Le sujet est de saison, il est maintenant devenu d'une actualité brûlante. De nouvelles mesures de réadaptation doivent incessamment être mises en œuvre pour, comme l'a dit le Ministre de l'enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique dernièrement, remettre l'arbre de l'Université dans le bon sens, « les racines en bas et les branches en haut ». La métaphore a fait mouche, même quand elle préparait en fait une injonction à se retrousser les manches pour tenter de ne pas perdre cette bataille, surtout en regard des défis majeurs que pose le marché de l'emploi des diplômés. La Tunisie n'est pas le seul pays où la machine de la formation est en train de perdre son âme en perdant sa capacité à ouvrir des horizons faits nécessairement de travail rémunéré. Pour continuer dans la métaphore on va dire pastorale, la vieille sagesse tunisienne dit que seule la terre ne ment pas. Quand on plante une tomate, il n'y a pas de chance de récolter des bananes. Et c'est encore heureux puisqu'on est ainsi assuré de ne pas glisser sur une peau de banane, avec les résultats que l'on imagine. De fait, orienter les jeunes bacheliers, c'est à minima penser leur avenir, les lancer sur des chemins autant balisés que prometteurs de futurs métiers. Le LMD a été conçu dans cet esprit, au moins dans les termes généraux, avec des fortunes très diverses, soit dit pour ne pas avoir à cracher dans la soupe. Les enjeux nationaux n'ont pas changé, dans les termes généraux autant que dans les termes spécifiques aux différents domaines : L'Université doit préparer à l'emploi, quelle que soit la manière de décliner les opportunités d'un marché complexe, compliqué et, surtout en évolution constante. Reforestation Le Ministre a bien rappelé à ce sujet l'obligation de prendre en compte les changements que connaît le marché de l'emploi. Ca n'est même pas un problème national, si national devait signifier quelque chose dans ce cas. Les activités économiques tiennent si peu compte des frontières nationales que tout un chacun est appelé à s'adapter au même rythme, dans les pays du Nord et dans les pays du Sud. Il est même dorénavant très commun de travailler pour une entreprise à Tunis mais dont le siège serait en Australie et les capitaux levés à Abou Dhabi. L'employeur, cet être anonyme et nécessairement intéressé n'a pas d'états d'âme pour user du savoir faire, par exemple en Tunisie. Ce cas de figure, des tunisiens travaillant pour des entreprises multinationales avec des succès notables, et en passant bien rémunérés. Preuve que notre système universitaire n'a pas que du mauvais, loin s'en faut. C'est déjà ça de gagné, mais c'est encore notoirement insuffisant. L'arbre, puisqu'on peut encore prendre pour exemple la sagesse de la terre nourricière, ne doit pas cacher la forêt. Le volontarisme qui consiste à multiplier le nombre d'arbres pour doper les statistiques sur la reforestation ne doit pas faire oublier que les essences les plus engageantes de l'extérieur peuvent proliférer et étouffer les autres. A courir sans cesse derrière des leurres, on y laisse toute son énergie. Ca peut être positif pour certains coureurs à la recherche de mensurations de body building, mais pour l'Université, il y a tout de même urgence à jouer au raz du corps social. Les plus anciens des universitaires aiment à se délecter dans la nostalgie de l'âge d'or. Il n'est pas toujours facile d'accepter que l'âge d'or est justement fait pour ne pas durer, quand on retient l'idée, équivoque à souhait, d'âge d'or. Décidément, les rétrospectives en matière d'éducation et de formation, construisent des fictions. Les étudiants d'aujourd'hui sont la force d'action de demain. Et par les temps qui courent, demain ce n'est dans une génération, mais bel et bien dans quelques mois. Les techniques évoluent, les frontières reculent, le football met à la même heure le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest. De quoi « désorienter » les citoyens futurs étudiants et les parents souvent anciens étudiants. En ce mois de Juin, bien malin l'enseignant universitaire capable d'expliquer le guide d'orientation remis aux bons soins des bacheliers appelés à prendre des décisions cruciales pour l'avenir. Inutile d'évoquer les parents issus de domaines éloignés du monde universitaire. Et il y en a, même en plus grand nombre que les universitaires ! Greffes La question qui se pose en ce moment est de donner une lisibilité aux filières. Il était temps, sans entrer dans les fourvoiements des responsabilités des uns et des autres. La solution réside en premier dans le recentrage des missions dévolues à de nombreux établissements saisis par la dérive et incapables d'assumer la nécessaire reconversion. A trop spécialiser comme si l'avenir était fait de certitudes, ce qui pouvait être une ouverture modernisant l'Université par le LMD s'est transformé en carcan. L'une des filières qui avaient mené le système à la caricature fut celle de l'instauration des centres d'appel en « spécialité » vers laquelle des jeunes ont été orientés. Le pays aurait donc décidé de payer les études de centaines, sinon de milliers d'étudiants, pour un métier où les investisseurs n'en demandaient pas tant. Qui d'ailleurs irait embaucher dans ces centres des diplômés du supérieur pour leur offrir un projet de carrière et les émoluments qui vont avec le diplôme ? Mais revenons à l'arbre. Les agricolos savent d'instinct qu'à partir du moment où un arbre est bien planté, il a toutes les chances de croître et de prospérer. Ce qui n'est pas rien. Il a aussi cette capacité non négligeable de faire réussir les greffes, et donc de faire évoluer les espèces. A ce sujet, ceux qui défendent l'environnement peuvent encore servir d'exemple. L'Université n'ira pas plus mal en respectant son environnement et en donnant des chances réelles et réalistes aux générations à venir.