Chokri Bouzaiane était là à la fin du spectacle pour congratuler longuement et chaleureusement Sonia M'barek qui ne cacha pas l'émotion sincère suscitée en elle par ce geste humble et respectueux. Certes nous ne vîmes, lundi soir, aucun autre chanteur tunisien suivre l'exemple de Chokri dans les coulisses du Théâtre municipal. Mais qui sait si les artistes absents n'avaient pas déjà félicité Sonia pour son excellent « Wajd II » ou qu'ils comptent le faire incessamment et plus discrètement. Quoi qu'il en soit, c'est cette ambiance de fraternelle solidarité et d'amitié authentique qui doit régner entre nos chanteurs et chanteuses. L'émulation productive entre créateurs du même domaine vaut mille fois mieux que les jalousies paralysantes et les animosités égoïstes qui ne profitent ni aux artistes eux-mêmes ni aux adeptes du Beau en toute chose. Concernant Lotfi Bouchnaq, nous l'avons vu à la télé quelques heures avant la soirée de Sonia M'barek, en train de subir un éprouvant « procès d'intention » sur son sens patriotique et son engagement pour la cause arabe et palestinienne. L'émission censée couvrir et commenter les différentes manifestations culturelles et artistiques de la semaine et qui, jusqu'à nouvel ordre, suscite intérêt et admiration pour l'audace et la finesse de ses analystes, donna lieu à un ridicule interrogatoire pendant lequel Bouchnaq dut clamer, non, jurer plus d'une fois son « innocence » ! Pour un peu, on lui aurait tendu le Livre Saint pour vérifier l'authenticité de ses serments. Curieuse attitude de la part des animateurs de cette émission qui, en définitive, donnent raison à leurs détracteurs en s'érigeant tout à la fois justiciers, redresseurs de torts, objecteurs de conscience et pourvoyeurs de « certificats de militantisme ». Pour avoir finalement été « acquitté » par ses juges intransigeants, Lotfi Bouchnaq mérite nos félicitations les plus compatissantes, parce qu'à dire la vérité, le mauvais quart d'heure qu'on lui fit passer rappelle des pratiques « stalinistes » dont on sortait rarement indemne !