandera en substance : « Peut-on exprimer son être profond dans la langue de l'Autre ? »
Tranchant dans le vif, M.Youssef Seddik parlera de « Hassra », regret cuisant s'il en est, de n'avoir pu écrire en arabe uniquement. Témoignage fort émouvant d'un intellectuel qui a voué sa vie à l'érudition, ne craignant pas d'aller à contre-courant, quitte à choquer sans le vouloir et quitte à en souffrir. « Nous n'avons jamais lu le Coran » en est la preuve la plus tangible. Son intervention en tous les cas fut émouvante à plus d'un titre. Il dira : «Je me suis exilé dans le français pour une raison qui n'a rien à voir avec la langue, la possession de la langue. (…) Pour honorer un livre écrit, il faut être deux : celui qui écrit et celui qui reçoit. J'ai l'impression que dans notre monde arabe, celui qui reçoit est celui qui fait défaut. En arabe, je n'ai pas envie de faire de la redondance… en arabe, c'est le plus grand problème.
La princesse meurtrie
J'ai écrit « Nous n'avons jamais lu le Coran » il y a dix ans et je suis en train de le traduire mais ça ne donne pas. Où est cette langue arabe dans laquelle le Coran se fait fier d'être descendu sur terre ? Je sais que beaucoup contesteront peut-être ce que je dis, mais la langue de Néjib Mahfoudh est une langue banale. Sa grande force c'est d'avoir su reconstituer l'Egypte comme personne. Mais sa langue, ce n'est pas celle de Neruda, de Marquez, de Céline. »
Pourquoi écrire dans la langue de l'Autre alors ? « Je me rappelle qu'on m'avait posé une fois, sur France Culture, une question sur la francophonie. J'ai répondu que ça ne voulait rien dire pour moi. Pour un sénégalais ou un martiniquais, oui. Ça a été très mal pris. Pour moi, j'ai le même bonheur en écrivant en français, qu'un cruciverbiste qui réussit à remplir toute sa grille de mots-croisés. Mais vous n'allez pas me demander de pleurer ma mère en français, ça sonnerait faux, et je n'y arriverais pas. (…) mais j'ai beaucoup de nostalgie pour cette princesse élégante et un peu meurtrie, que peut être la langue arabe…»
Ce regret, cette nostalgie de la langue d'origine, Mustapha Tlili ne l'invoquera pas. Sauf dans les plis de ses mots, s'agissant peut-être d'une autre nostalgie, d'autres regrets…
«J'écris la nuit en regardant Manhattan. Comme on règle des comptes avec soi-même. Je ne me suis jamais posé la question de savoir, pourquoi j'écris en français ? Mais par contre, c'est un travail intime : je suis à la fois dedans et dehors. C'est un rapport presque comme celui qu'on entretient avec une femme qu'on aime. New York est ce lieu qui permet de trouver la paix, en tout cas la paix avec soi-même, pour des gens venus d'ailleurs…»
Pour sa part, M.Tahar Bekri qui semble avoir trouvé un équilibre en voyageant entre deux rives, écrivant tout aussi bien, en arabe qu'en français, l'ouverture est richesse et promesse de renouvellement. « J'habite une maison à deux fenêtres. (…) ma porte est ouverte aux quatre vents. Mon toit est l'univers. Je me nourris de traversées profondes. D'une fenêtre à l'autre, d'une langue à l'autre. Je ne considère pas la langue de l'Autre comme un « Butin de guerre » à la manière de Kateb Yacine, le français n'est pas mon exil, je pense à Malek Haddad, je vis cela comme une magnifique opportunité historique. L'arabe comme le français m'ont enrichi de leur apport, de leur savoir… »
Pour M.Hassouna Mosbahi, c'est par le biais de la traduction des grands textes que la langue arabe s'est révélée à lui. Aussi paradoxal que cela puisse paraître. A travers des œuvres qui lui parleront fortement : Camus, Stendhal, Flaubert, Beckett, Gide, etc. en lisant et l'original et la traduction. Avant de comprendre que ce qui lui paraissait jusque là problématique, à savoir l'ancrage de la langue arabe dans son siècle.
Et si M.Abderrazek Bannour préfèrera envisager la langue, à l'aune de son étymologie, remontant à la source pour traquer paradoxes et évidences, Mansour M'Henni, quand à lui, avouera qu'il ne cultive aucun regret, par rapport au choix de la langue d'écriture, « parce que cela voudrait dire que je regrette tous les plaisirs de la vie. Ce qui n'est pas le cas ». Il parlera également du rapport qu'il entretient avec la langue, qui est un rapport amoureux. Et on peut aimer deux femmes à la fois ajoutera t-il avec humour. Avant d'ajouter que sa confrontation à « Haraket » de Mustapha Fersi, lui a fait comprendre que la langue arabe était d'une modernité extraordinaire, et que c'était la manière de l'appréhender qui pouvait faire la différence.
Et c'est la question de la traduction qui sera à son tour au centre de l'intervention de M.C. Harbaoui, lequel déplorera le déficit de la traduction dans la langue arabe. Sauf au Liban peut-être. Car toute langue a besoin d'une langue d'accompagnement.


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