De la dimension universelle à l'espace étriqué et local et du rêve planétaire à la réalité de notre quotidien, le passage va certainement souffrir de la comparaison qu'on ne manquera pas de faire maintenant que les lampions se sont éteints. Car il manquera à la remise en mouvement d'un football parcellaire sous toutes les latitudes, cette grandiose mise en scène qui a tant frappé les esprits. Chez-nous c'est dès demain que notre football, encore meurtri, aura à se justifier sur le plan africain, avant que dans une semaine, la compétition locale affrontera la canicule pour ajouter un autre maillon à une chaîne sans fin. C'est le propre de la vie que cet éternel recommencement meublé de rêves que nous ne cessons de nourrir de passion. Des rêves éphémères que le temps finit toujours par recouvrir de l'oubli. Dans quelques semaines ou quelques mois, on ne se souviendra de la coupe du Monde que pour ne citer que le nom de son vainqueur. Car déjà de nouveaux rêves nous projetteront sur l'avenir. Puissions-nous, toutefois, garder dans nos souvenirs, en plus de l'excellence de l'Espagne, quelques faits – ou leur absence- qui valent la peine d'être gardés en mémoire pour qu'on puisse s'en inspirer. Ce geste de fair-play, par exemple, quand en pleine finale, une remise en jeu d'une balle a failli donner à la Hollande, l'opportunité de marquer un but. Mais le corner qui s'ensuivit ne fut pas jugé assez légitime pour en profiter. Plus significative fut l'absence de tout fumigène quand bien même l'euphorie était à son paroxysme. Aucune bouteille, vide ou pleine, ne fut jetée sur l'arbitre quand celui-ci refusa un but à l'Angleterre que le monde entier a pu constater la validité. Aucun siège n'a eu à souffrir de vandalisme malgré le dépit qu'ont pu causer les quatre buts concédés par le Brésil. Ces non-faits méritent certes d'être médités pour nous apprendre, à une semaine de nos propres empoignades, à relativiser nos échecs et nos succès, car même avec ses classiques et ses derbies, notre compétition ne saura jamais égaler ce qui vient de mobiliser le monde entier. Pourquoi alors, qu'à défaut de pouvoir imiter l'exploit technique ou le haut fair-play, ne pas commencer par tirer une leçon des non-faits ?