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La raison déraisonnée
A El Achouria
Publié dans Le Temps le 24 - 10 - 2010

Adel Gwaider, peintre jordanien, cinq expositions personnelles et la participation à plusieurs festivals était présent le 8 octobre à la Maison des Associations Culturelles El Achouria à la médina, pour l'ouverture de la première séance du club « Paysages culturels », afin de nous faire partager son amour pour le surréalisme.
Pourquoi le surréalisme et pourquoi ce mouvement a-t-il été si longtemps absent de notre culture orientale ?
C'est dans ce cadre, animée par Hamza Marzouk, que la première séance a été entamée.
Mais qu'est donc le surréalisme ? Quel en a été le premier souffle et comment a-t-il évolué ?
C'est André Breton qui a ouvert la voie à cette école ajoutant un nouveau ISME à la parade des mouvements déjà existants.
La peinture surréaliste exige une atmosphère d'isolement installant les conditions favorables à l'évasion. La création visant à libérer l'imagination ainsi que l'esprit et l'amalgame unissant le monde réel et le monde sensible des rêves donnent naissance au Surréalisme, mais l'appel aux rêves et aux hallucinations, au délire, voire à la folie, est paradoxalement considéré comme l'expression d'une raison sans faille.
Il s'agit, en effet, de promouvoir un regard nouveau sur les objets ; c'est un langage artistique exercé en dehors de tout contrôle car le monde des rêves prime sur la conscience et la volonté qui cantonnent l'imaginaire dans une cellule étroite de conventions et de règles. Un monde onirique où la rencontre d'éléments hétérogènes forme une composition d'ensemble produisant une réalité énigmatique et profonde car suggérée par l'artiste, déchiffrée par le spectateur.
La force de l'œuvre surréaliste est de produire une image unifiée avec, paradoxalement, des éléments disparates rassemblés grâce au pur hasard de la main inconsciente de l'artiste guidée par son esprit libéré. « Le surréalisme nait de l'état d'âme de l'artiste ; c'est l'expression subjective et psychologique de préoccupations sociales et humaines qui ressortent à la surface et trouvent un espace d'expression sur les toiles, tout en faisant fi de toutes les conventions. Cela renvoie indubitablement au monde infantile, là où l'imagination prime, un univers qui s'effrite peu à peu à chaque pas que l'on fait vers le monde adulte, là où nos désirs sont peu à peu refoulés » souligne Gwaider.
Où peut-on voir ailleurs que dans les toiles surréalistes un arbre qui a pour tronc le pied d'un homme? Certes L'arbre et le pied humain prennent appui sur le réel mais indépendamment ; c'est la combinaison ou la juxtaposition des deux lectures qui relève de l'imaginaire et produit de suite une réalité autre propre à l'artiste et qu'il essaie de nous communiquer, car, victime de sa propre popularité, le surréalisme peut induire en erreur. C'est ainsi que Gérard Durozoi dans Le Surréalisme nous prévient contre le risque qui nous amènerait à « qualifier de surréaliste le premier fait un peu bizarre ou inhabituel, sans davantage se soucier de rigueur. Le surréalisme [...] est pourtant exemplaire par sa cohérence et la constance de ses exigences. ». Oui mais voilà, ce qui peut paraitre cohérent et consistant pour les surréalistes comme la représentation d'une réalité demeurée obscure et inefficace aux yeux du commun, peut sembler inaccessible et insensé pour le spectateur.
En effet, le surréalisme, amorcé dés les années 20 en Europe, a fait son entrée depuis peu en orient; Les artistes arabes axaient plutôt leur travail sur les paysages romantiques, le folklore, le patrimoine, etc. On cherchait alors plus à voir et à comprendre du premier coup d'œil qu'à décrypter un quelconque sens. Quelques œuvres surréalistes vont encore plus loin en se libérant de toute contrainte de sens afin de créer une représentation inédite, ce que proposait le surréalisme paraissait alors absurde et invraisemblable car il s'agit de déborder la perception oculaire, oubliant que ce mouvement est régi par une sorte de philosophie qui se donne pour point de mire d'analyser la personnalité et la psychologie humaine ; la question est donc évidente : La peinture est-t-elle moyen de délectation ou système de connaissance?
Le surréalisme est l'art qui dépasse l'entendement et sort du cadre du rationnel et du logique, mais en débarrassant les objets de leur utilitarisme et en unissant réel et imaginaire, rêve et réalité.


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