L'Acropolium de Carthage et le Goethe Institut à Tunis ont offert, le jeudi 21 octobre dernier, une soirée sous le signe d'une rencontre croisée entre la clarinette et le piano en invitant le duo Riul fondé par Sebastian Manz (clarinette) et Martin Klett (piano). Malgré sa jeunesse – créé en 2008 – le duo a revisité un pan du répertoire classique dans une complicité captivante, entraînant ainsi les convives dans une sphère particulière où la grande musique rime avec rencontres inoubliables… Le rythme accéléré que viennent adoucir certains phrasés graves et mélancoliques, une variation sur des notes qui expriment la joie dans une profondeur inouïe, enfin un jeu dynamique et virevoltant des doigts frénétiques sur les touches blanches et noires et sur la clarinette étaient les ingrédients réunis qui avaient fait du concert du duo Riul une réussite. En effet, dès les premières notes, le ton de la soirée a été donné : la liesse était de mise et la complicité était de rigueur. Les deux acolytes ont réinventé un monde à travers la partition. Un monde où Bach a côtoyé Weber, Kovacs et Busoni. Des siècles de grande musique, de variations de rythmes ont été mis à l'honneur. Sebastian Manz et Martin Klett ont empli l'espace de cette excellence tonale, de ce son entraînant qui ouvre les portes d'un songe. Songe d'une nuit automnale, tel serait le titre du concert. Des hommages, le premier à Werber, le deuxième à Bach composés par Kovacs, ont permis aux convives de se délecter du son de la clarinette en solo. L'instrument à vent était d'une magnificence puissante. Les notes s'y échappaient dans un effluve joyeux et profond. Le rythme s'accélérant entraînait l'esprit dans les délices de la partition. Ce rythme fut le credo du piano. En solo, ce dernier jouissait d'une force enivrante dans son éclat. Les doigts du pianiste se sont promenés sur les touches pour en extraire toute la splendeur de la partition. Ensemble, Sebastian Manz et Martin Klett mêlaient leurs talents, confondaient leurs sons, conjuguaient leur connivence pour atteindre la grâce. Cette connivence scénique s'est déversée sur le parterre. Le public observant le silence n'hésita point à applaudir vivement le duo à la fin du concert. Le remerciant pour cet enthousiasme, le duo a joué « Scaramouche » de Darius Milhaud, une pièce au rythme frénétique qui incite à entrer presque à son insu dans l'univers de la musique tel que le présente le duo Riul. Ainsi, la soirée a été l'occasion de côtoyer des artistes au talent indiscutable. Titulaires de plusieurs prix et ayant participé à de nombreux festivals et manifestations à travers l'Europe, Sebastian Manz et Martin Klett ont déposé sur la scène de l'Octobre musical leur génie et leur perception, leur talent et leur émotion pour le plaisir des mélomanes. Un plaisir qui nous fera recroiser le chemin de ce duo éclatant et ingénieux dans la haute sphère de la musique… Raouf MEDELGI ------------------ Karoly Mocsari (Hongrie) - Chopin et Liszt à l'honneur… Avec le concours de l'Ambassade de Hongrie, l'Acropolium de Carthage a accueilli, le samedi 23 octobre dernier, le pianiste Karoly Mocsary. Un artiste incontournable de la scène classique dont la carrière est jalonnée de succès et de rencontres aussi prestigieuses qu'inoubliables avec des grands noms de la musique. Pour son concert dans le cadre de la seizième édition de l'Octobre musical, le pianiste a rendu hommage à Frédéric Chopin et à Ferenc Liszt en revisitant quelques une de leurs compositions… Force dans l'interprétation et une technique implacable, c'est ce que nous retiendrons du concert de Karoly Mocsari. La première partie était placée sous le signe de Chopin. Entre « Ballade » et un choix de « Mazurka », l'esprit et le génie du compositeur ont été exacerbés dans une interprétation sans failles. Le pianiste a promené ses doigts sur les touches pour en extirper le son juste, la note grave ou aiguë en explorant le monde de Chopin. Ce monde fit place, dans la deuxième partie de la soirée à l'univers de Liszt. Plus à l'aise, Karoly Mocsari a enchaîné « la Vallée d'Obermann », « la Rapsodie Hongroise » et « les Funérailles » avec une force envahissante. Les notes ont empli l'espace avec une puissance poignante, imposant le silence dans la salle, captant l'ouïe de l'assistance. L'ancien élève de Jorge Bolet était en « Rivalité dans l'Amitié », (titre que nous pouvions le lire sur le programme de la soirée), une rivalité dans l'interprétation et la réappropriation de la partition, une amitié avec les compositeurs qui dépasse le seul cadre temporel ; quant au piano lui-même, nous ne pouvons parler ni de rivalité ni d'amitié mais plutôt de complicité avec tout ce que ce mot comporte de tension et d'harmonie entre l'artiste et l'instrument. Connu de par le monde, invité par les orchestres sur les cinq continents et ayant côtoyé des artistes de renom, Karoly Mocsari jouit d'une notoriété dont témoigne sa carrière internationale. Dans la pénombre de l'Acropolium, son jeu a submergé la salle par des tonalités puissantes. Pourtant, la réappropriation et la revisite d'un pan de l'œuvre de Chopin et Liszt manquaient de sensibilité car, malgré une technique à la pointe de la perfection, l'émotion n'était pas au rendez-vous et le transport vers l'ailleurs inconnu n'était pas de mise. En dépit de ce manque, le concert de Karoly Mocsari était une rencontre avec un artiste incontournable et un interprète rigoureux. Sa force d'interprétation a attiré l'attention du public, son programme était un hommage doté d'une intensité pure. Au seul son du piano, la soirée était placée sous le signe de la puissance qui prit la forme d'une note émanant de l'instrument trônant sur la scène…