Ghada Shbeir est la chanteuse libanaise qui a revisité la mémoire du temps à travers les chants et les mouashahats lors de son concert dans le cadre de la 5ème édition de Mûsîqât. La scène du Centre des Musiques arabes et méditerranéennes a été envahie par cette touche de grâce que la voix de la chanteuse a laissé promener à travers la salle et qui a rallié le passé au présent dans une revivification d'une langue disparue et de l'héritage des aïeux… Un qanoun et un oud n'étaient que l'accompagnement instrumental à la voix de Ghada Shbeir. Trois artistes ont pris place devant un public venu en grand nombre se délecter des mouashahats et surtout découvrir le chant syriaque. Dans son programme, Ghada Shbeir a voulu rendre hommage aux grands maîtres de la musique arabe. A cet effet, la deuxième partie du concert a été consacrée aux compositions et standards de Khmaïes Tarnène, de Saïd Darwich et des incontournables frères Rahabani entre autres. La chanteuse a même interprété un « mawal » remontant au XIIIème siècle. Cette deuxième partie a été un pur moment d'authenticité au cours duquel les convives se sont abandonnés aux délices des paroles et aux délicatesses des notes. La nostalgie était au rendez-vous et le souvenir d'une époque glorieuse où l'art de la parole chantée était synonyme de grâce et de noblesse a conquis les spectateurs qui ont exprimé leur satisfaction par les applaudissements vigoureux non seulement à la fin du concert mais à chaque fin de chanson. Si la deuxième partie était axée sur la tradition andalouse et s'inscrivait dans le connu et l'attendu, la première partie, elle, était une remontée dans le temps ; une anabase lors de laquelle la gloire d'une langue fut célébrée. En effet, dans la langue syriaque, proche de l'araméen (elle aussi disparue), Ghada Shbeir a interprété des titres qui s'inscrivent dans la particularité car n'appartenant ni à la tradition arabe et ni à la tradition grégorienne. Empreints de mélancolie, ces chants, de formes lapidaires car ne dépassant pas quelques minutes, ouvrent les portes du temps pour nous plonger dans la célébration. Proche de l'arabe le syriaque est une langue chantante qui a été parlée jusqu'au XIIIème siècle. Les chants syriaques sont concis et chargés d'émotion. Cette émotivité a été au cœur de la première partie du concert. A travers sa voix, Ghada Shbeir a déversé sur les convives la charge émotionnelle conférant à l'espace une volupté exquise et mélancolique qui accroche l'esprit et fait chavirer les cœurs. Même si la langue était incompréhensible, ses sonorités étaient une musique qui a épousé les notes émanant du qanoun et du oud. A travers sa revisite d'une langue ancienne Ghada Shbeir a déterré la beauté qui s'en dégage, la plaçant de la sorte sur le mouvement inévitable du temps car une langue ne meurt que lorsqu'elle tombe dans l'oubli. Et c'est contre cet oubli que s'inscrit le concert du mercredi 6 octobre au CMAM de la 5ème édition de Mûsîqât…