Cette année nous avons été gâtés en expositions, peintures, photographies, vidéos, installations. L'art contemporain est au cœur de la cité. Dernier rendez-vous, côté banlieue nord, Hiwar, dialogue, une exposition où plusieurs artistes se sont penchés sur ce sujet. Le commissariat est signé Khadija Hamdi. Et cela se passe à la galerie du Violon Bleu à Sidi Bou Saïd. “A l'ère de la communication globale certains dialogues ont été brisés : est-ce à cause de la différence de nos récits, de nos souffrances ou de nos propos ? Comment pourrions-nous restituer cette fissure… cette exposition n'est pas là pour tenter de rétablir le dialogue des cultures mais pour libérer ce mot de sa carapace et dire qu'il s'agit d'une fissure et non d'une cassure…” Khadija Hamdi oriente d'emblée l'exposition dans ce désir de colmater cette faille du dialogue menacé, mis-en-danger par la folie de certains. Pourtant c'est une belle résonance que nous avons d'un travail à un autre, et un bel écho des altérités. Moataz Nasr, le plasticien égyptien, présente une vidéo intitulée “père et fils” : une rencontre délicate et profonde entre ces deux générations. Conflit familial, conflit individuel face au père ; l'artiste donne à cette rencontre une sobriété des plus élégantes. Autre vidéo signée Abel Abidin d'Irak qui met en scène deux joueurs professionnels dans un match de ping-pong. A la place du filet une jeune femme nue qui reçoit les balles de ces deux “brutes”, le corps marqué, tuméfié. La force plastique de cette œuvre est étonnante. On penserait même à un Caravage. C'est sans aucun doute le point fort de cette exposition. Plus ludique est l'installation au néon de la jeune photographe tunisienne Dora Dhouib, qui traduit littéralement l'expression tunisienne que l'on dit pour contrer le mauvais œil. “Five and Thursday on you” ! Le tube en néon blanc contorsionné installe un air de modernité plaisant à l'itinéraire proposé par la galerie réaménagée à l'occasion. De Tunisie aussi, Meriem Bouderbala qu'on ne présente plus, interroge le “topos” en installant un ensemble de carrés où des traces de villes imaginaires surgissent. “Je viens de chemins qui se sont croisés sur d'autres territoires, aucun ne m'appartient, aucun ne m'attend, j'arpente leur épiderme de la main à la recherche d'une géographie enfouie, écrit l'artiste. La trace, l'empreinte réécrivent la complexité culturelle d'une médina ouverte et fermée. Dans ce coin de l'escalier où Myriam Bouder bala a installé ses lieux, ses territoires intimes, des fils cloisonnent et décloisonnent les géographies du monde. Troublant, original, singulier que ce dialogue impossible. Plus académique reste le travail de Nadia Kaâbi Linke, artiste tunisienne qui vit en Allemagne. Un marouflage sur toile, une encre de Chine sur papier … un texte sur le mur. Promenade dans la ville, la rue Abderrahman Ben Mami est porteuse de message. Des tags qui ressemblent à des inscriptions préhistoriques. La trace, l'empreinte réécrivent la complexité culturelle d'une médina ouverte et fermée. Dialogue des corps en mouvement et figés qu'expriment les artistes d'Irak Sama Alshaibi et Dena Al-Adeeb. Ces photographies sont le résultat d'un projet interactif Baghdadi Yem / Wars : Still / Chaos, Efface / Remain et Absence / présence qui a été produit à New –York lors d'une résidence d'artiste. Le corps à la mémoire brisée rencontre le corps inerte. Une installation aux couleurs tragiques de la topographie des corps. Le triptyque écrit plus symboliquement l'histoire. Les deux vidéos qui accompagnent le travail des artistes expriment silencieusement la douleur de la ville de Bagdad. Très beau travail ! Plus anecdotique reste le travail de Mohammed Allam, l'artiste égyptien, dans cette conversation très privée. Une photographie unique d'un couple sur la corniche qui longe le Nil. Une bande son, le dialogue fictif d'un jeune homme et sa fiancée. Peut-être un peu trop simple quant à son interrogation sur la thématique du dialogue. Territoires intimes, pays spécifiques, les artistes revisitent ce dialogue qui se dérobe et s'éloigne à chaque fois qu'on croit le réaliser. Les artistes appréhendent le réel à travers leurs visions au-delà de toute démarcation. Ils explorent le mystère de la rencontre et installent le rêve d'une terre possible dans la grâce de l'acte créateur. L'exposition est à visiter. Pour clore la saison Khadija Hamdi nous offre un bel éventail de différences.